Une libération contestée
Franco-sénégalais âgé de 50 ans, Karim Wade est le fils unique d'Abdoulaye Wade, Président du Sénégal de 2000 à 2012. Ancien banquier d'affaires à Londres, Karim Wade a rejoint son père comme conseiller économique avant de prendre la tête d'une curieuse « agence spéciale » accusée de détournements de fonds, l'ANOCI (Agence nationale pour l'organisation de la conférence islamique). Cette agence avait pour unique but de préparer la conférence de 2008 de l'Organisation de la Coopération Islamique à Dakar et les financements qui allaient avec.
En charge de dossiers stratégiques tels que la construction et la modernisation de Dakar, Karim Wade est rapidement devenu incontournable dans les appels d'offres. Selon un document Wikileaks de mars 2009, il était considéré comme le principal conseiller stratégique du président Wade avec un rôle jugé « nébuleux ».
D'après des documents confidentiels de l'ambassade américaine au Sénégal : « il est largement admis que Karim a détourné une quantité importante de fonds. Dans le milieu diplomatique, Karim est désormais connu sous le nom de Monsieur 15 % (après avoir été Monsieur 10 % début 2007) ».
Devenu « super-ministre » en charge de la coopération, du transport aérien, de l'infrastructure et du planning, le très impopulaire Karim Wade, qui ne parle que peu le Wolof, a connu une subite disgrâce après la défaite électorale de son père. Arrêté en 2013, il sera condamné à six ans de prison et 210 millions d'euros d'amende pour corruption par la Cour de Répression de l’enrichissement illicite.
Malgré la sentence, Karim Wade pourra compter sur un allié de poids pour retrouver sa liberté: le Dr Ali Bin Fetais Al Marri, Procureur Général du Qatar.
Les manœuvres du Procureur Général du Qatar
Proche du roi du Maroc, qui l'a introduit à des dignitaires qataris, Karim Wade s'était rapproché du Procureur Général alors qu'il était encore à la tête de l'ANOCI. A cette époque, les rumeurs de financements occultes des campagnes électorales du clan Wade étaient répandues dans les cercles diplomatiques. Ambitieux, le Qatar est bien connu pour financer des politiciens à l'étranger, notamment en France.
Ce ne fut donc pas vraiment une surprise de voir le Dr Fetais débarquer en jet privé à Dakar en juin 2016 pour récupérer Karim Wade, après sa brève incarcération. Fruit d'intenses tractations diplomatiques, l'ancien ministre sera chaleureusement accueilli à Doha, d'où il prépare son retour.
En effet, loin de couler une paisible retraite, Karim Wade continue de planifier un retour politique au Sénégal, visant la Présidence. Intensifiant les préparatifs, le Dr Fetais a multiplié les voyages à Dakar en 2018 pour essayer de négocier le retour de son protégé.
Dans un contexte géopolitique tendu, l'ingérence du Qatar dans la politique sénégalaise passe mal. Malgré les largesses du Qatar, le Président Macky Sall se méfierait de cet ami encombrant et de son soutien marqué à Karim Wade. D'après plusieurs observateurs, le Qatar chercherait en fait à placer son protégé comme prochain Président du Sénégal, pour influencer la politique en Afrique de l'Ouest et contrer les intérêts saoudiens.
Un champion de la lutte anti-corruption ?
Alors que le Dr Fetais se présente comme une figure internationale de la lutte contre la corruption, comment explique-t-il son amitié avec Karim Wade, pourtant condamné à six ans de prison pour corruption et largement discrédité, tant au Sénégal que parmi la communauté internationale ?
Il ne fait pas oublier que le Dr Fetais est aussi fondateur et président du ROLACC, un centre anti-corruption et représentant des Nations Unies pour la lutte contre les biens mal acquis.
D'ailleurs, en juin 2015, le Dr Fetais annonçait même la création au Sénégal du « Centre sous-régional pour le renforcement de l'Etat de droit ». Ce centre aurait-il une opinion sur les actions de Karim Wade quand il était à la manœuvre ?
Mais qui est vraiment le Dr Fetais ?
Comme la presse l'a révélé au cours des derniers mois, le Procureur General du Qatar fait l'objet de nombreuses polémiques : comptes privés à la National Bank of Kuwait, biens mal acquis à Paris et Genève pour plusieurs dizaines de millions d'euros, soutien à des proches membres d'Al-Qaïda, sa réputation est plus que controversée.
Dans ce contexte, l'amitié entre Karim Wade et le Dr Fetais, réelle ou intéressée, est-elle vraiment surprenante ? Le Dr Fetais, connu pour être un astucieux homme d'affaires, aurait-il pu s'associer en affaires avec l'ancien banquier Karim Wade ?
NB : Le Blog de Médiapart est l'espace de libre expression des abonnés de Mediapart. Ses contenus n'engagent pas la rédaction.
Franco-sénégalais âgé de 50 ans, Karim Wade est le fils unique d'Abdoulaye Wade, Président du Sénégal de 2000 à 2012. Ancien banquier d'affaires à Londres, Karim Wade a rejoint son père comme conseiller économique avant de prendre la tête d'une curieuse « agence spéciale » accusée de détournements de fonds, l'ANOCI (Agence nationale pour l'organisation de la conférence islamique). Cette agence avait pour unique but de préparer la conférence de 2008 de l'Organisation de la Coopération Islamique à Dakar et les financements qui allaient avec.
En charge de dossiers stratégiques tels que la construction et la modernisation de Dakar, Karim Wade est rapidement devenu incontournable dans les appels d'offres. Selon un document Wikileaks de mars 2009, il était considéré comme le principal conseiller stratégique du président Wade avec un rôle jugé « nébuleux ».
D'après des documents confidentiels de l'ambassade américaine au Sénégal : « il est largement admis que Karim a détourné une quantité importante de fonds. Dans le milieu diplomatique, Karim est désormais connu sous le nom de Monsieur 15 % (après avoir été Monsieur 10 % début 2007) ».
Devenu « super-ministre » en charge de la coopération, du transport aérien, de l'infrastructure et du planning, le très impopulaire Karim Wade, qui ne parle que peu le Wolof, a connu une subite disgrâce après la défaite électorale de son père. Arrêté en 2013, il sera condamné à six ans de prison et 210 millions d'euros d'amende pour corruption par la Cour de Répression de l’enrichissement illicite.
Malgré la sentence, Karim Wade pourra compter sur un allié de poids pour retrouver sa liberté: le Dr Ali Bin Fetais Al Marri, Procureur Général du Qatar.
Les manœuvres du Procureur Général du Qatar
Proche du roi du Maroc, qui l'a introduit à des dignitaires qataris, Karim Wade s'était rapproché du Procureur Général alors qu'il était encore à la tête de l'ANOCI. A cette époque, les rumeurs de financements occultes des campagnes électorales du clan Wade étaient répandues dans les cercles diplomatiques. Ambitieux, le Qatar est bien connu pour financer des politiciens à l'étranger, notamment en France.
Ce ne fut donc pas vraiment une surprise de voir le Dr Fetais débarquer en jet privé à Dakar en juin 2016 pour récupérer Karim Wade, après sa brève incarcération. Fruit d'intenses tractations diplomatiques, l'ancien ministre sera chaleureusement accueilli à Doha, d'où il prépare son retour.
En effet, loin de couler une paisible retraite, Karim Wade continue de planifier un retour politique au Sénégal, visant la Présidence. Intensifiant les préparatifs, le Dr Fetais a multiplié les voyages à Dakar en 2018 pour essayer de négocier le retour de son protégé.
Dans un contexte géopolitique tendu, l'ingérence du Qatar dans la politique sénégalaise passe mal. Malgré les largesses du Qatar, le Président Macky Sall se méfierait de cet ami encombrant et de son soutien marqué à Karim Wade. D'après plusieurs observateurs, le Qatar chercherait en fait à placer son protégé comme prochain Président du Sénégal, pour influencer la politique en Afrique de l'Ouest et contrer les intérêts saoudiens.
Un champion de la lutte anti-corruption ?
Alors que le Dr Fetais se présente comme une figure internationale de la lutte contre la corruption, comment explique-t-il son amitié avec Karim Wade, pourtant condamné à six ans de prison pour corruption et largement discrédité, tant au Sénégal que parmi la communauté internationale ?
Il ne fait pas oublier que le Dr Fetais est aussi fondateur et président du ROLACC, un centre anti-corruption et représentant des Nations Unies pour la lutte contre les biens mal acquis.
D'ailleurs, en juin 2015, le Dr Fetais annonçait même la création au Sénégal du « Centre sous-régional pour le renforcement de l'Etat de droit ». Ce centre aurait-il une opinion sur les actions de Karim Wade quand il était à la manœuvre ?
Mais qui est vraiment le Dr Fetais ?
Comme la presse l'a révélé au cours des derniers mois, le Procureur General du Qatar fait l'objet de nombreuses polémiques : comptes privés à la National Bank of Kuwait, biens mal acquis à Paris et Genève pour plusieurs dizaines de millions d'euros, soutien à des proches membres d'Al-Qaïda, sa réputation est plus que controversée.
Dans ce contexte, l'amitié entre Karim Wade et le Dr Fetais, réelle ou intéressée, est-elle vraiment surprenante ? Le Dr Fetais, connu pour être un astucieux homme d'affaires, aurait-il pu s'associer en affaires avec l'ancien banquier Karim Wade ?
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