Avec la vice-présidence, c’est une institution nouvelle qui inévitablement viendra s’incruster quelque part avec des incidences certaines. L’annonce de la mise en place d’une vice-présidence faite au lendemain du séisme politique du 22 mars, ne semble obéir qu’à un mobile politique calculé et calculateur dans une logique de contournement politique de la volonté populaire. C’est sans doute le fameux plan B sorti après l’échec du plan A que les électeurs avaient vite fait de déjouer le 22 mars. Le gouvernement mouvant, muant et, mutant actuel qui s’illustre par un rappel des troupes pourrait participer de cette volonté de contournement. Les ministres limogés puis repris vont faire preuve d’allégeance prononcée vis-à-vis du maître sauveur qui les a repêchés par sa seule et unique volonté. Ils auront à l’égard du Patron une dette à payer en constituant un bouclier de bronze pour la pérennité du système et en acceptant unilatéralement toutes les décisions à venir touchant l’organisation de la préséance au sein de l’Etat et du parti au pouvoir. Au moins, ces ministres repêchés in extremis n’auront plus de dents assez longues pour oser demain manger le fromage à l’horizon 2012. Ils vont non seulement entrés dans les rangs mais s’ériger en défenseur surtout contre les adversaires intra muros qui s’agitent déjà à affirmer leurs ambitions pour 2012. Le rappel des troupes préparerait en réalité le tapis d’épines pour l’ex camarade à accueillir par réalisme mais aussi à contenir par stratégie en vue de décisions à venir. Et Dieu sait que décisions importantes et historiques, il pourrait y en avoir dans les jours, semaines et mois prochains.
Nous allons donc vers une semaine cruciale «spéciale vice-présidence », qui pourrait voir le projet prendre une vitesse TGV et être institué dans la précipitation. Le visage de celui ou celle qui va l’incarner devrait, sauf grain de sable, être connu avant que les sénégalais ne se réveille pour constater l’ampleur de la « révolution constitutionnelle ». Révolution dans le sens de la reculade.
Mais pourquoi cette vice-présidence à mi-parcours ?
Pour aider le patron, diraient en chœur les hauts parleurs. Et quid du premier ministre et de bientôt la quarantaine de ministres, n’aident-ils pas le patron diraient les « douteurs méthodiques »?
Que va renfermer cette vice-présidence au-delà du bonnet ou du foulard qui va en garnir la tête ? Va-t-elle (la personne vice-présidente) remplacer le Patron en cas de vacance du pouvoir ? Si oui, pour combien de temps ? En cas de remplacement éventuel du Patron, va-t-elle se conformer à la durée de remplacement prévue par l’actuelle constitution (entre 60 et 90 jours avant un nouveau scrutin) ou bien finira-t-elle au besoin l’intégralité du mandat en cours ?
Ces quelques questions simples et naïves sont le noeud gordien du problème. Tout le reste n’est que du vernis politico juridique.
Parlant de remplacement, notre naïveté n’ira pas jusqu’à vouloir dire que le Patron actuel ne finira pas le mandat. Il peut bien aller jusqu’au bout et même vouloir franchir lui-même la haie 2012. Le scénario peut cependant déboucher bel et bien sur une cession du pouvoir à mi-parcours en deux temps. D’abord à une vice-présidence qui accompagnera le Patron le temps de tester le peuple avant le sprint final qui ferait encore modifier la constitution en passant du simple remplacement à la continuation de mandat. Entre temps, un autre visage connu pourrait atterrir à la vice-présidence avec plus de latitude. Ce scénario n’est pas à exclure. Tout dépendra d’une conjonction d’éléments dont le plus déterminant pourrait être l’écoeurement manifeste du peuple. Plus la clameur va monter plus le projet sera paradoxalement accéléré. C’est une question vitale pour le régime à moins de trois ans du jury tant redouté des urnes qui, pourtant, sont à la modernité démocratique ce que l’oxygène est à l’atmosphère. Le Sénégal appartient d’abord aux électeurs qui, au-delà des questions matérielles semblent avoir compris que la démocratie vaut plus que de l’or et que le Sénégal ne mérite pas une succession suggérée.
Les promoteurs du projet de vice-présidence seraient les mêmes que ceux de la succession et semblent avoir choisi la politique politicienne à la place de la sérénité démocratique qui élève les hommes politiques au-delà des calculs du moment. Ces questions sur la vice-présidence ne devraient pas seulement être de politique politicienne. Elles ne sont pas innocentes. Ce sont des questions vitales pour la démocratie sénégalaise. Ce sont des questions dont les réponses pourraient défigurer ce qui reste d’essentiel de la constitution de 2001 malmenée à l’applaudimètre par un parlement sans reflet démocratique. Nous sommes à des années lumières de la séparation des pouvoirs. Nous sommes loin de l’élégance républicaine à léguer aux générations futures qu’il aurait fallu préférer à toute autre génération.
En vérité, l’individu vice-président sera hors du commun parce que parachuté au sommet sans égard pour la constitution actuelle qui dispose en son article premier « La République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte toutes les croyances ». L’institution vice-présidence aussi sera hors du commun parce que non validée par referendum. Au nom de la conjoncture, on risque d’entrer dans une autre république sans l’avis du peuple souverain. Moins que le contenu, c’est la position du vice-président par rapport aux Présidents du sénat et de l’assemblée nationale qui fera un peu plus de lumière sur les mobiles de l’acte.
En l’état actuel de la constitution sénégalaise notamment en l’article 39, « en cas de démission, d'empêchement définitif ou de décès, le Président de la République est suppléé par le Président du Sénat. Celui-ci organise les élections dans les délais prévus à l’article 31. Au cas où le Président du Sénat serait dans l'un des cas ci-dessus, la suppléance est assurée par le président de l'Assemblée nationale ». L’article 31 fixe le délai de remplacement pour vacance du pouvoir à au moins soixante jours et, au plus quatre vingt dix jours à l’issue desquels un scrutin doit être organisé.
Si le projet de vice-présidence pousse l’audace jusqu’à modifier tout de suite ou, par stratégie, dans un futur proche les articles 39 et 31 de la constitution, ce sera un enterrement de première classe pour l’humus de notre ossature démocratique. Dans un premier temps, le bluff pourrait consister à seulement toucher à l’article 39 qui parle du remplaçant. Si la pilule passe sans heurts, on pourrait passer à l’article 31 qui parlera alors de continuation d’un mandat par le vice-président et non plus de remplacement. On aura alors sans tambours ni trompettes contourner momentanément (sur une durée plus longue que les trois mois maximum) le suffrage universel par la dévolution d’un pouvoir qui permettra demain à l’individu ultime vice président d’user de leviers de l’Etat pour se préparer calmement à une campagne électorale. La question morale est de savoir si un chef d’Etat en exercice élu par le suffrage universel peut choisir librement son remplaçant par un subterfuge politico juridique. On n’en est pas encore là mais, le scénario est encore possible dans la tourmente actuelle marquée par une volonté inadmissible de contournement. Nous ne sommes plus en 1981 pour permettre un legs du pouvoir avec une version maquillée de l’ex article 35 de la constitution.
En définitive, nous assistons depuis quelques temps à une démarche accélérée de contournement du suffrage par des modifications de la constitution. Avec la vice-présidence, on risque de franchir l’ère de la modification pour entrer dans la nébuleuse des révisions inélégantes qui nous feront basculer par maquillage juridique occasionnel dans une république spéciale et inédite. L’article 103 de la constitution dispose que « la révision ne doit pas toucher à la forme républicaine de l’Etat ». Après le tsunami du projet de vice-présidence que l’on n’osera jamais présenté au référendum, la république sera plus que secouée. Elle aura littéralement reculée. En instituant la vice-présidence à mi-parcours du mandat, on n’est ni en modification encore moins en révision de la constitution. C’est plus que tout cela. C’est une « révolution constitutionnelle » pour simple convenance individuelle au grand dam de la république.
Et pourtant en république, une constitution ne doit pas être un habit cousu à la taille d’un individu. C’est un patrimoine qui doit résister aux calculs du moment. L’ignorer, c’est naviguer à contre courant de l’histoire qui s’écrit en actualités tous les jours. En réalité, cette vice-présidence à mi-parcours ne semble intéresser que ces promoteurs qui, sans doute, ont des exigences très éloignées de la consolidation démocratique. Le peuple attend plus de décence dans l’expression des ambitions individuelles obsédées par le compte à rebours.
Ce qui est troublant avec cette vice-présidence, c’est que ces promoteurs ont semblé n’en avoir fait la découverte subite qu’après le séisme des élections locales. Cela pose la question de la sincérité du projet. Les deux seules questions essentielles à poser sont les suivantes : Une vice-présidence à mi-parcours pourquoi ? Une vice-présidence pour qui ? La réponse à ces deux questions est la même et c’est « la mèche la plus vendue dans ce pays » qu’il n’est pas besoin de cacher avec tant de maladresse. La vérité est que même si la vice-présidence passe et repasse, le peuple électeur a déjà fait le choix du non choix de la succession suggérée. Du sommet, cette vérité crue ne peut être vue qu’avec plus de hauteur et de grandeur.
Mamadou NDIONE
Mandione15@gmail.com
Nous allons donc vers une semaine cruciale «spéciale vice-présidence », qui pourrait voir le projet prendre une vitesse TGV et être institué dans la précipitation. Le visage de celui ou celle qui va l’incarner devrait, sauf grain de sable, être connu avant que les sénégalais ne se réveille pour constater l’ampleur de la « révolution constitutionnelle ». Révolution dans le sens de la reculade.
Mais pourquoi cette vice-présidence à mi-parcours ?
Pour aider le patron, diraient en chœur les hauts parleurs. Et quid du premier ministre et de bientôt la quarantaine de ministres, n’aident-ils pas le patron diraient les « douteurs méthodiques »?
Que va renfermer cette vice-présidence au-delà du bonnet ou du foulard qui va en garnir la tête ? Va-t-elle (la personne vice-présidente) remplacer le Patron en cas de vacance du pouvoir ? Si oui, pour combien de temps ? En cas de remplacement éventuel du Patron, va-t-elle se conformer à la durée de remplacement prévue par l’actuelle constitution (entre 60 et 90 jours avant un nouveau scrutin) ou bien finira-t-elle au besoin l’intégralité du mandat en cours ?
Ces quelques questions simples et naïves sont le noeud gordien du problème. Tout le reste n’est que du vernis politico juridique.
Parlant de remplacement, notre naïveté n’ira pas jusqu’à vouloir dire que le Patron actuel ne finira pas le mandat. Il peut bien aller jusqu’au bout et même vouloir franchir lui-même la haie 2012. Le scénario peut cependant déboucher bel et bien sur une cession du pouvoir à mi-parcours en deux temps. D’abord à une vice-présidence qui accompagnera le Patron le temps de tester le peuple avant le sprint final qui ferait encore modifier la constitution en passant du simple remplacement à la continuation de mandat. Entre temps, un autre visage connu pourrait atterrir à la vice-présidence avec plus de latitude. Ce scénario n’est pas à exclure. Tout dépendra d’une conjonction d’éléments dont le plus déterminant pourrait être l’écoeurement manifeste du peuple. Plus la clameur va monter plus le projet sera paradoxalement accéléré. C’est une question vitale pour le régime à moins de trois ans du jury tant redouté des urnes qui, pourtant, sont à la modernité démocratique ce que l’oxygène est à l’atmosphère. Le Sénégal appartient d’abord aux électeurs qui, au-delà des questions matérielles semblent avoir compris que la démocratie vaut plus que de l’or et que le Sénégal ne mérite pas une succession suggérée.
Les promoteurs du projet de vice-présidence seraient les mêmes que ceux de la succession et semblent avoir choisi la politique politicienne à la place de la sérénité démocratique qui élève les hommes politiques au-delà des calculs du moment. Ces questions sur la vice-présidence ne devraient pas seulement être de politique politicienne. Elles ne sont pas innocentes. Ce sont des questions vitales pour la démocratie sénégalaise. Ce sont des questions dont les réponses pourraient défigurer ce qui reste d’essentiel de la constitution de 2001 malmenée à l’applaudimètre par un parlement sans reflet démocratique. Nous sommes à des années lumières de la séparation des pouvoirs. Nous sommes loin de l’élégance républicaine à léguer aux générations futures qu’il aurait fallu préférer à toute autre génération.
En vérité, l’individu vice-président sera hors du commun parce que parachuté au sommet sans égard pour la constitution actuelle qui dispose en son article premier « La République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte toutes les croyances ». L’institution vice-présidence aussi sera hors du commun parce que non validée par referendum. Au nom de la conjoncture, on risque d’entrer dans une autre république sans l’avis du peuple souverain. Moins que le contenu, c’est la position du vice-président par rapport aux Présidents du sénat et de l’assemblée nationale qui fera un peu plus de lumière sur les mobiles de l’acte.
En l’état actuel de la constitution sénégalaise notamment en l’article 39, « en cas de démission, d'empêchement définitif ou de décès, le Président de la République est suppléé par le Président du Sénat. Celui-ci organise les élections dans les délais prévus à l’article 31. Au cas où le Président du Sénat serait dans l'un des cas ci-dessus, la suppléance est assurée par le président de l'Assemblée nationale ». L’article 31 fixe le délai de remplacement pour vacance du pouvoir à au moins soixante jours et, au plus quatre vingt dix jours à l’issue desquels un scrutin doit être organisé.
Si le projet de vice-présidence pousse l’audace jusqu’à modifier tout de suite ou, par stratégie, dans un futur proche les articles 39 et 31 de la constitution, ce sera un enterrement de première classe pour l’humus de notre ossature démocratique. Dans un premier temps, le bluff pourrait consister à seulement toucher à l’article 39 qui parle du remplaçant. Si la pilule passe sans heurts, on pourrait passer à l’article 31 qui parlera alors de continuation d’un mandat par le vice-président et non plus de remplacement. On aura alors sans tambours ni trompettes contourner momentanément (sur une durée plus longue que les trois mois maximum) le suffrage universel par la dévolution d’un pouvoir qui permettra demain à l’individu ultime vice président d’user de leviers de l’Etat pour se préparer calmement à une campagne électorale. La question morale est de savoir si un chef d’Etat en exercice élu par le suffrage universel peut choisir librement son remplaçant par un subterfuge politico juridique. On n’en est pas encore là mais, le scénario est encore possible dans la tourmente actuelle marquée par une volonté inadmissible de contournement. Nous ne sommes plus en 1981 pour permettre un legs du pouvoir avec une version maquillée de l’ex article 35 de la constitution.
En définitive, nous assistons depuis quelques temps à une démarche accélérée de contournement du suffrage par des modifications de la constitution. Avec la vice-présidence, on risque de franchir l’ère de la modification pour entrer dans la nébuleuse des révisions inélégantes qui nous feront basculer par maquillage juridique occasionnel dans une république spéciale et inédite. L’article 103 de la constitution dispose que « la révision ne doit pas toucher à la forme républicaine de l’Etat ». Après le tsunami du projet de vice-présidence que l’on n’osera jamais présenté au référendum, la république sera plus que secouée. Elle aura littéralement reculée. En instituant la vice-présidence à mi-parcours du mandat, on n’est ni en modification encore moins en révision de la constitution. C’est plus que tout cela. C’est une « révolution constitutionnelle » pour simple convenance individuelle au grand dam de la république.
Et pourtant en république, une constitution ne doit pas être un habit cousu à la taille d’un individu. C’est un patrimoine qui doit résister aux calculs du moment. L’ignorer, c’est naviguer à contre courant de l’histoire qui s’écrit en actualités tous les jours. En réalité, cette vice-présidence à mi-parcours ne semble intéresser que ces promoteurs qui, sans doute, ont des exigences très éloignées de la consolidation démocratique. Le peuple attend plus de décence dans l’expression des ambitions individuelles obsédées par le compte à rebours.
Ce qui est troublant avec cette vice-présidence, c’est que ces promoteurs ont semblé n’en avoir fait la découverte subite qu’après le séisme des élections locales. Cela pose la question de la sincérité du projet. Les deux seules questions essentielles à poser sont les suivantes : Une vice-présidence à mi-parcours pourquoi ? Une vice-présidence pour qui ? La réponse à ces deux questions est la même et c’est « la mèche la plus vendue dans ce pays » qu’il n’est pas besoin de cacher avec tant de maladresse. La vérité est que même si la vice-présidence passe et repasse, le peuple électeur a déjà fait le choix du non choix de la succession suggérée. Du sommet, cette vérité crue ne peut être vue qu’avec plus de hauteur et de grandeur.
Mamadou NDIONE
Mandione15@gmail.com