RFI : Vincent Hugeux, pour l’heure, on va évidemment rester très prudents. Mais, est-ce que vous êtes surpris par le scénario tel qu’il se dessine depuis quelques heures, au Gabon ?
Vincent Hugeux : Pas tant que ça. D’abord, n’oublions pas le précédent de janvier 2019. À l’époque, des soldats mutins avaient invoqué l’état de santé d’Ali Bongo, frappé l’année précédente par un AVC, pour prendre, très brièvement d’ailleurs, le contrôle de Radio Gabon, et lancer un appel au soulèvement. Tout cela avait viré très vite au fiasco. Par ailleurs, la dégradation du climat politique est patente dans ce pays. Souvenons-nous de ces élections à huis-clos avec l’interdiction pour les missions d’observateurs d’opérer, avec la coupure d’internet, le couvre-feu, les médias eux-mêmes réduits au silence, […] les refus d’accréditation. Tous les marqueurs classiques d’un processus électoral entaché d’opacité.
Puis, autre facteur de la dégradation que je dépeins à grands traits, les souvenirs des scrutins présidentiels précédents avec notamment 2009 et 2016, où l’élection proclamée d’Ali Bongo, donc fils et successeur d’Omar Bongo au pouvoir pendant 41 ans, avaient là encore suscité des doutes parfaitement légitimes.
Je vous rappelle notamment ce scénario ubuesque de la province du Haut-Ogooué, le fief de la dynastie Bongo, où il fallait une participation massive et une victoire écrasante pour l’emporter d’un souffle sur Jean Ping, le rival d’Ali Bongo à l’époque. Et que croyez-vous qu’il advint ? 99,9% de participation – absurde, car la moyenne nationale étant entre 40 et 45% en étant généreux – et puis 95,5% en faveur du sortant. Tout cela évidemment n’a pas contribué à la sérénité. Et on pourrait aussi ajouter, l’effet non pas d’épidémie, de contagion ou de virus, je me méfie toujours de ces métaphores médicales…
Des épidémies de coup d’État ?
Oui. Bien sûr. Mais il est parfaitement clair que, dans l’esprit de tel ou tel officier, il peut y avoir une sorte d’effet désinhibiteur : puisque ça a marché ailleurs, pourquoi pas chez nous ? Et c’est ce qui nous a conduits ces dernières années, en tout cas depuis 2020, à vivre si souvent ces séquences assez ébouriffantes de putschs vintages avec des officiers venant lire laborieusement un communiqué à la télévision.
Aujourd’hui, quelques militaires annoncent « la fin du régime en place ». Est-ce que cela vous paraît crédible, possible ?
Encore une fois, je suis sur la même ligne que vous. Je reste extrêmement prudent. Tout cela semble très confus. J’ai rappelé le précédent avorté…
On va rappeler que, pour l’heure, on ne sait pas où est Ali Bongo, on ne sait pas ce qu’il en est des forces militaires par ailleurs du palais présidentiel. On a peu d’éléments, notamment du fait de l’opacité que vous évoquez…
Absolument. Ce que l’on peut dire en tout cas, c’est que, évidemment, et c’est la raison pour laquelle j’étais circonspect par rapport au concept « épidémique ». Vous avez des facteurs spécifiques. Au Sahel, le travail de sape méthodique des mouvements jihadistes a évidemment joué un rôle. En Afrique centrale […], on est plus dans l’épuisement d’un modèle politique qui a été régenté, et d’ailleurs dévoyé par des dynasties familiales et claniques. Vous avez le Gabon, vous avez le cas du Congo-Brazzaville, vous avez le Cameroun où Paul Biya est aux manettes depuis 1982. Tout ça évidement est une usure qui, en plus, est amplifiée par la fragilité des institutions démocratiques, un modèle d’ailleurs électoral qui a été discrédité amplement par la fraude, la corruption, les achats de conscience, etc.
Vincent Hugeux : Pas tant que ça. D’abord, n’oublions pas le précédent de janvier 2019. À l’époque, des soldats mutins avaient invoqué l’état de santé d’Ali Bongo, frappé l’année précédente par un AVC, pour prendre, très brièvement d’ailleurs, le contrôle de Radio Gabon, et lancer un appel au soulèvement. Tout cela avait viré très vite au fiasco. Par ailleurs, la dégradation du climat politique est patente dans ce pays. Souvenons-nous de ces élections à huis-clos avec l’interdiction pour les missions d’observateurs d’opérer, avec la coupure d’internet, le couvre-feu, les médias eux-mêmes réduits au silence, […] les refus d’accréditation. Tous les marqueurs classiques d’un processus électoral entaché d’opacité.
Puis, autre facteur de la dégradation que je dépeins à grands traits, les souvenirs des scrutins présidentiels précédents avec notamment 2009 et 2016, où l’élection proclamée d’Ali Bongo, donc fils et successeur d’Omar Bongo au pouvoir pendant 41 ans, avaient là encore suscité des doutes parfaitement légitimes.
Je vous rappelle notamment ce scénario ubuesque de la province du Haut-Ogooué, le fief de la dynastie Bongo, où il fallait une participation massive et une victoire écrasante pour l’emporter d’un souffle sur Jean Ping, le rival d’Ali Bongo à l’époque. Et que croyez-vous qu’il advint ? 99,9% de participation – absurde, car la moyenne nationale étant entre 40 et 45% en étant généreux – et puis 95,5% en faveur du sortant. Tout cela évidemment n’a pas contribué à la sérénité. Et on pourrait aussi ajouter, l’effet non pas d’épidémie, de contagion ou de virus, je me méfie toujours de ces métaphores médicales…
Des épidémies de coup d’État ?
Oui. Bien sûr. Mais il est parfaitement clair que, dans l’esprit de tel ou tel officier, il peut y avoir une sorte d’effet désinhibiteur : puisque ça a marché ailleurs, pourquoi pas chez nous ? Et c’est ce qui nous a conduits ces dernières années, en tout cas depuis 2020, à vivre si souvent ces séquences assez ébouriffantes de putschs vintages avec des officiers venant lire laborieusement un communiqué à la télévision.
Aujourd’hui, quelques militaires annoncent « la fin du régime en place ». Est-ce que cela vous paraît crédible, possible ?
Encore une fois, je suis sur la même ligne que vous. Je reste extrêmement prudent. Tout cela semble très confus. J’ai rappelé le précédent avorté…
On va rappeler que, pour l’heure, on ne sait pas où est Ali Bongo, on ne sait pas ce qu’il en est des forces militaires par ailleurs du palais présidentiel. On a peu d’éléments, notamment du fait de l’opacité que vous évoquez…
Absolument. Ce que l’on peut dire en tout cas, c’est que, évidemment, et c’est la raison pour laquelle j’étais circonspect par rapport au concept « épidémique ». Vous avez des facteurs spécifiques. Au Sahel, le travail de sape méthodique des mouvements jihadistes a évidemment joué un rôle. En Afrique centrale […], on est plus dans l’épuisement d’un modèle politique qui a été régenté, et d’ailleurs dévoyé par des dynasties familiales et claniques. Vous avez le Gabon, vous avez le cas du Congo-Brazzaville, vous avez le Cameroun où Paul Biya est aux manettes depuis 1982. Tout ça évidement est une usure qui, en plus, est amplifiée par la fragilité des institutions démocratiques, un modèle d’ailleurs électoral qui a été discrédité amplement par la fraude, la corruption, les achats de conscience, etc.