
Le Premier ministre affirme que le Conseil constitutionnel aurait « simplement considéré superflu » le postulat qui fonde la démarche de leur groupe parlementaire. Nous lui demandons dans quel considérant aurait-il lu cela ?
En désignant le considérant 31, il offre la preuve éclatante qu’il manipule les conclusions du Conseil.
Ce que dit réellement le considérant 31 est clair et grave : l’alinéa 2 de l’article premier de la loi interprétative viole la Constitution. Le Conseil affirme même que les crimes les plus graves sont inclus dans le champ de l’amnistie lorsqu’ils sont liés à l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique.
Une telle déclaration ne peut être balayée d’un revers de main ni détournée au gré des intérêts politiciens. En se livrant à cette manœuvre, le Premier ministre foule aux pieds le principe sacré de la séparation des pouvoirs en se cachant derrière un titre de chef de parti. Pire, il fait dire aux juges ce qu’ils n’ont jamais dit.
Et comme si cela ne suffisait pas, il s’attaque à l’opposition avec des termes d’un autre âge : « indigente », « résidus d’opposition ». Le chef du gouvernement devient le chef des insulteurs. Nous prenons acte.
Qu’il sache que nous ne nourrirons pas sa grande distraction nationale pour échapper à ses vraies responsabilités.
Aux insultes, nous préférons les idées.
Qu’il me soit permis de rappeler au vice-président de l’Assemblée nationale et esprit juridique du Pastef qu’il est à la fois inexact sur le plan des faits et juridiquement infondé de qualifier de « revirement jurisprudentiel », encore moins de « revirement spectaculaire », la décision récente du Conseil constitutionnel sur la loi interprétative, au regard de celle rendue en 2005 sur la loi Ezzan.
En 2005, avec la loi Ezzan, le Conseil constitutionnel n’a jamais affirmé que le législateur disposait d’un « pouvoir illimité » pour amnistier toutes les infractions, qu’elles soient criminelles ou correctionnelles. Une telle lecture relève d’une extrapolation.
Au contraire, le juge constitutionnel avait expressément formulé une réserve claire : le respect du principe de l’intangibilité des droits acquis.
Ce principe, fondamental en droit, interdit que quiconque soit privé rétroactivement d’un droit valablement constitué conformément aux règles alors en vigueur. Il garantit la sécurité juridique et protège, entre autres, les droits des victimes de violations graves des droits humains.
En conséquence, les engagements internationaux liant le Sénégal dès avant 2005, et qui prohibent expressément l’amnistie pour des crimes tels que la torture, les traitements inhumains ou dégradants, ou encore les crimes contre l’humanité, sont implicitement couverts par cette réserve. Le Conseil n’avait donc nullement validé une amnistie sans limite.
Par ailleurs, il est juridiquement évident que la décision du Conseil constitutionnel de 2025 ne pouvait être identique à celle de 2005, ne serait-ce que du fait de l’évolution du cadre normatif international. Le Sénégal a notamment ratifié en 2006 le Protocole facultatif à la Convention des Nations unies contre la torture, renforçant ainsi ses obligations internationales en matière de non-amnistie des actes de torture.
Enfin, en rappelant à nouveau la réserve du respect du principe de l’intangibilité des droits acquis, les juges constitutionnels de 2005 excluaient déjà toute atteinte aux droits désormais expressément reconnus et détaillés dans la décision de 2025.
Il est donc inapproprié pour ne pas dire erroné de parler de revirement. Il s’agit bien plutôt d’une cohérence jurisprudentielle renforcée par l’évolution du droit positif.
Thierno Bocoum
Juriste-Ancien parlementaire
Président AGIR
En désignant le considérant 31, il offre la preuve éclatante qu’il manipule les conclusions du Conseil.
Ce que dit réellement le considérant 31 est clair et grave : l’alinéa 2 de l’article premier de la loi interprétative viole la Constitution. Le Conseil affirme même que les crimes les plus graves sont inclus dans le champ de l’amnistie lorsqu’ils sont liés à l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique.
Une telle déclaration ne peut être balayée d’un revers de main ni détournée au gré des intérêts politiciens. En se livrant à cette manœuvre, le Premier ministre foule aux pieds le principe sacré de la séparation des pouvoirs en se cachant derrière un titre de chef de parti. Pire, il fait dire aux juges ce qu’ils n’ont jamais dit.
Et comme si cela ne suffisait pas, il s’attaque à l’opposition avec des termes d’un autre âge : « indigente », « résidus d’opposition ». Le chef du gouvernement devient le chef des insulteurs. Nous prenons acte.
Qu’il sache que nous ne nourrirons pas sa grande distraction nationale pour échapper à ses vraies responsabilités.
Aux insultes, nous préférons les idées.
Qu’il me soit permis de rappeler au vice-président de l’Assemblée nationale et esprit juridique du Pastef qu’il est à la fois inexact sur le plan des faits et juridiquement infondé de qualifier de « revirement jurisprudentiel », encore moins de « revirement spectaculaire », la décision récente du Conseil constitutionnel sur la loi interprétative, au regard de celle rendue en 2005 sur la loi Ezzan.
En 2005, avec la loi Ezzan, le Conseil constitutionnel n’a jamais affirmé que le législateur disposait d’un « pouvoir illimité » pour amnistier toutes les infractions, qu’elles soient criminelles ou correctionnelles. Une telle lecture relève d’une extrapolation.
Au contraire, le juge constitutionnel avait expressément formulé une réserve claire : le respect du principe de l’intangibilité des droits acquis.
Ce principe, fondamental en droit, interdit que quiconque soit privé rétroactivement d’un droit valablement constitué conformément aux règles alors en vigueur. Il garantit la sécurité juridique et protège, entre autres, les droits des victimes de violations graves des droits humains.
En conséquence, les engagements internationaux liant le Sénégal dès avant 2005, et qui prohibent expressément l’amnistie pour des crimes tels que la torture, les traitements inhumains ou dégradants, ou encore les crimes contre l’humanité, sont implicitement couverts par cette réserve. Le Conseil n’avait donc nullement validé une amnistie sans limite.
Par ailleurs, il est juridiquement évident que la décision du Conseil constitutionnel de 2025 ne pouvait être identique à celle de 2005, ne serait-ce que du fait de l’évolution du cadre normatif international. Le Sénégal a notamment ratifié en 2006 le Protocole facultatif à la Convention des Nations unies contre la torture, renforçant ainsi ses obligations internationales en matière de non-amnistie des actes de torture.
Enfin, en rappelant à nouveau la réserve du respect du principe de l’intangibilité des droits acquis, les juges constitutionnels de 2005 excluaient déjà toute atteinte aux droits désormais expressément reconnus et détaillés dans la décision de 2025.
Il est donc inapproprié pour ne pas dire erroné de parler de revirement. Il s’agit bien plutôt d’une cohérence jurisprudentielle renforcée par l’évolution du droit positif.
Thierno Bocoum
Juriste-Ancien parlementaire
Président AGIR
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