« A cause de mon engagement politique, on m’a exclu de l’Université. J’ai tenté à deux reprises de reprendre mes études, mais ils (les autorités de son pays d’origine qu’on a décidé de ne pas citer) ont rejeté tout mon dossier. Et c’est au cours d’une manifestation contre le régime en place que la police a énergiquement réprimé. Après 4 jours de prisons, nous avions réussis à nous sauver vers le Ghana, l’Italie et aujourd’hui je suis en Suisse pour sauver ma peau », tel est un bref témoignage de Baba (nom d’emprunt), l’un des milliers de demandeurs d’asile en Suisse. Et à l’instar des autres demandeurs d’asile, Baba vit dans un foyer pour requérant d’asile. Il n’a fait que 06 mois.
Selon lui, il y a « des frères africains qui ont passé des décennies dans ces foyers sans qu’ils aient une solution à leurs problèmes ». Pour les aider à faire face à la réalité du terrain et peut-être trouver une solution pour leurs « perpétuelles » demandes d’asile, ils sont assistés parfois par des ONG et d’autres structures comme le Centre de contact Suissesses-Immigrées (CCSI/SOS Racisme), actif dans le canton de Fribourg (NDRL. la Suisse est composée de 26 cantons, sorte de régions administratives).
« Ici personne n’est étranger et nul est illégal ». Cette phrase manuscrite sur une carte du monde et affichée dans l’une de leur salle, résume tout leur combat qu’ils mènent pour assister des personnes prises en tenaille dans les foyers de requérants d’asile ou des réfugiés vivant sur le territoire suisse.
« Les droits des étrangers et celui des demandeurs d’asile en Suisse sont des droits qui sont supers restrictifs. Nous, on essaie de faire beaucoup d’action pour tenter de changer la donne. Car pour les autres européens, c’est très faciles pour eux de venir en Suisse. Ces derniers jouissent des traités ou accords européens de libre circulation. Mais, les gens des pays tiers il n’y a que deux chemins possibles : le regroupement familial et ceux qui viennent pour demander l’asile », nous souligne Miriam Brunner du CCSI/SOS Racisme.
Miriam Brunner affirme clairement qu’ « Il y a beaucoup de personnes qui viennent en Suisse sous la coupe d’une demande d’asile pas parce qu’elles sont personnellement persécutées dans leur pays, mais c’est parce que cette personne fait face à des situations économiques ou d’autres problèmes qui lui poussent d’aller ailleurs ».
Le seul moyen actuellement de rester en Suisse pour ceux qui bénéficient d’un visa de séjour de courtes durées ou ceux qui sont y sont clandestinement, est d’en abuser de la demande d’asile. « Dans les demandes d’asiles, il y a certains qui posent des difficultés personnelles notamment la pauvreté, le chômage, etc. Du coup, la réponse est illico négative vue que ce ne sont pas des vraies raisons de demandes d’asile », précise notre interlocuteur du CCSI/SOS Racisme de Fribourg.
La question de l’immigration occupe une place importante dans l’ « agora suisse » et elle est parfois l’objet d’études de recherche et par des scientifiques et par des universitaires. Dans son livre intitulé « Un africain restera un africain » : discours ethniques de migrant(es) d’origine africaine en Suisse, Cécile Navarro touche du doigt cette problématique.
« L’attention de l’opinion publique envers les questions de criminalité des requérant-e-s d’asile et d’abus des droits sociaux depuis les années 80 se trouve parmi les facteurs qui problématisent une présence de la population africaine d’origine Subsaharienne en Suisse. Cette problématisation est encore renforcée par les événements de 2010 et par les articles récurrents dans la presse populaire sur des faits divers engageant des migrant-e-s d’origine africaine. Dans Sois parfait ou retourne chez toi, le journaliste Innocent Naki dénonce ainsi le traitement médiatique différencié des faits divers lorsqu'il s'agit de Suisse-sse-s ou d'étranger-e-s. Il relève notamment la mention systématique à l’origine lorsque ces faits sont perpétrés par des personnes d’origine étrangère, qu’elles aient acquis ou non la nationalité suisse », lit-on dans le livre de Cécile Navarro.
En ce qui concerne le retour des immigrants ou réfugiés au pays d’origine, c’est un autre combat. Certains « rentrent librement ou ils sont renvoyés de force. Il y a parfois d’autres qui sont détenu dans la prison centrale en détention administrative. A ce niveau également, nous allons leur voir pour leur expliquer qu’ils ont le choix de rentrer librement chez eux. Là, ils sont accompagnés à l’aéroport dans les règles de l’art pour qu’ils puissent rejoindre leur pays d’origine. Et s’il y a un refus de rentrer, ils sont ramenés en prison pour les reconduire plus tard dans des conditions pas jolies à voir. Parfois, on a des organisations qui proposent de l’argent pour que ces derniers acceptent de rentrer. Mais, ce n’est pas facile. Il arrive que certains disent catégoriquement qu’ils ne peuvent pas rentrer » soutient Miriam Bruner.
La vie dans les foyers de requérants d’asile par rapport aux conditions de vie suisse est très différente. « Et je soutiens illico que c’est vraiment horrible la condition de vie là-bas. Car, ils sont dans des baraques et perçoivent 10 francs suisse par jour et ce, pendant 6 jours sur 7. Outre, la personne doit se présenter chaque semaine à la police. Et la police lui rappelle chaque semaine qu’il faut qu’elle quitte le pays ou qu’est-ce qu’elle attend pour rentrer. Ils mettent vraiment la pression pour essayer de leur exciter à partir. Le but de cet exercice policier est de rendre la vie beaucoup plus horrible que dans leur pays d’origine », indique Mme Bruner avec un air de désolation. N’est-il pas temps, comme le disaient certains observateurs, que les gouvernements africains prennent à bras le corps le vrai problème de l’amélioration des conditions de vie de leur citoyen ? Le chômage des jeunes, pour juste une illustration.