Younous Saleh et Mahamat Djibrine, dit « El Djonto », deux co-accusés d’Hissène Habré, sont détenus au Tchad depuis leur arrestation il y a un an. Mbacké Fall, le procureur général des Chambres africaines extraordinaires, le tribunal d'exception mandaté par l'Union africaine pour juger les crimes du régime Habré, estime que le transfèrement de ces deux hommes est nécessaire pour boucler son enquête. Pour le procureur général, le temps presse : il ne reste plus que huit mois pour boucler l’instruction.
Le porte-parole du tribunal assurait en début de semaine sur RFI que le Tchad s'était engagé à les transférer dans les plus brefs délais. « Faux », a répondu sur notre antenne Béchir Madet, le ministre tchadien de la Justice. Ce dernier explique qu'il y a une procédure en cours au Tchad.
Zakaria Berdei, un des cinq co-accusés, serait au Tchad
Mais pour Reed Brody, conseiller juridique de Human Rights Watch, il n'y a pas deux, mais trois des co-accusés d'Hissène Habré qui se trouvent actuellement au Tchad. « Le procureur des Chambres a requis l’inculpation de cinq hauts responsables [du régime d’Hissène Habré] », rappelle le chercheur, qui a suivi l'affaire depuis ses débuts, lors du dépôt de plaintes en 2000, au Tchad, par les victimes. « Trois de ces personnes se trouvent actuellement au Tchad », affirme-t-il. Younous Saleh, premier directeur de la DDS, la police politique d’Hissène Habrè et Mahamat Djibrine, « qui était désigné par la commission d’enquête nationale comme un des tortionnaires les plus redoutés du Tchad », rappelle Reed Brody. Mais il affirme qu’il y a également « un troisième co-accusé : Zakaria Berdei, qui est ancien conseiller spécial à la sécurité de la présidence sous Hissène Habré et qui, selon nos informations, se trouverait aussi au Tchad ».
HRW ne comprend pas le « mutisme » du Tchad
« Il a fallu treize ans, jusqu’à 2013, pour que le gouvernement [tchadien, ndlr] véhicule finalement les plaintes et que certains des responsables, je pense qu’il y en a 27, soient arrêtés. Mais, depuis, la procédure recommence à piétiner. Il n’y a pas eu, à notre connaissance, d’acte d’instruction important. Les victimes attendent depuis 23 ans », dénonce Reed Brody, qui ne comprend pas pourquoi le Tchad ne coopère pas avec les Chambres africaines extraordinaires sur un point aussi important. « Cela fait plusieurs mois que les Chambres africaines extraordinaires et les autorités sénégalaises ont formulé des demandes pour que le Tchad transfère ces personnes, et ça semble bloqué depuis un moment », observe-t-il. Rappelant qu’en novembre dernier, une rencontre entre les ministres de la Justice du Tchad et du Sénégal devait permettre de déboucher sur « un protocole pour faciliter le transfert de ces suspects », il observe que « cela n’a pas été fait et, depuis, il y a un mutisme du côté tchadien sur le transfert de ces personnes ».
Reed Brody se dit d’autant plus surpris de cette situation que « le Tchad avait quand même facilité, depuis 2001, la visite du juge belge qui a levé l’immunité d’Hissène Habré, qui a versé une contribution importante aux Chambres africaines. […] Même le président Déby, en juillet dernier, avait pris l’engagement que le gouvernement tchadien donnerait tout le concours nécessaire pour la réussite des Chambres africaines extraordinaires. Donc, on ne comprend pas pourquoi, tout d’un coup, le gouvernement tchadien arrête sa collaboration. »
Source : Rfi.fr
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