Situation sociopolitique au Sénégal : « tout le monde a le sentiment d’être assis sur une poudrière », Me Aly fall

Me Aly Fall, avocat à la cour et porte-parole chargé des questions juridiques du candidat Idrissa Seck, a bien voulu accordé une interview exclusive à Pressafrik.com, dans laquelle il revient largement de façon panoramique sur la situation sociopolitique du Sénégal. On vous propose ici l’intégralité de cet entretien.



Pressafrik.com : A moins d’un mois et demi de l’élection présidentielle quelle lecture faite vous, en tant homme de droit, de la situation sociopolitique de notre pays (Sénégal) ?

Me Aly Fall : La première chose qui frappe, c’est la tension qui règne. Et je crois que depuis très longtemps, on n’avait pas connu une tension aussi perceptible liée au fait tout simplement que le président (Me Wade) a décidé contre toute raison de se présenter pour une 3ème fois à l’élection présidentielle de 2012. Cette présentation de candidature est source de tous les dangers, d’une vraie tension et tout le monde a le sentiment à tort ou à raison d’être assis sur une poudrière. Je crois que c’est ça qui caractérise véritablement cette période préélectorale au Sénégal.

Me Wade vient de déposer sa candidature au greffe du Conseil constitutionnel, et selon son directeur de campagne, Souleymane Ndéné Ndiaye, ils accepteront le verdict final de cette institution, c’est rassurant pour vous ?

Ce qui me choque dans le dépôt de cette candidature, c’est qu’en 2000, il (Me Abdoulaye Wade) avait déjà dit qu’il faudrait limiter le mandat des présidents africains sur une durée raisonnable. En 2002, il a mis en pratique son idée en faisant voter une nouvelle constitution au Sénégal qui limitait le mandat du président à 2 mandats. Et en le disant en 2000, il disait que cette décision lui est illico applicable, c’est la promesse qu’il avait prise. En 2007, Me Wade confirme effectivement ce qu’il avait dit en 2000, que lui, il ne pouvait plus briguer un autre mandat, parce que la constitution l’interdisait.

Moi j’estime que quand un président de la République, qui est en même temps le gardien de la constitution, la viole de façon aussi manifeste, c’est choquant. Tant que ça se limitait à des questions de proclamation, c’était à peu près compréhensible, aujourd’hui par un acte positif consistant à déposer sa candidature, moi ça me choque. J’estime que c’est extrêmement grave qu’on commence par violer ce qu’on est chargé de surveiller soi-même.

Et si le Conseil constitutionnel valide la candidature de Me Wade, que fera Rewmi ?

Les choses sont très claires aujourd’hui, si on veut raisonner que par rapport au judiciaire, quand une décision est rendue, en tant que républicain et légaliste, vous êtes obligés de l’attaquer par les voies de recours prévues par la Loi. Maintenant si ces voies de recours sont rejetées, la décision devient définitive et politique.

Que voulez-vous dire par une décision définitive et politique ?

Elle sera politique, parce qu’il s’agira à partir de ce moment là, aux hommes politiques, dont notre candidat d’ailleurs, de trouver des réponses pour contraindre le président à ne pas se présenter à cette élection. Ce n’est parce que le Conseil constitutionnel valide votre candidature que c’est une obligation pour vous d’y aller. Le combat politique continu pour contraindre le président à ne pas se présenter à cette élection.

Allez-vous, par exemple, descendre dans la rue pour contester le verdict du Conseil constitutionnel ?

Je ne pense pas que mon candidat ait dit une seule fois que si le Conseil constitutionnel valide la candidature du président sortant qu’il va descendre dans la rue. Ce que le candidat Idy (Idrissa Seck) a dit, c’est si le peuple sénégalais, comme il a fait le 23 juin, descend dans la rue, lui aussi y sera. Et je pense que toute l’équipe de la coalition « Idy4Président » y sera ainsi que tout homme soucieux du respect de la règle de droit.

Que vous inspire l’augmentation de l’effectif des forces de l’ordre, plus précisément la police nationale ?

Je considère que quand un pouvoir est en fin de règne, les réponses qu’il a ne sont plus des réponses intellectuellement structurées. En général, la chose la mieux partagée, c’est qu’on fait recours à la force pour faire taire les gens ou en tout cas, tout faire pour ne pas qu’ils  s’occupent de tout ce qui leur regard. Quand on n’a plus d’argument, on utiliser la force à l’image du 23 juin.

Je crois que le discours de la paix que le président a tenu récemment, au fond n’est qu’un discours qui prépare la répression et la violence. Parce que tout simplement, ce qu’on sent aujourd’hui c’est qu’on prépare un coup pour lequel on est complètement préparé pour qu’il passe vaille que vaille, quel que soit le prix.

Pour vous, après les 10 ans de pouvoir, est ce que Me Wade a été vraiment à la hauteur des attentes ?

Je pense que pas mal de responsables politiques aujourd’hui en 2012 qui sont contre lui pour la plupart a voté pour lui en 2000. Je crois qu’aujourd’hui il a fait son temps. Il a accumulé pas mal d’échec et beaucoup d’échec, même si à son crédit on peut mettre un minimum de réalisation. Mais beaucoup d’échec ont été enregistrés, notamment la male gouvernance, le fait de privilégier un clan, sur le fait de s’accrocher au pouvoir en voulant à tout prix le transmettre autrement que par le vote et les urnes. Je crois qu’aujourd’hui il a fait son temps et ce mandat est effectivement un mandat de trop et qui risque malheureusement d’installer le pays dans la déstabilisation.

Un mot sur le conflit en Casamance ?

(Avec assurance) C’est une super-priorité pour notre candidat de régler ça (conflit casamançais) en vitesse. Parce que c’est un drame qui est vécu depuis 1982, et pour lequel aucune solution pertinente ni crédible n’a été apportée malgré les promesses de Me Abdoulaye Wade de régler ce conflit en 100 jours. Dès que l’élection présidentielle sera dans le passé, vous verrez que cette question est encore une fois pas une priorité mais une super-priorité du candidat Idrissa Seck.

Mais vous dites que ce conflit va être résolu en vitesse, est ce que cette thèse n’a pas été servie déjà aux casamançais ?

Cela à peut être été dit mais mal exécuté, nous nous le disons et croyez nous avec toutes les parties prenantes y compris les pays frontaliers, la question sera posée, discutée pour que  les solutions justes et définitives soient apportées.

Gata Doré

Mercredi 25 Janvier 2012 10:57


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