Sénégal : l’instruction du procès Habré peut commencer

Après l’accord signé, mercredi 22 août au soir, entre le Sénégal et l’Union africaine pour juger Hissène Habré, la ministre sénégalaise de la Justice, Aminata Touré, a déclaré que, dorénavant, « il n’y a plus aucun obstacle pour que le procès commence ». L’accord valide la création d’un tribunal spécial pour juger, au Sénégal, l’ex-président tchadien Hissène Habré, réfugié dans ce pays et poursuivi pour crimes contre l’humanité.



L’accord a été signé à Dakar entre l’Union africaine et la ministre sénégalaise de la Justice, Aminata Touré. Il porte formellement sur la création d’un tribunal spécial pour juger l’ex-président tchadien. Des chambres africaines extraordinaires seront créées au sein des juridictions sénégalaises.

Aminata Touré a précisé que l’instruction va commencer avec notamment le recrutement des juges pour mettre en place les chambres spéciales et qu’« il faut maintenant aller jusqu’au bout ».
Aminata Touré

Ministre sénégalaise de la justice


C’est une étape décisive parce qu’à travers l’accord, nous réglons la procédure par laquelle le jugement doit se tenir.

Accord et volonté politique sénégalaise salués

Au Tchad, le ministre de la Justice, Abdoulaye Sabour Fadoul, a également salué l’accord en évoquant notamment une « grande joie pour tous les Tchadiens », en saluant « l’état d’esprit et la volonté des nouvelles autorités sénégalaises » et en demandant aux victimes « d’être vigilantes quant à l’issue de ce procès ».

Satisfaction également de la part de l’un des avocats des survivants. Joint par RFI, Maître Demba Ciré Bathily se réjouit de la signature de l’accord - une étape fondamentale - et salue également la volonté politique du gouvernement sénégalais.

Le Sénégal, qui avait accepté, en 2006, de juger Hissène Habré, à la demande de l’Union africaine, n’a jamais organisé de procès sous le mandat de l’ex-président Abdoulaye Wade. C’est son successeur, Macky Sall qui, après avoir pris ses fonctions en avril dernier, s’est engagé à ce que le jugement commence avant la fin de l’année.

"Une avancée dans la lutte contre l’impunité"

Pour Maître Demba Ciré Bathily, ce qui est nouveau dans cette démarche c’est « cette volonté d’associer le reste de l’Afrique au jugement de Monsieur Hissène Habré qui marque ainsi un engagement, au niveau africain, de lutter contre l’impunité ». Pour lui « ce ne sera pas seulement le procès de Monsieur Hissène Habré ; cela marquera aussi une rupture et un tournant décisif sur la question de la prise en charge de l’impunité par l’Afrique et par des Africains ».

De son côté, Reed Brody, conseiller de l’organisation de défense des droits humains, Human Right Watch, s’est également félicité du précédent juridique que cela va entrainer.

Joint par RFI, il considère qu’il s’agit d’un « précédent énorme que le Sénégal est en train de créer » car, explique-t-il, « c’est la première fois, non seulement en Afrique mais dans le monde, que les tribunaux d’un pays jugent un ancien dirigeant d’un autre pays pour des crimes présumés de droits humains ».

Pour sa part, l’Union africaine s’est aussi réjouit de ce que le principe de lutte contre l’impunité prenne désormais corps.

"Tout est illégal"

L’accord signé, mercredi soir, à Dakar, démontre ainsi que le pouvoir sénégalais affiche une nouvelle volonté politique de juger Hissène Habré. C’est un retournement de situation pour la défense de l’ex-dirigeant tchadien. Joint par RFI, l’un de ses avocats, Maître El Hadj Diouf conteste l’accord et ne lui reconnaît aucune légitimité.

L’ex-président tchadien vit en exil, à Dakar, depuis sa chute, en 1990, après huit années au pouvoir entre 1982 et 1990. Il est accusé de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture et serait responsable de la mort d'au moins 40 000 personnes. La Cour internationale de justice (CIJ) de la Haye, saisie par la Belgique il y a trois ans, avait ordonné à Dakar, en juillet dernier, de poursuivre Hissène Habré ou de l’extrader.
Source: RFI

Charles Thialice SENGHOR

Vendredi 24 Aout 2012 11:11


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