Nous avons les moyens de garantir la sécurité de la grossesse et de l’accouchement, alors pourquoi tant de décès évitables ?
Par Helen Clark, présidente de PMNCH et Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus
Le décès de Zainab, provoqué par une hémorragie consécutive à la naissance de sa fille, Safiya, au Yémen, montre bien à quel point les complications peuvent s’aggraver rapidement dans les moments qui entourent l’accouchement et met en lumière les conséquences tragiques que cela peut avoir, en particulier dans les États fragiles. Dans le cas de Zainab, l’hôpital où elle prévoyait d’accoucher a perdu son gynécologue par manque de financement, ce qui l’a contrainte à accoucher à domicile sans pouvoir bénéficier de l’aide dont elle avait besoin.
Même si chaque femme a une histoire qui lui est propre, les chiffres sont là pour montrer qu’un dénouement aussi tragique est une réalité bien trop fréquente dans le monde entier et qu’il est souvent le fruit de défaillances potentiellement mortelles dans la prise en charge. Toutes les deux minutes, une femme ou une fille meurt pendant la grossesse ou lors de l’accouchement. Pourtant, nous avons les moyens de prévenir de tels décès et d’améliorer considérablement la santé maternelle.
Il ressort d’un rapport des Nations Unies qui vient d’être publié sous le titre « Trends in Maternal Mortality » (Évolution de la mortalité maternelle) que les progrès en matière de réduction de la mortalité maternelle dans le monde ont marqué le pas ces dernières années. Nous sommes désormais très loin de pouvoir atteindre la cible de réduction de la mortalité maternelle à l’horizon 2030 que prévoient les objectifs de développement durable, ce qui porte gravement atteinte aux droits des femmes.
Le rapport fait valoir que de 2016 à 2020, seuls 31 pays ont réussi à réduire nettement la mortalité maternelle, tandis que les progrès ont été à l’arrêt dans 133 autres pays et que 17 États ont enregistré une hausse, ce qui concerne des pays de presque toutes les régions et à tous les niveaux de revenu. Cela étant, les pays à faible revenu sont touchés de façon disproportionnée par les décès maternels.
Ces décès sont en grande partie la conséquence des inégalités liées au revenu, à l’éducation et à l’origine ethnique, qui font le lit des disparités en matière de santé en décidant des personnes qui ont accès aux services, aux ressources et aux possibilités de promotion de la santé. Sur les 287 000 décès maternels enregistrés en 2020, près de la moitié sont survenus dans les régions les plus pauvres du monde, là où vivent seulement 13 % de la population. L’Afrique subsaharienne représentait à elle seule 70 % du total mondial.
Ainsi, dans cette région, le risque de mourir pendant la grossesse ou lors de l’accouchement est 130 fois plus élevé qu’en Europe ou en Amérique du Nord. Du reste, dans les neuf pays considérés comme les plus fragiles par l’indice des États fragiles, le taux de mortalité maternelle pour 2020 était le double de la moyenne mondiale.
Cependant, les disparités sont très marquées, même parmi les économies avancées. C’est ce que montre, par exemple, le cas de Sha-Asia Washington, une femme noire âgée de 26 ans, morte en couches à Brooklyn, aux États-Unis, en 2020. Elle a subi un arrêt cardiaque alors que son bébé, Khloé, est née après une césarienne pratiquée en urgence. Aux États-Unis, les femmes noires courent près de trois fois plus de risques de mourir en couches que les femmes blanches non hispaniques. Il n’est dès lors pas étonnant que les experts estiment que la mortalité maternelle ne diminuera pas tant que l’on ne s’attaquera pas aux préjugés raciaux.
Où qu’elles se trouvent dans le monde, certaines mères sont plus vulnérables que d’autres. La mortalité maternelle se représente par une courbe en forme de J, les adolescentes étant plus à risque que les femmes âgées de 20 à 24 ans. Il est donc essentiel de mettre en place une démarche d’ensemble, fondée sur le parcours de vie, notamment par des interventions sur des normes et des pratiques de genre qui nuisent aux adolescents et conduisent trop souvent au mariage d’enfants, à la violence fondée sur le genre et au refus des services et des droits en matière de santé sexuelle et reproductive.
L’accès à des soins de qualité tout au long de la vie a une incidence extrêmement positive sur toutes les générations. Pourtant, certaines femmes n’ont toujours pas pleinement accès aux services essentiels liés à la maternité, au point qu’un tiers d’entre elles ne bénéficient même pas de quatre des huit examens prénatals recommandés, tandis que 270 millions de femmes n’ont pas accès à une planification familiale moderne. De même, sur les 5,6 millions d’avortements qui sont pratiqués chaque année chez des adolescentes selon les estimations, près de 4 millions sont dangereux.
Dans une grande partie du monde, le problème est que l’on n’accorde pas une priorité suffisante à la santé de la mère et du nouveau-né. Par exemple, de 2019 à 2021, l’aide au développement allouée à la santé reproductive et à la santé de la mère, du nouveau-né et de l’enfant a diminué de 2,3 %. Pour atteindre la cible des objectifs de développement durable à l’horizon 2030, il faudrait que la mortalité maternelle diminue plus de deux fois plus vite qu’actuellement. En outre, ces dernières statistiques frappantes sur la mortalité maternelle arrivent à un moment où les droits des femmes sont de plus en plus remis en cause.
Le Partenariat pour la santé de la mère, du nouveau-né et de l’enfant (PMNCH) et l’Organisation mondiale de la Santé collaborent avec des pays et des partenaires du monde dans le but d’améliorer l’accès à des services de soins de santé reproductive, maternelle et néonatale de qualité, en accordant la priorité aux communautés les plus démunies, les plus défavorisées et marginalisées qui sont frappées de façon disproportionnée par ces décès que l’on pourrait éviter.
Nous nous efforçons de donner corps à la couverture sanitaire universelle et à la responsabilisation, de nous attaquer à toutes les causes de mortalité maternelle et de problèmes de santé, et de renforcer les systèmes de santé afin qu’ils recueillent des données de qualité et répondent aux besoins et aux priorités de toutes les femmes et de toutes les filles.
Il ne nous reste que sept ans pour atteindre les cibles des ODD. Nous devons redoubler d’efforts pour encourager et redynamiser les engagements mondiaux, régionaux, nationaux et communautaires. Combien d’autres femmes comme Zainab et Sha-Asia devront-elles mourir alors qu’elles auraient pu vivre, avant que notre message soit entendu ? Nous avons une solution : investissons dès à présent, protégeons les droits et exigeons des changements. C’est à ce prix que nous mettrons fin une fois pour toutes à une mortalité maternelle qui pourrait être évitée.
Les auteurs :
-Très Hon. Helen Clark est présidente de PMNCH (plus grande alliance mondiale pour la santé et le bien-être des femmes, des enfants et des adolescents) et ancienne Première Ministre de la Nouvelle-Zélande.
- Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus est le Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé.
Par Helen Clark, présidente de PMNCH et Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus
Le décès de Zainab, provoqué par une hémorragie consécutive à la naissance de sa fille, Safiya, au Yémen, montre bien à quel point les complications peuvent s’aggraver rapidement dans les moments qui entourent l’accouchement et met en lumière les conséquences tragiques que cela peut avoir, en particulier dans les États fragiles. Dans le cas de Zainab, l’hôpital où elle prévoyait d’accoucher a perdu son gynécologue par manque de financement, ce qui l’a contrainte à accoucher à domicile sans pouvoir bénéficier de l’aide dont elle avait besoin.
Même si chaque femme a une histoire qui lui est propre, les chiffres sont là pour montrer qu’un dénouement aussi tragique est une réalité bien trop fréquente dans le monde entier et qu’il est souvent le fruit de défaillances potentiellement mortelles dans la prise en charge. Toutes les deux minutes, une femme ou une fille meurt pendant la grossesse ou lors de l’accouchement. Pourtant, nous avons les moyens de prévenir de tels décès et d’améliorer considérablement la santé maternelle.
Il ressort d’un rapport des Nations Unies qui vient d’être publié sous le titre « Trends in Maternal Mortality » (Évolution de la mortalité maternelle) que les progrès en matière de réduction de la mortalité maternelle dans le monde ont marqué le pas ces dernières années. Nous sommes désormais très loin de pouvoir atteindre la cible de réduction de la mortalité maternelle à l’horizon 2030 que prévoient les objectifs de développement durable, ce qui porte gravement atteinte aux droits des femmes.
Le rapport fait valoir que de 2016 à 2020, seuls 31 pays ont réussi à réduire nettement la mortalité maternelle, tandis que les progrès ont été à l’arrêt dans 133 autres pays et que 17 États ont enregistré une hausse, ce qui concerne des pays de presque toutes les régions et à tous les niveaux de revenu. Cela étant, les pays à faible revenu sont touchés de façon disproportionnée par les décès maternels.
Ces décès sont en grande partie la conséquence des inégalités liées au revenu, à l’éducation et à l’origine ethnique, qui font le lit des disparités en matière de santé en décidant des personnes qui ont accès aux services, aux ressources et aux possibilités de promotion de la santé. Sur les 287 000 décès maternels enregistrés en 2020, près de la moitié sont survenus dans les régions les plus pauvres du monde, là où vivent seulement 13 % de la population. L’Afrique subsaharienne représentait à elle seule 70 % du total mondial.
Ainsi, dans cette région, le risque de mourir pendant la grossesse ou lors de l’accouchement est 130 fois plus élevé qu’en Europe ou en Amérique du Nord. Du reste, dans les neuf pays considérés comme les plus fragiles par l’indice des États fragiles, le taux de mortalité maternelle pour 2020 était le double de la moyenne mondiale.
Cependant, les disparités sont très marquées, même parmi les économies avancées. C’est ce que montre, par exemple, le cas de Sha-Asia Washington, une femme noire âgée de 26 ans, morte en couches à Brooklyn, aux États-Unis, en 2020. Elle a subi un arrêt cardiaque alors que son bébé, Khloé, est née après une césarienne pratiquée en urgence. Aux États-Unis, les femmes noires courent près de trois fois plus de risques de mourir en couches que les femmes blanches non hispaniques. Il n’est dès lors pas étonnant que les experts estiment que la mortalité maternelle ne diminuera pas tant que l’on ne s’attaquera pas aux préjugés raciaux.
Où qu’elles se trouvent dans le monde, certaines mères sont plus vulnérables que d’autres. La mortalité maternelle se représente par une courbe en forme de J, les adolescentes étant plus à risque que les femmes âgées de 20 à 24 ans. Il est donc essentiel de mettre en place une démarche d’ensemble, fondée sur le parcours de vie, notamment par des interventions sur des normes et des pratiques de genre qui nuisent aux adolescents et conduisent trop souvent au mariage d’enfants, à la violence fondée sur le genre et au refus des services et des droits en matière de santé sexuelle et reproductive.
L’accès à des soins de qualité tout au long de la vie a une incidence extrêmement positive sur toutes les générations. Pourtant, certaines femmes n’ont toujours pas pleinement accès aux services essentiels liés à la maternité, au point qu’un tiers d’entre elles ne bénéficient même pas de quatre des huit examens prénatals recommandés, tandis que 270 millions de femmes n’ont pas accès à une planification familiale moderne. De même, sur les 5,6 millions d’avortements qui sont pratiqués chaque année chez des adolescentes selon les estimations, près de 4 millions sont dangereux.
Dans une grande partie du monde, le problème est que l’on n’accorde pas une priorité suffisante à la santé de la mère et du nouveau-né. Par exemple, de 2019 à 2021, l’aide au développement allouée à la santé reproductive et à la santé de la mère, du nouveau-né et de l’enfant a diminué de 2,3 %. Pour atteindre la cible des objectifs de développement durable à l’horizon 2030, il faudrait que la mortalité maternelle diminue plus de deux fois plus vite qu’actuellement. En outre, ces dernières statistiques frappantes sur la mortalité maternelle arrivent à un moment où les droits des femmes sont de plus en plus remis en cause.
Le Partenariat pour la santé de la mère, du nouveau-né et de l’enfant (PMNCH) et l’Organisation mondiale de la Santé collaborent avec des pays et des partenaires du monde dans le but d’améliorer l’accès à des services de soins de santé reproductive, maternelle et néonatale de qualité, en accordant la priorité aux communautés les plus démunies, les plus défavorisées et marginalisées qui sont frappées de façon disproportionnée par ces décès que l’on pourrait éviter.
Nous nous efforçons de donner corps à la couverture sanitaire universelle et à la responsabilisation, de nous attaquer à toutes les causes de mortalité maternelle et de problèmes de santé, et de renforcer les systèmes de santé afin qu’ils recueillent des données de qualité et répondent aux besoins et aux priorités de toutes les femmes et de toutes les filles.
Il ne nous reste que sept ans pour atteindre les cibles des ODD. Nous devons redoubler d’efforts pour encourager et redynamiser les engagements mondiaux, régionaux, nationaux et communautaires. Combien d’autres femmes comme Zainab et Sha-Asia devront-elles mourir alors qu’elles auraient pu vivre, avant que notre message soit entendu ? Nous avons une solution : investissons dès à présent, protégeons les droits et exigeons des changements. C’est à ce prix que nous mettrons fin une fois pour toutes à une mortalité maternelle qui pourrait être évitée.
Les auteurs :
-Très Hon. Helen Clark est présidente de PMNCH (plus grande alliance mondiale pour la santé et le bien-être des femmes, des enfants et des adolescents) et ancienne Première Ministre de la Nouvelle-Zélande.
- Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus est le Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé.