Sénégal- 8 mars – Hawa Dia Thiam : «on ne peut pas parler de parité au Sénégal»

En cette journée du 8 mars, une pensée positive va à l’endroit de toutes les femmes. Cette date consacrée mondialement au sexe féminin est un prétexte pour Pressafrik.com d’échanger avec l’ancienne présidente du COSEF, Hawa Dia Thiam sur les avancées de la lutte pour la promotion du droit de la femme au Sénégal. Cet ex-ministre chargé des Relations avec les institutions et par ailleurs conseillère municipale évoque le combat sur la parité. Elle a estimé qu' «on ne peut pas parler de parité au Sénégal». Ce sujet n’est, selon elle, qu’ébauché. Entretien.



Ancienne présidente du COSEF et responsable au Parti Yoonu Askan Wi, Hawa Dia Thiam
Le Sénégal célèbre encore une fois le 08 mars, quelle signification peut-on donner à cette journée en ce 21ème siècle ?

C’est vrai que le Sénégal célèbre le 8 mars qui est journée internationale dédiée à la femme. Elle a une histoire qui date de très longtemps et qui a pour genèse le combat des femmes de New-York et de Chicago en début du siècle dernier. Et vous savez que le 8 mars a été commémoré pour que le combat de ces femmes ne soit pas vain.

Aujourd’hui, il y a une similitude, entre le combat de ces américaines qui se sont battues pour leurs droits syndicaux, qui se sont battues pour une reconnaissance du travail de la femme et du travail des ouvriers en général et ce qui se passe aujourd’hui au Sénégal. Actuellement, nous vivons une situation de crise sur le plan social. Le front social est en ébullition. Tout le monde vit ces problèmes aussi bien les femmes que les hommes. Ce qui fait qu’on ne peut pas célébrer le 8 mars en occultant ces problèmes sociaux auxquels la société sénégalaise est confrontée.

Puisque la femme occupe une place très importante dans la société sénégalaise, le 8 mars devrait être placé sous le sceau du combat que mènent les travailleuses et les travailleurs.

On traverse une crise sociale, une crise économique qui est certes, mondiale mais qui se pose avec acuité au Sénégal. Et elle concerne plus les femmes qui sont les plus démunies. Elles vivent cruellement la pauvreté. Donc, le 8 mars doit revêtir plusieurs aspects.

D’abord on est dans une campagne électorale et dans ce processus, les femmes sont impliquées parce que c’est la gestion locale et tout ce qui est locale a trait directement aux ménages aux fonctions domestiques que les femmes occupent. Il y a plusieurs aspects mais ce qui est important, c’est d’utiliser ces moments forts pour appréhender le rôle de la femme, trouver des solutions à ses difficultés, faire des propositions pour un meilleur devenir de la gent féminine.

Cette journée internationale de la femme ne doit pas être un 8 mars de folklore. Loin de là, les esprits ne sont pas à la fête, ni au folklore. C’est une chose (folklore) qui ne participe pas au progrès social et qui n’honore pas la femme sénégalaise. Ce qu’on doit dire davantage c’est qu’il faut beaucoup plus de détermination. Que les femmes prennent elles-mêmes leurs préoccupations en charge parce que personne ne le fera à leur place. Du coup, ça sera un 8 mars de mobilisation pour le triomphe du combat pour le bien être de la femme sénégalaise. Si on peut se résumer ainsi.

En matière de genre, est-ce qu’il y a des avancées dans la promotion des droits de la femme au niveau institutionnel ?

Il y a des avancées théoriques. On a des mécanismes qui sont en place. On a en Afrique, au niveau régionale. Le protocole de Maputo relatif aux droits des femmes a instauré la parité. Et aujourd’hui dans la Constitution sénégalaise, il y a un point qui intègre cette question, mais il reste encore à l’appliquer à plusieurs niveaux. Donc on ne peut pas parler ici au Sénégal de parité. Donc on ne peut pas faire de parallélisme des formes. Parce qu’on n’a pas encore harmonisé tous nos textes législatifs et réglementaires avec ce qui se fait au niveau régional comme au niveau international. Théoriquement, il y a le développement du genre, le Sénégal a adhéré aux OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement). Et ces OMD posent la question des sexes et l’éducation pour tous particulièrement pour les femmes. Quant à l’égalité des sexes, j’avoue qu’on n’a pas atteint cela. On ne l’a pas atteint du point de vue économique. En matière de l’élaboration des budgets, tel n’est pas le cas. Par ce que c’est le budget qui te permet de mettre en place une politique pour que les populations puissent elles-mêmes sentir les effets bénéfiques de cet engagement politique. Aujourd’hui on ne peut dire réellement qu’il y a une prise en charge totale. Il y a, tout de même un début qu’il faut vraiment préserver même s’il y a encore beaucoup de choses à faire.

Du point de vue des instances de décisions, on ne voit pas encore des femmes occuper des postes clés. A l’étranger par exemple, on voit des femmes au sommet de l’Etat, qui dirigent des ministères stratégiques comme celui de l’Intérieur. Est-ce-que la femme sénégalaise n’a pas encore assez de compétences pour ces responsabilités ?

Je crois que la question d’occuper des postes clés ne résume pas la participation des femmes. Parce que si on occupe un poste clé et qu’on travail pas pour l’ensemble des femmes cela ne sert à rien. Si on met des femmes aux instances de décisions, il faut qu’elles travaillent pour l’intérêt général des femmes. Aujourd’hui on peut dire que les femmes commencent à occuper certains postes au niveau nominatif. Je sais qu’on a un gouvernement où la représentation est très faible. Au niveau du parlement, il y a un début, au niveau des communes d’arrondissement des mairies, des responsabilités locales, il y avait aussi un début, on est en pleine campagne électorale, mais on ne voit pas beaucoup des femmes, il y en a certes mais pas beaucoup. Elles sont certes investies mais il faudrait qu’on puisse leur permettre d’exercer cette possibilité de responsabilité à la base. Et c’est la raison pour la quelle les femmes, en 2007 voulaient que la loi de la parité soit appliquée. C'est-à-dire que celle-ci soit une condition de recevabilité des listes. Dans toutes les listes qui seront représentées et toutes élections devraient être paritaires. Donc alterner la position d’un homme à celle d’une femme ou d’une femme à celle de l’homme. Et là ça permettrait d’avoir des instances paritaires. Et tel n’a pas été le cas. Et cette année on va vers des élections où, il y a des fortes coalitions et quand il y a des coalitions, il y a des difficultés pour pouvoir atteindre cet objectif surtout quand il n’y a pas des lois qui le régissent. Et vous savez que la plupart du temps les dirigeants se mettent devant et nous savons que ces dirigeants sont des hommes. Il reste beaucoup de chose à faire au moment où l’on sait que la loi permet de mettre tout le monde au même niveau et au même pied. Bref, je peux dire qu’il reste énormément beaucoup de chose à faire au Sénégal pour qu’on puisse atteindre l’option paritaire que l’on souhaite dans les instances de décisions. Il y a une faible représentation à l’Assemblée, on est dans les environs de 25% et j’avoue qu’il faudrait en faire davantage, mais c’est au niveau local que c’est important et au niveau des communautés locales, il faudrait qu’on saisisse ces moments forts que les populations puissent voter pour des femmes. Pour qu’elles prennent elles-mêmes en charge les préoccupations des femmes. Même si les hommes sont des gens engagés pour les femmes, mais il y a un aspect féminin qui ne peut être répercuté que par des femmes elles-mêmes. Donc de ce point de vue, il reste encore beaucoup de chose à faire. On est en début de campagne, les listes qui vont gagner, il faudrait que les hommes politiques comme les femmes politiques fassent la promotion de femmes maires, des communautés rurales et des femmes présidentes de conseils régionaux. Je crois que le jour qu’on laissera le pouvoir aux femmes, le Sénégal verra une avancée et changera. Ça c’est mon intime conviction .

En politique par exemple, malgré la loi sur la parité, elles continuent à jouer le rôle de rassembleur, de mobilisateur. Est-ce-que ce n’est pas parce qu’elles se plaisent à cela ?
Malgré la loi sur la parité, il faut nuancer. On n’a toujours pas la loi sur la parité. C’est une disposition dans la Constitution qui fait qu’on doit avoir une loi sur la parité. Donc le combat sur la parité n’est qu’entamé. On n’a fait que l’ébauché. Il faut que le code électoral soit revu et modifié pour qu’on puisse mettre dans les conditions de recevabilité des listes une disposition qui fait que chaque parti et chaque coalition déposent des listes paritaires. A partir de ce moment là on pourra parler de parité. Les femmes par nature sont rassembleuses, une femme est maire et a des enfants et quelqu’un qui a des enfants est obligé de rassembler. Naturellement, il y a des aspects de rassembleur qu’on a. Mais aujourd’hui les femmes n’accompagnent plus, elles veulent être là où ces hommes qu’on accompagnait sont. On est du point de vue démographique un nombre important, nécessairement, quiconque fait la politique ne compose pas avec les femmes n’aura rien. C’est nous qui élisons pourquoi ne pas nous élire nous-mêmes. Il faut avoir une autre lecture et changer de mentalités en vers les femmes. Parce que la question des compétences ne se pose pas. Elle ne doit pas être posée. On peut continuellement renforcer les femmes car elles ont l’humilité de dire que je ne connais pas contrairement aux hommes. Et elles fissent par bien faire. Il faut qu’on change les mentalités.

Propos recueillis par Ibrahim Saandi Kemba (Stagiaire)

Dimanche 8 Mars 2009 18:07


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