
L’idée peut paraître anecdotique mais elle va l’encontre du fatalisme ambiant, bien souvent encouragé par des élites politiques trop heureuses de confisquer à leur population tous ses pouvoirs. «Nous voulons encourager les citoyens à prendre leur destin main, renchérit Fadel Barro, un autre membre du collectif. Nous sommes dans ce mouvement pour nous élever contre l’injustice, la mal-gouvernance, la corruption. Il faut encourager nos concitoyens à prendre conscience de leurs droits et demander à nos dirigeants de les respecter.»
La «Foire aux problèmes»
Au départ de Y’en a marre, il n’y avait qu’un petit groupe de rappeurs, parmi lesquels Fou Malade ou encore Thiat, excédés par l'injustice sociale, la flambée des prix et les scandales financiers qui minent le pays. Mais rapidement, le mouvement trouve un écho dans la population. Y’en a marre dépasse son image de groupe de jeunes énervés et essaime ce qu’il appelle ses esprits [en opposition aux cellules politiques] un peu partout dans le pays. A charge pour les membres locaux de recenser leurs problèmes et de mettre en place des stratégies pour y remédier. Mais le va-et-vient entre les différentes initiatives locales et son noyau dur fonctionne si bien que le mouvement décide, le 22 janvier dernier, d’organiser la «Foire aux problèmes», une grande réunion citoyenne, où des citoyens de tout le pays ont pu mettre en mots leurs solutions.
Pas de consigne de vote
Aucun parti pris politique là-dedans. Y’en a marre ne roule pour personne. «Pendant 50 ans, les hommes politiques n’ont rien fait d’autre que s’approprier ce pays, dénonce Fadel Barro. On appartient à la coalition du M23 pour ne pas casser la dynamique d’opposition à la candidature d’Abdoulaye Wade, mais on n’a pas les même raisons de s’opposer à celle-ci.» «Nous, ce que l’on souhaite c’est un changement de mentalité et de comportement», martèle Simon. Ainsi, Y’en a marre pousse les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales -350.000 selon les membres du mouvement- mais ne donne aucune consigne de vote.
Une nouvelle génération politique
Le mouvement, en revanche, n’hésite pas à organiser des manifestations. Les outils de la mobilisation rappellent ceux des Révolutions arabes: SMS, réseaux sociaux, «même si au Sénégal, il n’est pas rare d’avoir des coupures d’électricité 20 heures durant. Dans ces cas-là, les réseaux sociaux ne sont d’aucune utilité», souligne Fadel. Lors des manifestations, la répression peut être féroce, mais les militants ne désarment pas. Dans quel but? «Pour l’instant, faire tomber Abdoulaye Wade.» Après? «Une étape aura été franchie, vers un changement de génération politique dans le pays.»
Source: 20minutes