La Cour militaire de Kinshasa à l'ouverture du procès des huit policiers soupçonnés du meurtre de Floribert Chebeya, le 12 novembre 2010. AFP/GWENN DUBOURTHOUMIEU
Floribert Chebeya avait disparu la veille au soir, après avoir indiqué à plusieur personnes qu'il se rendait à un rendez vous avec le chef de la police nationale, le general John Numbi. Son chauffeur, Fidèle Bazana, qui l'accompagnait, n'a lui jamais été retrouvé.
Huit policiers sont jugés depuis sept mois pour l'assassinat de Floribet Chebeya et son chauffeur, Fidèle Bazana. Parmi eux, trois sont jugés par contumace.
Bien que l'un de ces trois hommes ait été arrêté en avril, il n'a jamais été présenté à la Cour, au grand dam des parties civiles, pour le moins méfiantes quant à l'issue de ce procès. Leurs avocats se sont même retirés le mois dernier des audiences quand ils ont appris que la Cour envisageait de requalifier les faits d'assassinat en homicide involontaire.
Pour Me François Cantier, président d'Avocats Sans Frontières France et membre du collectif des avocats des parties civiles, il y a plusieurs failles dans ce procès :
"Enquête insuffisante"
« D'abord, l'enquête réalisée par la justice militaire (qui est institutionnellement très dépendante du pouvoir), est nettement insuffisante. Exemple concret : nous nous sommes aperçus qu'à l'entrée des locaux de la police où Floribert Chebeya a été convoqué, et où il a vraisemblablement été assassiné, il y avait une caméra. Et il y a une salle où sont retransmises les vidéos enregistrées par cette caméra. Sachant que les policiers disent que Floribert Chebeya ne s'est jamais présenté dans leurs locaux, il y avait un moyen simple de le vérifier en saisissant les bandes vidéos, mais cela a disparu. C'est un exemple et il y en a bien d'autres où manifestement l'enquête a été insuffisante.
Second inconvénient de ce procès : il se déroule devant une juridiction militaire qui ne présente pas toutes les garanties d'indépendance nécessaires. Je suis certain que des pressions se sont exercées sur les juges. Auront-elles raisons de leur indépendance ? Nous le verrons quand nous aurons leur décision.
Troisième faille de ce dossier : la personne qui nous apparaît à nous tous, parties civiles, comme le plus haut responsable manifeste de ce crime, c'est à dire le chef de la police, le général John Numbi, n'a pas été mis en accusation, alors que des indices précis et concordants permettent de penser (sous le bénéfice bien sûr de la présomption d'innocence) qu'il est directement impliqué, ne serait ce que parce qu'il a signé la lettre de convocation de Floribert Chebeya, convocation à laquelle Floribert s'est rendu et après laquelle il a trouvé la mort. »
« Que la lutte de Floribert contre l'impunité ne soit pas vaine »
Suspendu de ses fonctions, mais pas poursuivi, John Numbi a été entendu comme témoin. Il a nié avoir donné rendez vous à Floribert Chebeya.
Contre les accusés, qui sont ses subordonnés, les peines requises vont de 20 ans de prison à la peine de mort.
Mais pour Annie Chebeya, la veuve du défenseur des droits de l'homme, quel que soit le verdict, le combat ne s'arrêtera pas là :
« Nous allons continuer jusqu'à ce qu'on arrête John Numbi, pour qu'on puisse le juger comme tout le monde. Les enfants et moi, nous attendons que la justice soit rendue, pour que la lutte de Floribert contre l'impunité ne soit pas vaine ».
Tension permanente
Réponse de Me Bokata Ikundaka, coordinateur du collectif d'avocats de la Défense :
« La thèse des parties civiles, c'est que c'est un crime d'Etat. Madame Chebeya il y a quinze jours a dit que c'était le chef de l'Etat qui avait donné des ordres au général Numbi qui lui même avait donné des ordres au colonel Mukalay, mon client. A-t-on apporté la preuve de ce que ces ordres avaient été donnés ? Non.
Au lieu de rester dans un cadre strictement judiciaire, on a voulu faire état du contexte politique de l'époque et mettre en exergue la personnalité de M. Chebeya, par rapport à tout ce qu'il reprochait aux autorités congolaises, que ce soit fondé ou pas. A partir de là, tout a été biaisé
Les éléments du dossier ne permettent pas d'incriminer le général Numbi, encore moins mon client. Donc nous espérons la relaxe pure et simple. »
Verdict ce jeudi 16 juin 2011, à l'issue d'un procès qui s'est tenu dans une atmosphère de tension permanente selon le président d'Avocats Sans Frontières France. Me Cantier salue d'ailleurs « l'immense courage » de ses confrères et des défenseurs des droits de l'homme :
« Plusieurs d'entre nous ont reçu des mails contenant des menaces de mort à peine déguisées. Dolly Ibefo, le successeur de Floribert Chebeya, est lui même menacé de mort. Cela n'a pas découragé les avocats de parties civiles de faire leur travail, sachant tous les dangers auxquels ils s'exposent. »
Menacées elles aussi, les veuves des deux disparus se sont réfugiées à l'étranger.
Avant de partir le mois dernier pour la France, Marie Josée Bazana (la veuve du chauffeur de Floribert Chebeya, qui n'a jamais été retrouvé), a toutefois assisté à la quasi totalité des audiences. A la barre, en avril, elle a supplié qu'on lui rende les restes de son mari, pour pouvoir lui donner une sépulture, déclenchant un silence de plomb.
Huit policiers sont jugés depuis sept mois pour l'assassinat de Floribet Chebeya et son chauffeur, Fidèle Bazana. Parmi eux, trois sont jugés par contumace.
Bien que l'un de ces trois hommes ait été arrêté en avril, il n'a jamais été présenté à la Cour, au grand dam des parties civiles, pour le moins méfiantes quant à l'issue de ce procès. Leurs avocats se sont même retirés le mois dernier des audiences quand ils ont appris que la Cour envisageait de requalifier les faits d'assassinat en homicide involontaire.
Pour Me François Cantier, président d'Avocats Sans Frontières France et membre du collectif des avocats des parties civiles, il y a plusieurs failles dans ce procès :
"Enquête insuffisante"
« D'abord, l'enquête réalisée par la justice militaire (qui est institutionnellement très dépendante du pouvoir), est nettement insuffisante. Exemple concret : nous nous sommes aperçus qu'à l'entrée des locaux de la police où Floribert Chebeya a été convoqué, et où il a vraisemblablement été assassiné, il y avait une caméra. Et il y a une salle où sont retransmises les vidéos enregistrées par cette caméra. Sachant que les policiers disent que Floribert Chebeya ne s'est jamais présenté dans leurs locaux, il y avait un moyen simple de le vérifier en saisissant les bandes vidéos, mais cela a disparu. C'est un exemple et il y en a bien d'autres où manifestement l'enquête a été insuffisante.
Second inconvénient de ce procès : il se déroule devant une juridiction militaire qui ne présente pas toutes les garanties d'indépendance nécessaires. Je suis certain que des pressions se sont exercées sur les juges. Auront-elles raisons de leur indépendance ? Nous le verrons quand nous aurons leur décision.
Troisième faille de ce dossier : la personne qui nous apparaît à nous tous, parties civiles, comme le plus haut responsable manifeste de ce crime, c'est à dire le chef de la police, le général John Numbi, n'a pas été mis en accusation, alors que des indices précis et concordants permettent de penser (sous le bénéfice bien sûr de la présomption d'innocence) qu'il est directement impliqué, ne serait ce que parce qu'il a signé la lettre de convocation de Floribert Chebeya, convocation à laquelle Floribert s'est rendu et après laquelle il a trouvé la mort. »
« Que la lutte de Floribert contre l'impunité ne soit pas vaine »
Suspendu de ses fonctions, mais pas poursuivi, John Numbi a été entendu comme témoin. Il a nié avoir donné rendez vous à Floribert Chebeya.
Contre les accusés, qui sont ses subordonnés, les peines requises vont de 20 ans de prison à la peine de mort.
Mais pour Annie Chebeya, la veuve du défenseur des droits de l'homme, quel que soit le verdict, le combat ne s'arrêtera pas là :
« Nous allons continuer jusqu'à ce qu'on arrête John Numbi, pour qu'on puisse le juger comme tout le monde. Les enfants et moi, nous attendons que la justice soit rendue, pour que la lutte de Floribert contre l'impunité ne soit pas vaine ».
Tension permanente
Réponse de Me Bokata Ikundaka, coordinateur du collectif d'avocats de la Défense :
« La thèse des parties civiles, c'est que c'est un crime d'Etat. Madame Chebeya il y a quinze jours a dit que c'était le chef de l'Etat qui avait donné des ordres au général Numbi qui lui même avait donné des ordres au colonel Mukalay, mon client. A-t-on apporté la preuve de ce que ces ordres avaient été donnés ? Non.
Au lieu de rester dans un cadre strictement judiciaire, on a voulu faire état du contexte politique de l'époque et mettre en exergue la personnalité de M. Chebeya, par rapport à tout ce qu'il reprochait aux autorités congolaises, que ce soit fondé ou pas. A partir de là, tout a été biaisé
Les éléments du dossier ne permettent pas d'incriminer le général Numbi, encore moins mon client. Donc nous espérons la relaxe pure et simple. »
Verdict ce jeudi 16 juin 2011, à l'issue d'un procès qui s'est tenu dans une atmosphère de tension permanente selon le président d'Avocats Sans Frontières France. Me Cantier salue d'ailleurs « l'immense courage » de ses confrères et des défenseurs des droits de l'homme :
« Plusieurs d'entre nous ont reçu des mails contenant des menaces de mort à peine déguisées. Dolly Ibefo, le successeur de Floribert Chebeya, est lui même menacé de mort. Cela n'a pas découragé les avocats de parties civiles de faire leur travail, sachant tous les dangers auxquels ils s'exposent. »
Menacées elles aussi, les veuves des deux disparus se sont réfugiées à l'étranger.
Avant de partir le mois dernier pour la France, Marie Josée Bazana (la veuve du chauffeur de Floribert Chebeya, qui n'a jamais été retrouvé), a toutefois assisté à la quasi totalité des audiences. A la barre, en avril, elle a supplié qu'on lui rende les restes de son mari, pour pouvoir lui donner une sépulture, déclenchant un silence de plomb.