En fait l’intérêt de la situation actuelle du Sénégal, c’est de montrer que le Sénégal s’est engagé dans plusieurs directions. Depuis l’alternance de 2000, on a, d’une part, assisté à une série de crises qui sont d’abord liées à la gestion de l’alternance, des relations entre les différentes composantes qui ont participé à l’arrivée du pouvoir du président Abdoulaye Wade et des rapports entre ces différentes parties. D’autre part, une crise du parti démocratique sénégalais qui semble s’approfondir dans différents soubresauts du Parti Socialiste qui a perdu un segment important de ses dirigeants que d’aucuns disent «les branches les plus pourries» de l’histoire de la transhumance. Mais aussi, il y a les crises électorales et en même temps une prise en charge de l’état sénégalais, du secteur économique sénégalais par le PDS et ses alliés qui ne sont pas forcement politiques mais plutôt des alliés économiques. L’alternance a donné de nouvelles approches, de nouveaux réseaux politiques et économiques et des crises cycliques. L’illustration la plus parfaite, c’est Idrissa Seck qui fait des va-et-vient, c’est Macky Sall qui est parti, c’est aussi d’autres dirigeants du PDS qui sont exclus, qui sont remis en cause, sont remis en orbite, c’est encore le retour plus ou moins réussi d’anciens militants du PDS. C’est, en fait, tout cela qui a pu créer une situation très complexe, très difficile à mettre en musique ou à rendre très rationnelle. La manière dont le président Wade gère le Sénégal semble être une manière fondée sur des à-coups, des crises à répétition ou des décisions plus ou moins intempestives ou difficiles à comprendre.
La deuxième chose qui semble importante pour moi, c’est en fait une transformation de l’architecture administrative de ce pays. Ce pays semblait avoir une force considérable. C’était d’avoir eu une administration très solide et très bien formée qui est capable de prendre en charge l’Etat, qui est capable de développer des programmes et des projets qui ont été financés. Le PDS n’a jamais été capable de recruter des partis dans l’administration sénégalaise et en particulier dans la haute administration. Et, quand il est arrivé au pouvoir, il a eu ce problème extraordinaire de ne pas avoir des cadres.
La première explication de la transhumance n’est pas au fond politique. Le PDS est à la recherche de cadres parce que le PDS ne veut pas utiliser les cadres de ses alliés de peur de perdre ce pouvoir bureaucratique. C’est ce qui explique que le PDS va débaucher des cadres, des militants bien formés du Parti Socialiste. Mais, c’est un parti qui ne fait pas trop confiance à l’administration. Par conséquent, il va injecter des gens pour diriger des structures administratives alors qu’ils ne sont pas formés pour cela.
L’administration n’a pas été dévoyée. Elle a été détruite parce qu’il n’y a plus le savoir, l’expérience nécessaire pour la faire marcher. Et c’est ça aussi qui a considérablement accentué la corruption précisément parce que cela a ouvert des boulevards à des gens qui ne savent pas. Et même probablement le président de la République s’est retrouvé dans des situations où on ne fait pas confiance à l’administration, on n’applique pas les procédures.
Et dans une certaine mesure, les premiers moments de l’alternance c’est cela qui a créé des problèmes entre le président et une partie de la haute administration et même de certains ministres. Les gens ont beaucoup parlé des rapports entre Wade et son ancien ministre des finances (Matar Diop, NDLR) et justement qui est une discussion autour des procédures. Ces problèmes se posent encore aujourd’hui parce que ce sont des gens qui se retrouvent dans l’administration et qui n’ont pas été formés et c’est très simple quand on ne sait pas, on ne sait pas. Ou bien on laisse le pouvoir aux gens, aux bureaucrates et on a un problème parce qu’on ne contrôle plus le système. Et cela a été l’un des grands problèmes de l’alternance.
Troisième élément, c’est le secteur économique que l’on contrôle à partir de la présidence. Wade a la main sur tout ce qui est économie. Il peut le déléguer à des gens, maintenant il l’a déléguée à son fils.Auparavant, il n’était que conseiller, mais maintenant, cela a été formalisé avec son arrivée dans un ministère. C’est cet ensemble de mal-gestion, cet ensemble de contrôle qui n’est pas fondé sur une expertise administrative et un projet politique clair qui créé cette situation cacophonique. Et ce qui le montre le mieux et qui est extraordinaire, c’est l’espérance de vie des gouvernements sénégalais qui est très courte. Elle est aussi courte qu’un ministre peut être exclu aujourd’hui et revenir demain littéralement. Ou quelqu’un qui est choisi aujourd’hui peut rester dans le gouvernement moins d’une semaine ou quelque mois. Ou encore des ministres choisis aient refusé après deux ou trois jours comme c’est le cas d’Aida Mbodj. La nomenclature des ministères, leurs nominations, leurs noms démontrent à l’envie ce problème.
Mais aussi quand on regarde l’espace d’aménagement de Dakar, c’est l’idée qu’il y’a une vision d’une ou plusieurs personnes qui est leur propre projection sur un espace. Cette projection n’est pas médiatisée à des connaissances techniques donc on se retrouve dans des situations où on a des tunnels, des rampes parce qu’il y’a une idée de la modernité qui est très vieille, qui est une idée des années 60. La modernité en ce moment-là, ce sont des bâtiments hauts, des tunnels et des ponts, des ronds points et des rampes.
Le rôle du président, c’est d’avoir des visions mais une vision ne se réalise que parce qu’elle passe dans le tapis technique d’experts qui connaissent comment passer d’une idée à la chose concrète. Aujourd’hui pour le gouvernement, pour les aménagements territoriaux, pour les aménagements urbains, pour le gouvernement on a une vision, on a un discours et c’est ce discours qui tente d’être et qui effectivement se retrouve validé ou invalidé par la pratique. C’est cela qui créé cette situation où on va dans toutes les directions en mêmes temps sans savoir où on va.
En fait, on peut le comprendre en allant très loin. Quand Diouf devient Premier ministre, il y a eu une révision constitutionnelle via l’article 35. Senghor justifie son projet sur la nécessité de préparer la succession et de former un successeur. Il l’a fait sur une dizaine d’années avant de démissionner. Cela est une réponse institutionnelle à un projet politique. Quand Diouf arrive au pouvoir, il y a eu les crises consécutives telles que les crises post électorales, crise des pluies, crise sénégalo-mauritanienne, etc. Donc le Sénégal était devenu complètement instable. Un débat s’est posé. Qu’est ce qu’il faut faire pour sortir le pays de la crise ? A un moment, le débat sur la sortie de crise tournait autour de la majorité présidentielle élargie qui fonctionnait jusqu’en 1993 avant de s’écrouler. La crise avait demeuré, il n’y avait pas eu de solution et il y avait des problèmes. Cela avait laissé place à des discussions plus ou moins clandestines autour de la vice-présidence.
Diouf discutait de la possibilité d’avoir Wade au près de lui en tant que vice-président. Ce qui était très différent de la discussion d’aujourd’hui. En fait les discussions des années 90 étaient impressionnantes parce qu’elles montraient que Wade avait abandonné tout espoir de devenir président de la République du Sénégal. Il se battait pour être vice-président. Mais l’idée, c’est qu’il y avait un ticket. C’est-à-dire que le président et le vice-président étaient élus pour la même durée. Ce qui légitimait un exécutif fort et un vice président élu avec le président. C’est en fait le système américain. Cependant, cela avait échoué. Et Wade n’allait pas revenir discuter et parce qu’en un moment notamment avant même les élections de 2000, si vous vous rappelez, il était parti pendant une année. Il n’était toujours pas convaincu qu’il pouvait gagner. Mais en un moment, je pense qu’il y a eu un éclair qui avait apparu. C’était en fait sa dernière chance pour gagner. C’est ce qui expliquait que l’opposition de gauche, qui est capable de produire une démarche, était allée le chercher.
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