Non car j’ai eu beaucoup de chance en fait. J’ai débuté à 17 ans, terminé à 36 ans en Ecosse (Hibernians). Là-bas, j’ai vécu trois années exceptionnelles, dans une ambiance formidable. J’ai donc terminé ma carrière dans le jeu. Puis, toujours à Hibernians, j’ai connu cette expérience de management pendant trois mois. Alex MC Leash, l’entraîneur part aux Glasgow et on m’appelle pour reprendre l’équipe. Je m’éclatais dans ce rôle quand il s’agissait de gérer le terrain, mais après il faut aussi gérer les agents qui se plaignent parce que son joueur ne joue pas, etc. Ce n’était pas pour moi. Mais aujourd’hui, comme je suis en haut (en tribune presse, ndlr), j’essaie parfois d’analyser le jeu comme si j’étais aussi entraîneur, parce que ça me plaît de donner des réponses à un aspect tactique.
Consultant, une sorte de compensation ?
Non, c’est un choix. Si j’avais voulu devenir entraîneur, je l’aurais fait. J’ai choisi consultant pour mon bien-être. Je prépare mes matchs chez moi, je fais mon match et après, que ce soit Pierre, Paul ou Jacques qui gagne ou qui perde, je n’ai pas de stress, je n’ai pas la pression que peut subir un entraîneur (rires). Consultant, c’est le parfait compromis pour vivre ma passion.
Et puis c’est passionnant d’arriver sur un match et de se dire : « que va-t-il se passer ? ». Un match, c’est une feuille blanche. On a les compos et ensuite ? On peut toujours dire qu’on s’attend à telle ou telle physionomie de match, que ça va être un grand match, etc. Parfois on se trompe.
PSG et Monaco ne sont-ils pas les arbres qui cachent la forêt ? Quel est le niveau de la Ligue 1 aujourd’hui ?
Il ne faut pas se leurrer, l’arrêt Bosman a fait terriblement de mal au foot français. Si on se replonge dans les années 90, les équipes que l’on avait en France, c’était hallucinant. Paris Saint Germain au taquet, Monaco au taquet, Marseille aussi. Nantes, Bordeaux ! Et Auxerre. Il y avait 5-6 équipes très performantes et les meilleurs joueurs français. Et d’autres qui créaient la surprise. Maintenant on ne va pas pleurer sur le passé.
Aujourd’hui, je trouve qu’il y a beaucoup d’intensité dans notre championnat. Seulement, parfois, on confond un peu vitesse et précipitation dans l’utilisation du ballon. Surtout qu’aujourd’hui c’est fou la vitesse à laquelle ça va. Il y a beaucoup moins de temps de récupération.
Avant, nous (à l’OM, ndlr) pour déclencher un pressing très haut, on forçait le gardien adverse à relancer sur un côté et là l’attaquant bloquait la passe au gardien et on serrait tous d’un côté. Ca faisait paniquer certaines équipes et on récupérait le ballon. Aujourd’hui, j’ai l’impression que le pressing est tous azimuts. Ca vient de partout et pas forcément à l’unisson. Il manque un peu de discipline tactique à nos équipes.
Et puis, il faut le dire, parfois ça manque de justesse technique ; on peut parler de tout ce qu’on veut, de tactique, physique, etc, le ballon c’est le plus important. On entend toujours dans les discours « récupération du ballon ! » Mais on n’entend pas assez le mot « utilisation ». Le ballon, il est précieux, il faut le garder.
Tu ne peux pas t’époumoner à le récupérer et une fois récupéré le perdre en deux passes mal ajustées techniquement. Quand tu vois les grandes équipes, quand elles l’ont, elles le conservent. Barcelone, le Bayern, PSG, regardez les pourcentages de possession…Et si on parlait un peu de PSG – OM. C’est chaque saison en audience le meilleur score de Canal+ (2,6 millions à l’aller), largement devant un PSG-Monaco, pourtant les deux équipes les plus attractives cette saison. Comment l’expliquez-vous ?
C’est normal. Un PSG – OM, c’est intergénérationnel. Les jeunes de 20 ans aujourd’hui ont été nourris de ce que leur a rapporté comme souvenirs leur père, leur grand-père. Ce sont des matchs où il y a toujours eu des coups de théâtre, des buts incroyables, un Pauleta par-ci, un autre par-là, aussi parfois de la violence dans les propos ou sur le terrain, qui ne se traduit plus aujourd’hui et c’est très bien, une médiatisation toujours extrême.
Ce match traverse les générations. Comme un conte. Un PSG – OM ça se raconte chez les passionnés : « je me souviens, tel match, en 93, j’étais à tel endroit, dans telle tribune, à telle place, j’ai vu le but de, etc… » Le foot c’est comme une histoire. PSG – OM entre dans ce cadre. Quand j’étais minot, je me souviens des OM – Saint-Etienne, j’avais 7 ans, c’était exceptionnel. Je me rappelle encore de ce qui se disait autour du match. C’est comme ça qu’on régénère et qu’on entretient la passion.
De là à utiliser le terme de Clasico alors que pour les puristes le vrai Classico est Real-Barça avec un contexte historique, et non pas monté par les médias. Le terme de Clasico vous semble adapté ?
Oui, c’est un Clasico à la française car il y a une vraie rivalité entre les deux clubs. Pas historique, mais sportive. N’oubliez pas que dans les années 90, quand on a baptisé cette rencontre le Clasico, c’étaient souvent des matchs pour le titre de champion. C’est en ça que ça rejoint le Classico Barça-Real. C’est sûr que c’est moins vrai depuis le début des années 2 000. Mais à l’époque, ça avait son sens. Le Clasico c’est quelque chose.Ces matchs sont incroyables et je pense qu’à Marseille ils sont vécus d’une manière plus forte encore. Dans ces matchs, il n’y a pas de retenue.
Votre meilleur souvenir d’un PSG – OM ?
C’est peut-être aussi mon plus mauvais souvenir. Je crois même avoir dit à la fin du match que j’avais eu honte. C’était un match de décembre 1992. On jouait le titre avec le PSG et on venait jouer au Parc. Il y avait une tension énorme. Dans la presse, l’entraîneur parisien, Artur Jorge, avait dit « on va leur marcher dessus ! ». Ce qu’il n’aurait pas dû dire là !
Bernard Tapie nous a réunis le matin même de la publication de l’article et il a scotché cette phrase sur nos casiers métalliques dans les vestiaires. Et là Tapie a dit : « interdiction de parler à la presse ».
Basile Boli (il mime) avait la bave aux lèvres. « Nous marcher dessus » ! C’était de la folie de dire ça. Je peux comprendre certains entraîneurs qui lancent certaines phrases d’hommes pour aller chercher ses joueurs au plus profond de leur motivation. Mais là c’était hallucinant ! C’est lui qui nous a motivés. Comment tu pouvais marcher sur des Eric Di Meco, des Desailly, Boli, Angloma ? Tu ne peux pas ! C’est impossible !
Et on a gagné au Parc 1-0. C’était d’une intensité incroyable. On avait répondu à Jorge. Mais ce n’était pas du foot. Et oui, là j’ai eu honte de ce match, parce que je me suis mis à la place du minot que j’étais avant, et je me serais dit « c’est quoi ça, ce n’est pas l’idée que je me fais du foot ».L’OM est le club le plus populaire de France, encore aujourd’hui. Mais le PSG n’est-il pas en train de regagner en popularité, de se refaire une image, par son jeu et son équipe de stars ?
Oui, c’est évident, même s’il y a une chose en France que l’on n’acceptera jamais, c’est la réussite et l’argent. On n’aime pas ! Ensuite le PSG, c’est la capitale, il suscite de la jalousie. Mais aujourd’hui ce club fait partie des quatre susceptibles de gagner la Ligue des Champions.
J’aime bien le mot popularité car il recèle une accointance avec la passion du foot. Populaire signifie pour moi « qu’il va se passer quelque chose », il contient une part de rêve, une part de spectacle. Le côté « c’est possible ».
On a vécu ça avec l’OM en 1993 quand on arrive en finale de Ligue des Champions. Les Français se disaient alors « ils sont capables de le faire ». C’est la raison pour laquelle l’OM est devenu le club le plus populaire.
La popularité nait dans l’émotion, on oublie trop souvent ça. Les équipes qui ont marqué font référence à des épopées qui ont ému le plus grand nombre : les Verts, l’OM, le PSG… Et ceux qui y ont assisté, au stade ou devant la télé, se sentent privilégiés : « j’y étais ! ».
A l’époque, l’OM n’avait peur de personne et c’est ce qui se dégage aujourd’hui avec Paris. Avec des joueurs comme Zlatan, leur fondement de jeu, un respect immense de l’adversaire et avec un parcours européen qui peut être formidable, le PSG est en train de devenir un club populaire.
Source : Rfi.fr