Remise du Prix Houphouët Boigny : Diouf-Wade, la guerre des mots

L'association des Grands-mères de la Place de Mai a reçu, hier le prix Houphouët Boigny pour la paix des mains de la directrice de l'Unesco, Irina Bokova. La cérémonie s'est déroulée dans l'enceinte de l'Unesco en présence du président Wade, d'Alassane Ouattara, de Henri Konan Bédié, de Blaise Compaoré, de Mohammed Ould Abdoul Aziz, de la présidente Cristina Kirchner, entre autres. Dans leurs discours, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade ont échangé des propos sur la pratique de la parité.



La remise du Prix Houphouët Boigny à l'Association des Grands-mères de la Place de Mai a été l'occasion pour les deux présidents sénégalais d'échanger des propos apparemment non concertés, mais plein de symboles. Dans son discours Abdou Diouf a salué ‘la persévérance’ des femmes de l'Association des Grands-mères de la Place de Mai pour leur combat qui leur ont valu de nombreux prix dont celui d'Houphouët Boigny. A travers ces femmes, le président Diouf, secrétaire général de l'Oif et parrain du prix, a estimé que l'égalité entre femme et homme tarde à se matérialiser. ‘Votre engagement nous interpelle tous, citoyens, dirigeants, que les femmes, qu'on le veuille ou non, qu'on l'accepte ou non, doivent retrouver la place et les responsabilités légitimes qui leur reviennent dans tous les secteurs de la vie humaine’, soutient le président Diouf,en s'adressant à la présidente de la l'Association, Mme Estela dé Carlotto. Si Abdou Diouf reconnaît que des efforts ont été faits dans ce domaine, il considère qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. ‘Ne nous voilons pas la face. Beaucoup de progrès ont été certes accomplis, beaucoup de textes, de lois ou de règlements ont été adoptés pour favoriser la parité, mais nous savons bien qu'ils sont restés dans le domaine de l'intention’, fait-il valoir sous les applaudissements de la salle.

Avant d'attaquer : ‘Combien d'énergie les femmes doivent-elles encore dépenser pour que soit reconnue et respectée leur dignité alors que cette énergie doit être employée à la seule satisfaction de leurs capacités, à la seule réalisation de leurs contributions ?’, s'interroge le prédécesseur du président Wade, qui a encore récolté des ovations nourries. Abdou Diouf a également fait ‘une mention particulière à toutes ces femmes qui ont pris part au printemps arabe’ et s’est fait leur porte-voix ‘pour qu'elles ne soient pas les oubliées de la révolution’. L'applaudimètre est encore au plus haut comme pour saluer la justesse de ses propos. Le secrétaire général de l’Oif souligne d'ailleurs que si le lauréat a été récompensé par le jury, ce n'est pas seulement ‘une récompense pour l'espoir dans les familles et la paix dans le monde, mais c'est aussi une source de fierté pour beaucoup de femmes à travers le monde’.

Quand ce fut le tour du président Wade, il n'a pas manqué de répondre à son prédécesseur, comme s'il y était obligé. Mais le Chef de l'Etat a estimé nécessaire de dire que, dans le cadre de la parité, il y a une sorte d'exception sénégalaise. ‘J'ai apprécié tous les espoirs exprimés pour le progrès des femmes dans le monde. Mais dois-je, humblement, dire que si presque partout dans le monde, les femmes réclament l'égalité, la considération, elles en jouissent dans mon petit pays, le Sénégal’, tient-il à préciser. Et de citer la loi sur la parité ‘qui a établi, selon lui, la parité absolue homme-femme dans toutes les fonctions électives et semi-électives, même dans les conseils d'administration dans lequel le capital est détenu en majorité par l'Etat’. Dans les autres secteurs où la loi ne pourrait pas être appliquée, le Chef de l'Etat a fait savoir qu'il en encouragera le respect. ‘Dans d'autres, nous encourageons à appliquer cette règle’, souligne Me Wade.

Son désir de précision assouvi, le Chef de l'Etat, comme il sait le faire dans ce genre de rencontre, a invité Mme Estela Carlotto à visiter le Sénégal. ‘Par conséquent, (…) les femmes sénégalaises seront honorées de vous recevoir au Sénégal pour vous montrer que, dans un petit pays de l'autre côté de l'Afrique, on cherche à traduire dans les faits ce qui, ailleurs, n'est qu'énonciation intentionnelle’, assure-t-il.

Moustapha BARRY (Walfadjri quotidien)

Charles Thialice SENGHOR

Jeudi 15 Septembre 2011 10:47


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