L’art de la volte-face n’est pas seulement le propre des politiques. Certains intellectuels de renom en seraient des adeptes. Une recherche a permis à PressAfrik de tomber sur un article scientifique du Pr Ismaela Madior Fall sur «La Révision constitutionnelle au Sénégal». Dans ce texte, il aborde des questions complexes en mettant en lumière les failles et les lacunes des règles procédurales de la revision constitutionnelle tout en se basant sur des exemples précis et oeuvres de certains de ses confrères. Le professeur de droit se dit convaincu que "l’argument selon lequel la procédure est valable parce qu’avalisée par le Conseil Constitutionnel à travers un avis est, à notre sens, irrecevable”. Le constitutionnaliste l’a dit dans un article un article de 46 pages publié dans la «Revue Afrilex» du Centre d’Études et de Recherches sur les Droits Africains et sur le Développement Institutionnel des pays en développement (CERDRADI) de l’ Université Montesquieu - Bordeaux IV.
Le Ministre et conseiller juridique du président de la République, Ismaela Madior Fall est d’avis que «l’argument selon lequel la procédure est valable parce qu’avalisée par le Conseil Constitutionnel à travers un avis est, à notre sens, irrecevable». Le Professeur justifie cela par «deux raisons au moins». Selon lui, «d’abord, il s’agit juste d’un avis (avec tout ce que cela implique en droit) qui ne peut autoriser, interdire ou couvrir une irrégularité ; ensuite, le Conseil Constitutionnel aurait même donné un avis qui dépasse le champ de ses compétences».
Le Conseil constitutionnel qui outrepasse son champ de compétences
Le collaborateur de Macky Sall d’argumenter: «En effet, il est bien habilité à donner un avis lorsqu’il s’agit de la soumission au peuple d’un simple «projet de loi» ressortissant de la matière législative ordinaire, et non d’un texte relevant de la matière constitutionnelle». Evidemment, a-t-il ajouté, «la facilité a simplement consisté à dire, en l’occurrence, que Constitution et loi sont synonymes. C’est ce que la juridiction constitutionnelle a fait».
Ismaela Madior Fall d’expliciter à la page 20 tout en citant le texte en question : «saisi par le Président de la République par lettre en date du 3 novembre 2000, conformément à l’article 46 de la Constitution, le Conseil a estimé que «considérant que, l’article 46 de la Constitution dispose que le Président de la République peut, sur proposition du Premier Ministre et après avoir consulté les présidents des assemblées et recueilli l’avis du Conseil constitutionnel, soumettre tout projet de loi au référendum (…) que le Président de la République tient de cette disposition constitutionnelle le droit d’initiative au référendum sans distinction entre la matière constitutionnelle et la matière législative ordinaire » est d’avis « que le Président de la République peut, sur proposition du Premier Ministre et après avoir consulté les présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat, soumettre au référendum le projet de Constitution».
Les schémas de révision de la «durée et limitation du mandat »
Dans cette œuvre scientifique, Ismaela Madior Fall a fait comprendre qu’aussi bien la modification de la règle du quinquennat que celle de la clause limitative du nombre de mandats présidentiels requièrent la consultation du peuple sénégalaiss seul habilité à en décider par le biais d’un référendum. «Ce point de vue est aussi celui de Babacar GUEYE et de Demba SY qui ont été membres de la Commission de rédaction de la Constitution du 22 janvier 2001. Ces rédacteurs de la Constitution, qui confirment bien que l’ensemble des dispositions (durée du mandat et limitation du nombre de mandats), devaient simplement écrire avec une «encre véridique» indemne de toute ambigüité : «Cet article ne peut être modifié que par voie référendaire».
Personne n’aurait ainsi la malice de soutenir que seule une partie de l’article est concernée par l’exigence de la révision par la voie référendaire», a-t-il étayé. Le conseil juridique du président de la République a insisté : «les deux phrases se suivent sur la même ligne. Donc, l’exigence du référendum contenue à l’article 27 in fine s’applique aux deux règles (durée et limitation du mandat) énoncées plus haut dans l’unique alinéa précédent.
De l’instrumentalisation de la Constitution
Comme on l’observe aujourd’hui avec le projet de révision de la Constitution proposé par le président Macky Sall, les fondements avancés pour la modification de la Charte fondamentale sont plus d’ordre “déconsolidant que consolidant” comme le dit souvent Ismaela Madior Fall.
“Cette politique jurisprudentielle de « l’injusticiabilité des lois constitutionnelles » ne connaîtra ni rupture, ni revirement, mais suscite des interrogations : cette position du juge sénégalais est-elle à saluer ou déplorer ? S’inscrit-elle dans les standards juridictionnels universels et africains ?”, a declaré le constitutionnaliste du chef de l’Etat qui estime, dans la même lancée que “la réponse est à relativiser”. Car pour lui, “l’attitude du juge en l’occurrence dépend de façon immédiate de son champ de compétence tel que défini par la Constitution et les textes la complétant mais aussi de sa conception «philosophico-politico-juridique» du pouvoir constituant, dont on sait qu’il est objet de plusieurs théses”.
L’auteur du livre : « Les révisions constitutionnelles au Sénégal. Révisions consolidantes et révisions déconsolidantes de la démocratie sénégalaise » paru en 2011 aux Editions CREDILA a expliqué qu’à «la lumière de ces nombreux exemples illustratifs de l’instrumentalisation de la Constitution à des fins de règlement de comptes, la remarque formulée il y a plus d’une vingtaine d’années par Babacar KANTE demeure encore valable : « ces différentes hypothèses autorisent à conclure qu’au Sénégal qu’on n’hésite pas, écrit-il, à modifier la charte fondamentale au profit ou au détriment de quelqu’un ».
En définitive, a-t-il estimé, “les révisions déconsolidantes bien que dénoncées, finissent toujours, avec le soutien inconditionnel d’une majorité parlementaire acquise au Chef de l’Etat, par passer dans un contexte marqué par l’absence d’une opinion publique de défense de la Constitution et d’un juge à même de réguler les dérives révisionnistes”.
Ismaela Madior Fall a fait savoir en conclusion que "comparé à d’autres pays africains qui montrent un attachement à la stabilité constitutionnelle, le Sénégal semble, par son hyperactivité constitutionnelle, inscrire sa dynamique démocratique dans le registre du paradoxe : stabilité politique et instabilité constitutionnelle".
Le Ministre et conseiller juridique du président de la République, Ismaela Madior Fall est d’avis que «l’argument selon lequel la procédure est valable parce qu’avalisée par le Conseil Constitutionnel à travers un avis est, à notre sens, irrecevable». Le Professeur justifie cela par «deux raisons au moins». Selon lui, «d’abord, il s’agit juste d’un avis (avec tout ce que cela implique en droit) qui ne peut autoriser, interdire ou couvrir une irrégularité ; ensuite, le Conseil Constitutionnel aurait même donné un avis qui dépasse le champ de ses compétences».
Le Conseil constitutionnel qui outrepasse son champ de compétences
Le collaborateur de Macky Sall d’argumenter: «En effet, il est bien habilité à donner un avis lorsqu’il s’agit de la soumission au peuple d’un simple «projet de loi» ressortissant de la matière législative ordinaire, et non d’un texte relevant de la matière constitutionnelle». Evidemment, a-t-il ajouté, «la facilité a simplement consisté à dire, en l’occurrence, que Constitution et loi sont synonymes. C’est ce que la juridiction constitutionnelle a fait».
Ismaela Madior Fall d’expliciter à la page 20 tout en citant le texte en question : «saisi par le Président de la République par lettre en date du 3 novembre 2000, conformément à l’article 46 de la Constitution, le Conseil a estimé que «considérant que, l’article 46 de la Constitution dispose que le Président de la République peut, sur proposition du Premier Ministre et après avoir consulté les présidents des assemblées et recueilli l’avis du Conseil constitutionnel, soumettre tout projet de loi au référendum (…) que le Président de la République tient de cette disposition constitutionnelle le droit d’initiative au référendum sans distinction entre la matière constitutionnelle et la matière législative ordinaire » est d’avis « que le Président de la République peut, sur proposition du Premier Ministre et après avoir consulté les présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat, soumettre au référendum le projet de Constitution».
Les schémas de révision de la «durée et limitation du mandat »
Dans cette œuvre scientifique, Ismaela Madior Fall a fait comprendre qu’aussi bien la modification de la règle du quinquennat que celle de la clause limitative du nombre de mandats présidentiels requièrent la consultation du peuple sénégalaiss seul habilité à en décider par le biais d’un référendum. «Ce point de vue est aussi celui de Babacar GUEYE et de Demba SY qui ont été membres de la Commission de rédaction de la Constitution du 22 janvier 2001. Ces rédacteurs de la Constitution, qui confirment bien que l’ensemble des dispositions (durée du mandat et limitation du nombre de mandats), devaient simplement écrire avec une «encre véridique» indemne de toute ambigüité : «Cet article ne peut être modifié que par voie référendaire».
Personne n’aurait ainsi la malice de soutenir que seule une partie de l’article est concernée par l’exigence de la révision par la voie référendaire», a-t-il étayé. Le conseil juridique du président de la République a insisté : «les deux phrases se suivent sur la même ligne. Donc, l’exigence du référendum contenue à l’article 27 in fine s’applique aux deux règles (durée et limitation du mandat) énoncées plus haut dans l’unique alinéa précédent.
De l’instrumentalisation de la Constitution
Comme on l’observe aujourd’hui avec le projet de révision de la Constitution proposé par le président Macky Sall, les fondements avancés pour la modification de la Charte fondamentale sont plus d’ordre “déconsolidant que consolidant” comme le dit souvent Ismaela Madior Fall.
“Cette politique jurisprudentielle de « l’injusticiabilité des lois constitutionnelles » ne connaîtra ni rupture, ni revirement, mais suscite des interrogations : cette position du juge sénégalais est-elle à saluer ou déplorer ? S’inscrit-elle dans les standards juridictionnels universels et africains ?”, a declaré le constitutionnaliste du chef de l’Etat qui estime, dans la même lancée que “la réponse est à relativiser”. Car pour lui, “l’attitude du juge en l’occurrence dépend de façon immédiate de son champ de compétence tel que défini par la Constitution et les textes la complétant mais aussi de sa conception «philosophico-politico-juridique» du pouvoir constituant, dont on sait qu’il est objet de plusieurs théses”.
L’auteur du livre : « Les révisions constitutionnelles au Sénégal. Révisions consolidantes et révisions déconsolidantes de la démocratie sénégalaise » paru en 2011 aux Editions CREDILA a expliqué qu’à «la lumière de ces nombreux exemples illustratifs de l’instrumentalisation de la Constitution à des fins de règlement de comptes, la remarque formulée il y a plus d’une vingtaine d’années par Babacar KANTE demeure encore valable : « ces différentes hypothèses autorisent à conclure qu’au Sénégal qu’on n’hésite pas, écrit-il, à modifier la charte fondamentale au profit ou au détriment de quelqu’un ».
En définitive, a-t-il estimé, “les révisions déconsolidantes bien que dénoncées, finissent toujours, avec le soutien inconditionnel d’une majorité parlementaire acquise au Chef de l’Etat, par passer dans un contexte marqué par l’absence d’une opinion publique de défense de la Constitution et d’un juge à même de réguler les dérives révisionnistes”.
Ismaela Madior Fall a fait savoir en conclusion que "comparé à d’autres pays africains qui montrent un attachement à la stabilité constitutionnelle, le Sénégal semble, par son hyperactivité constitutionnelle, inscrire sa dynamique démocratique dans le registre du paradoxe : stabilité politique et instabilité constitutionnelle".