Dans la conjoncture d’une époque, au milieu d’une société aux valeurs fluctuantes et face à une crise multidimensionnelle, Cheikh Ahmadou Bamba fit l’option déterminante du spirituel au détriment du temporel. Il misa sur deux valeurs sûres : le savoir et la piété (Innî ujâhidu bil‘Ilmi wa-t-Tuqâ). Par une profonde conscience de la nécessaire perpétuation des enseignements de son modèle, le Prophète (PSL), Bamba fit l’effort de « cultiver son jardin » malgré l’aridité d’un terreau peu favorable. Il surmonta, ainsi, l’adversité d’une époque qui était plus propice à la compromission qu’à l’adoration.
Les arbres de la foi, solidement enracinés dans un sol d’une détermination (Himmah), imbibée de la sincérité envers Dieu (çidq), ont pu rendre durable cet oasis de la science et de la piété, Touba. Cette cité florissante, grâce à Cheikh Ahmadou Bamba, au milieu du désert de l’injustice féodale et de l’arrogance coloniale. Contre les épreuves de l’exil et de la persécution, il s’arma de longanimité, du sens du devoir et de la conscience intime de Dieu.
Et voilà que des terres enclavées du Baol, sur un temps limité par les tracasseries du colon et autres épreuves, l’enseignement de Cheikh Ahmadou Bamba et son œuvre, ont pu, au Sénégal comme à l’étranger, conquérir les espaces jadis dominés par ceux-là même qui voulaient éteindre cette lumière que Dieu, Lui, dans sa volonté, avait décidé d’entretenir. N’est-ce pas à Dieu seul qu’appartient le pouvoir de l’accomplissement des volontés ? : Wallahou Mutimmun Nurahû walaw Karihal Kâfirûna ! (Coran 61/8)
Le Mouridisme s’est, ainsi, mondialisé par la diffusion de son enseignement et d’un modèle à tout point de vue fascinant. Ainsi, comme le décrivait feu Cheikh Abdoulaye Dièye, « du commerçant au travailleur immigré en passant par l’étudiant et le diplomate, chacun voyageant avec comme viatique sa foi, contribua et contribue encore à vulgariser les enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba. » ; phénomène illustrant un de ses vers prémonitoires « Dieu m’assistera les créatures me suivront, des îles, des mers et des terres. Et je leur serai utile sans leur causer de dommage » (wallâhu yançurunî, wal khalqu tatba’unî : fi-l-barri wa-l-bahri dha naf’’in bilâ dararî).
Qui osait, en effet, dans les années 60-70, parier sur une telle évolution des dâ’ira Mourides qui de la génération des Goumalo Seck et d’El Hadji Bamba Diao à celle des Majâlis et autres Hizbut Tarqiyya, a mené à l’internationalisation du Mouridisme, sorti des particularismes locaux pour épouser les contours mondialisés d’un phénomène désormais universel ?
C’est sans conteste de ce viatique de la foi qu’il s’est muni lors de ses exils sur les pas de tous les vertueux qui ont dû supporter et endurer l’épreuve d’être éloigné des siens et de leurs terres originelles que Cheikh Ahmadou Bamba a pu accéder à la généreuse rétribution de son Seigneur. On dirait même que l’épreuve de l’exil fut naturellement inscrite dans le processus qui menait à l’accomplissement et à la réalisation du dessein des vertueux (Aç-çâlihûna).
Le Prophète Ibrâhîm, n’a-t-il pas été contraint de quitter le Canaan pour aller ériger la demeure de Dieu, la Ka’ba, sur la vallée rocailleuse de la Mecque qu’inondent, aujourd’hui, des millions de pèlerins ? Seydinâ Mûsâ ne sacrifiera-t-il pas à la même tradition pour sortir son peuple de la persécution de Pharaon en partant de l’Egypte pour la terre promise ?
Le Sceau de la Prophétie, dont Cheikh Ahmadou Bamba fait son modèle, Muhammad (PSL) n’a-t-il pas, lui aussi, abandonné la Mecque de son enfance et de Banû Haâshim pour aller cultiver et perpétuer le jardin de la foi à Yathrib devenue l’éclatante Madinatou Rassoul ?
Aujourd’hui, Touba, « un des plus gros villages du monde » ou, comme le dit, Cheikh Guèye, cette «ville produite par des ruraux » est le lieu d’expression de cette grâce perpétuelle. Un tel état de grâce perpétuelle, illuminant le cœur des mourides et enflammant leur ardeur au travail et à l’invocation se cristallise en un lieu, Touba, en un temps, celui du Magal qui n’en est, par ailleurs, qu’une manifestation cyclique et annuelle. Les persécuteurs d’hier à qui Cheikh Ahmadou Bamba avait tenu à pardonner dans toute sa grandeur d’âme, (‘Afawtu ani-l-a’dâ’i turran) n’auraient jamais pu imaginer cette éternelle « moisson » de la vertu dont le processus immatériel leur a apparemment échappé, tellement la force qui le propulse dépasse l’entendement de ceux dont l’horizon se confine aux frontières du monde d’ici-bas ! Ceux-là qui, assurément, ne pouvaient comprendre la quiétude de cœur de ceux qui investissent dans les actions éternellement gagnantes (Tijâratan lan Tabûrâ !) ainsi que les fruits en toutes saisons, de l’arbre de la foi, de la piété nourrie du savoir.
La métaphore est toute trouvée dans le Saint-Coran (II/261) avec une seule graine qui produisit, à elle seule, plusieurs épis dont la moisson, à son tour, gratifie de centaines d’autres graines.
Une telle semence ne pouvait que perpétuer un enseignement et des valeurs dont les fruits, au-delà d’une journée de grâce et de réjouissance (Magal), dépassent largement les attentes et la sphère de ceux qui, avec sincérité, lui avaient fait allégeance.
C’est, finalement, une des leçons de Serigne Touba et un legs pour une jeune génération qui doit se l’approprier. Ce la lui incombe au-delà de l’apologétique et de la fierté d’appartenir à sa communauté et, surtout, le sauvegarder.
Refuser la posture de consommateurs passifs d’idéologies « importées » et croire en la possibilité d’alternatives endogènes pouvant bénéficier à l’islam voire à toute l’humanité, tel que l’a démontré le Mouridisme, me semble un pas décisif … sur le chemin des vertueux.
Par Dr. Bakary Sambe
Les arbres de la foi, solidement enracinés dans un sol d’une détermination (Himmah), imbibée de la sincérité envers Dieu (çidq), ont pu rendre durable cet oasis de la science et de la piété, Touba. Cette cité florissante, grâce à Cheikh Ahmadou Bamba, au milieu du désert de l’injustice féodale et de l’arrogance coloniale. Contre les épreuves de l’exil et de la persécution, il s’arma de longanimité, du sens du devoir et de la conscience intime de Dieu.
Et voilà que des terres enclavées du Baol, sur un temps limité par les tracasseries du colon et autres épreuves, l’enseignement de Cheikh Ahmadou Bamba et son œuvre, ont pu, au Sénégal comme à l’étranger, conquérir les espaces jadis dominés par ceux-là même qui voulaient éteindre cette lumière que Dieu, Lui, dans sa volonté, avait décidé d’entretenir. N’est-ce pas à Dieu seul qu’appartient le pouvoir de l’accomplissement des volontés ? : Wallahou Mutimmun Nurahû walaw Karihal Kâfirûna ! (Coran 61/8)
Le Mouridisme s’est, ainsi, mondialisé par la diffusion de son enseignement et d’un modèle à tout point de vue fascinant. Ainsi, comme le décrivait feu Cheikh Abdoulaye Dièye, « du commerçant au travailleur immigré en passant par l’étudiant et le diplomate, chacun voyageant avec comme viatique sa foi, contribua et contribue encore à vulgariser les enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba. » ; phénomène illustrant un de ses vers prémonitoires « Dieu m’assistera les créatures me suivront, des îles, des mers et des terres. Et je leur serai utile sans leur causer de dommage » (wallâhu yançurunî, wal khalqu tatba’unî : fi-l-barri wa-l-bahri dha naf’’in bilâ dararî).
Qui osait, en effet, dans les années 60-70, parier sur une telle évolution des dâ’ira Mourides qui de la génération des Goumalo Seck et d’El Hadji Bamba Diao à celle des Majâlis et autres Hizbut Tarqiyya, a mené à l’internationalisation du Mouridisme, sorti des particularismes locaux pour épouser les contours mondialisés d’un phénomène désormais universel ?
C’est sans conteste de ce viatique de la foi qu’il s’est muni lors de ses exils sur les pas de tous les vertueux qui ont dû supporter et endurer l’épreuve d’être éloigné des siens et de leurs terres originelles que Cheikh Ahmadou Bamba a pu accéder à la généreuse rétribution de son Seigneur. On dirait même que l’épreuve de l’exil fut naturellement inscrite dans le processus qui menait à l’accomplissement et à la réalisation du dessein des vertueux (Aç-çâlihûna).
Le Prophète Ibrâhîm, n’a-t-il pas été contraint de quitter le Canaan pour aller ériger la demeure de Dieu, la Ka’ba, sur la vallée rocailleuse de la Mecque qu’inondent, aujourd’hui, des millions de pèlerins ? Seydinâ Mûsâ ne sacrifiera-t-il pas à la même tradition pour sortir son peuple de la persécution de Pharaon en partant de l’Egypte pour la terre promise ?
Le Sceau de la Prophétie, dont Cheikh Ahmadou Bamba fait son modèle, Muhammad (PSL) n’a-t-il pas, lui aussi, abandonné la Mecque de son enfance et de Banû Haâshim pour aller cultiver et perpétuer le jardin de la foi à Yathrib devenue l’éclatante Madinatou Rassoul ?
Aujourd’hui, Touba, « un des plus gros villages du monde » ou, comme le dit, Cheikh Guèye, cette «ville produite par des ruraux » est le lieu d’expression de cette grâce perpétuelle. Un tel état de grâce perpétuelle, illuminant le cœur des mourides et enflammant leur ardeur au travail et à l’invocation se cristallise en un lieu, Touba, en un temps, celui du Magal qui n’en est, par ailleurs, qu’une manifestation cyclique et annuelle. Les persécuteurs d’hier à qui Cheikh Ahmadou Bamba avait tenu à pardonner dans toute sa grandeur d’âme, (‘Afawtu ani-l-a’dâ’i turran) n’auraient jamais pu imaginer cette éternelle « moisson » de la vertu dont le processus immatériel leur a apparemment échappé, tellement la force qui le propulse dépasse l’entendement de ceux dont l’horizon se confine aux frontières du monde d’ici-bas ! Ceux-là qui, assurément, ne pouvaient comprendre la quiétude de cœur de ceux qui investissent dans les actions éternellement gagnantes (Tijâratan lan Tabûrâ !) ainsi que les fruits en toutes saisons, de l’arbre de la foi, de la piété nourrie du savoir.
La métaphore est toute trouvée dans le Saint-Coran (II/261) avec une seule graine qui produisit, à elle seule, plusieurs épis dont la moisson, à son tour, gratifie de centaines d’autres graines.
Une telle semence ne pouvait que perpétuer un enseignement et des valeurs dont les fruits, au-delà d’une journée de grâce et de réjouissance (Magal), dépassent largement les attentes et la sphère de ceux qui, avec sincérité, lui avaient fait allégeance.
C’est, finalement, une des leçons de Serigne Touba et un legs pour une jeune génération qui doit se l’approprier. Ce la lui incombe au-delà de l’apologétique et de la fierté d’appartenir à sa communauté et, surtout, le sauvegarder.
Refuser la posture de consommateurs passifs d’idéologies « importées » et croire en la possibilité d’alternatives endogènes pouvant bénéficier à l’islam voire à toute l’humanité, tel que l’a démontré le Mouridisme, me semble un pas décisif … sur le chemin des vertueux.
Par Dr. Bakary Sambe