Le Premier ministre indien Narendra Modi entame ce jeudi 7 juillet une tournée, très attendue, en Afrique australe, qui le conduira du Mozambique au Kenya, en passant par l’Afrique du Sud et la Tanzanie. Après son voyage l’année dernière à l’île Maurice et aux Seychelles, c’est la seconde visite du leader indien en Afrique, mais une première en Afrique continentale.
Cette visite est un événement considérable pour les pays hôtes, qui ont vu leurs relations économiques et commerciales avec l’Inde s’intensifier au cours de la dernière décennie. Les quatre pays au programme du Premier ministre Modi ont aussi en commun d’accueillir une très large diaspora indienne, l’Afrique du Sud tenant le haut du pavé en la matière avec près de 1,5 millions de Sud-africains d’origine indienne.
Cette visite est également d’une grande importance pour l’Inde : celle-ci a besoin des matières premières et des hydrocarbures africains pour alimenter son économie en pleine croissance. Cette dépendance grandissante du géant asiatique à l’égard du continent noir fait dire à Jean-Joseph Boillot, l’auteur de Chindiafrique (Odile Jacob, 2013), que le destin de l’Inde « se joue désormais en partie dans les derricks et les mines de l’Afrique ».
Des hauts et des bas
Les relations indo-africaines ne datent pas d’hier, mais elles ont connu des hauts et des bas. Elles furent excellentes dans les années 1950 et 1960, grâce au soutien sans faille apporté par New Delhi aux mouvements populaires pour la décolonisation du continent africain. On se souvient que l’Inde fut l’un des premiers pays à prendre l’initiative de rompre ses relations avec le régime d’apartheid en Afrique du Sud, dès 1946. Elles furent rétablies en 1994 avec l’arrivée au pouvoir de la majorité noire à Pretoria.
Les années 1990 coïncident aussi avec la libéralisation de l’économie de l’Inde, ce qui a favorisé l’essor de son industrie. Très vite, celle-ci s’est tournée vers l’Afrique à la fois comme source d’approvisionnement en ressources et en énergie, et comme un marché pour ses produits. Partant du niveau ridiculement bas de moins d’un milliard de dollars en 2000, le chiffre d’affaires du commerce indo-africain s’élève aujourd’hui à 70 milliards de dollars.
De leur côté, les investissements indiens se montent à quelque 30 à 35 milliards. Mais ces montants sont très en-deçà de ceux affichés par la Chine, dont les échanges avec le continent ont atteint 222 milliards de dollars l’an dernier, ce qui fait de Pékin le premier partenaire commercial de l’Afrique. Quant aux investissements chinois en Afrique sub-saharienne, ils s’élèvent à quelque 180 milliards de dollars.
Soucieux de rattraper son retard en Afrique, l’Inde a mis les bouchées doubles, surtout depuis les années 2000. L’organisation du premier sommet Inde-Afrique en 2008 a marqué un tournant dans les relations indo-africaines, mais il aura fallu attendre l’entrée en scène de Narendra Modi six ans plus tard pour que l’accent soit enfin mis sur le contenu géo-économique des relations indo-africaines.
La tenue en octobre 2015, sous l’égide du gouvernement Modi, du troisième sommet Inde-Afrique, auquel plus de 50 chefs d’Etat et de gouvernement africains ont assisté, a donné une nouvelle impulsion au processus de rapprochement de l’Inde avec le continent noir.
La promesse faite par New Delhi d’accorder 10 milliards de lignes de crédits supplémentaires, ajoutés aux 7,4 milliards déjà consentis, a permis de relancer la coopération et de fluidifier les transactions. Qui plus est, ce sommet, qui s’est déroulé en plein ralentissement de la croissance chinoise, a rassuré les dirigeants africains inquiets de la vente de leurs matières premières, suite à l'annulation par les Chinois de leurs commandes, faute de liquidités.
Volontarisme et identité
Tous les observateurs sont d’accord pour reconnaître que le sommet de New Delhi 2015 fut un franc succès, tant en termes de participation qu’en termes de résultats. Depuis, pour que la flamme ne s’éteigne pas, des rencontres sectorielles ont été organisées par des Chambres de commerce réunissant Africains et Indiens. Elles ont été suivies de visites des officiels et des délégations de part et d’autre.
Précédé des visites en Afrique du président et du vice-président indien, en mai et en juin respectivement, le déplacement qu’effectue ce jeudi en Afrique le Premier ministre Modi traduit le volontarisme, qui est devenue la marque de fabrique des hindouistes au pouvoir en Inde.
Selon Ajay Dubey, professeur au centre d’études africaines à l’Université Nehru de Delhi, le volontarisme a aussi dicté le choix des pays où le Premier ministre se rend pour sa première visite sur le continent : « Ce n’est pas accidentel, dit-il, que les quatre pays fassent partie de l’Association des Etats riverains de l’Océan indien (IORA). Pour Narendra Modi, l’Océan indien est à la fois un lien et une identité que les pays riverains ont le devoir de se réapproprier pour imaginer et construire un avenir commun. »
Le politologue souligne aussi les liens historiques qui relient l’Inde à l’Afrique du Sud, où le père de la nation Mahatma Gandhi a vécu, mais aussi au Kenya et à la Tanzanie, où vivent des diasporas indiennes importantes. « Si les relations sont plus récentes avec le Mozambique, elles n’en sont pas moins intenses », ajoute Professeur Dubey, rappelant que ce pays fabuleusement riche en charbon et en gaz accueille un quart des investissements indiens en Afrique, soit l’équivalent de 8 milliards de dollars.
Or, le volontarisme seul ne suffira peut-être pas pour que la visite de Narendra Modi soit réussie. Le Premier ministre indien est attendu au tournant sur le sujet des violences raciales dont les Africains sont régulièrement victimes au pays de Gandhi et de Nehru. Après le meurtre d'un étudiant congolais en mai dernier dans les rues de la capitale indienne, les diplomates africains en poste à New Delhi avaient menacé de demander à leurs gouvernements de ne plus envoyer d’étudiants en Inde tant que leur sécurité ne sera pas garantie.
Source: Rfi.fr
Cette visite est un événement considérable pour les pays hôtes, qui ont vu leurs relations économiques et commerciales avec l’Inde s’intensifier au cours de la dernière décennie. Les quatre pays au programme du Premier ministre Modi ont aussi en commun d’accueillir une très large diaspora indienne, l’Afrique du Sud tenant le haut du pavé en la matière avec près de 1,5 millions de Sud-africains d’origine indienne.
Cette visite est également d’une grande importance pour l’Inde : celle-ci a besoin des matières premières et des hydrocarbures africains pour alimenter son économie en pleine croissance. Cette dépendance grandissante du géant asiatique à l’égard du continent noir fait dire à Jean-Joseph Boillot, l’auteur de Chindiafrique (Odile Jacob, 2013), que le destin de l’Inde « se joue désormais en partie dans les derricks et les mines de l’Afrique ».
Des hauts et des bas
Les relations indo-africaines ne datent pas d’hier, mais elles ont connu des hauts et des bas. Elles furent excellentes dans les années 1950 et 1960, grâce au soutien sans faille apporté par New Delhi aux mouvements populaires pour la décolonisation du continent africain. On se souvient que l’Inde fut l’un des premiers pays à prendre l’initiative de rompre ses relations avec le régime d’apartheid en Afrique du Sud, dès 1946. Elles furent rétablies en 1994 avec l’arrivée au pouvoir de la majorité noire à Pretoria.
Les années 1990 coïncident aussi avec la libéralisation de l’économie de l’Inde, ce qui a favorisé l’essor de son industrie. Très vite, celle-ci s’est tournée vers l’Afrique à la fois comme source d’approvisionnement en ressources et en énergie, et comme un marché pour ses produits. Partant du niveau ridiculement bas de moins d’un milliard de dollars en 2000, le chiffre d’affaires du commerce indo-africain s’élève aujourd’hui à 70 milliards de dollars.
De leur côté, les investissements indiens se montent à quelque 30 à 35 milliards. Mais ces montants sont très en-deçà de ceux affichés par la Chine, dont les échanges avec le continent ont atteint 222 milliards de dollars l’an dernier, ce qui fait de Pékin le premier partenaire commercial de l’Afrique. Quant aux investissements chinois en Afrique sub-saharienne, ils s’élèvent à quelque 180 milliards de dollars.
Soucieux de rattraper son retard en Afrique, l’Inde a mis les bouchées doubles, surtout depuis les années 2000. L’organisation du premier sommet Inde-Afrique en 2008 a marqué un tournant dans les relations indo-africaines, mais il aura fallu attendre l’entrée en scène de Narendra Modi six ans plus tard pour que l’accent soit enfin mis sur le contenu géo-économique des relations indo-africaines.
La tenue en octobre 2015, sous l’égide du gouvernement Modi, du troisième sommet Inde-Afrique, auquel plus de 50 chefs d’Etat et de gouvernement africains ont assisté, a donné une nouvelle impulsion au processus de rapprochement de l’Inde avec le continent noir.
La promesse faite par New Delhi d’accorder 10 milliards de lignes de crédits supplémentaires, ajoutés aux 7,4 milliards déjà consentis, a permis de relancer la coopération et de fluidifier les transactions. Qui plus est, ce sommet, qui s’est déroulé en plein ralentissement de la croissance chinoise, a rassuré les dirigeants africains inquiets de la vente de leurs matières premières, suite à l'annulation par les Chinois de leurs commandes, faute de liquidités.
Volontarisme et identité
Tous les observateurs sont d’accord pour reconnaître que le sommet de New Delhi 2015 fut un franc succès, tant en termes de participation qu’en termes de résultats. Depuis, pour que la flamme ne s’éteigne pas, des rencontres sectorielles ont été organisées par des Chambres de commerce réunissant Africains et Indiens. Elles ont été suivies de visites des officiels et des délégations de part et d’autre.
Précédé des visites en Afrique du président et du vice-président indien, en mai et en juin respectivement, le déplacement qu’effectue ce jeudi en Afrique le Premier ministre Modi traduit le volontarisme, qui est devenue la marque de fabrique des hindouistes au pouvoir en Inde.
Selon Ajay Dubey, professeur au centre d’études africaines à l’Université Nehru de Delhi, le volontarisme a aussi dicté le choix des pays où le Premier ministre se rend pour sa première visite sur le continent : « Ce n’est pas accidentel, dit-il, que les quatre pays fassent partie de l’Association des Etats riverains de l’Océan indien (IORA). Pour Narendra Modi, l’Océan indien est à la fois un lien et une identité que les pays riverains ont le devoir de se réapproprier pour imaginer et construire un avenir commun. »
Le politologue souligne aussi les liens historiques qui relient l’Inde à l’Afrique du Sud, où le père de la nation Mahatma Gandhi a vécu, mais aussi au Kenya et à la Tanzanie, où vivent des diasporas indiennes importantes. « Si les relations sont plus récentes avec le Mozambique, elles n’en sont pas moins intenses », ajoute Professeur Dubey, rappelant que ce pays fabuleusement riche en charbon et en gaz accueille un quart des investissements indiens en Afrique, soit l’équivalent de 8 milliards de dollars.
Or, le volontarisme seul ne suffira peut-être pas pour que la visite de Narendra Modi soit réussie. Le Premier ministre indien est attendu au tournant sur le sujet des violences raciales dont les Africains sont régulièrement victimes au pays de Gandhi et de Nehru. Après le meurtre d'un étudiant congolais en mai dernier dans les rues de la capitale indienne, les diplomates africains en poste à New Delhi avaient menacé de demander à leurs gouvernements de ne plus envoyer d’étudiants en Inde tant que leur sécurité ne sera pas garantie.
Source: Rfi.fr
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