En cette année 2010, marquant la date de célébration du cinquantenaire du Sénégal, chaque citoyen doit se réjouir d’être officiellement débarrassé du joug colonial depuis un demi- siècle. Toutefois, au-delà des réjouissances, il nous incombe de mener des analyses objectives, éclairées de tout le chemin parcouru en ne négligeant aucune dimension de la manifestation de notre souveraineté. A cet égard, il est apparu important de passer aux feux de l’analyse le contenu de notre devise pour essayer de jauger l’état d’évolution de la République sénégalaise.
La devise de notre chère patrie, le Sénégal nous exhorte d’être un et indivisibles, de regarder tous dans la même direction car mus et habités par un idéal, une conviction, une croyance unique devant aboutir, à terme, à un développement harmonieux et durable.
Mais aujourd’hui, force est de constater que ce référentiel qui devait être le point de mire, l’horizon de la marche de tout un peuple est en train de s’obscurcir si, il n’est pas déjà hors de vue des « homo sénégalensis » (espèce en état de métamorphose avancé). Les indicateurs, autorisant une telle observation, marquent notre existence de tous les jours et, vouloir les énumérer exhaustivement s’annonce comme une tâche ardue. C’est pourquoi, nous en choisirons quelques uns d’évidence apparente et perceptibles par le commun d’entre-nous.
D’abord, l’épineux et ambigu dossier casamançais vient, à l’aube des années 1980, mettre en péril la volonté commune des Sénégalais de constituer un peuple au dessus de tout clivage d’ordre ethnique, tribal, confessionnel, etc… Bien que, l’appartenance à l’époque coloniale, à une même aire d’influence occidentale, semble être contestée par certains rebelles du mouvement irrédentiste qui en ont fait leur cheval de bataille.
Cependant, la certitude qui demeure est, qu’on est sans conteste sénégambiens, sahéliens, subsahariens, ouest-africains, africains. Avec tous les maux, souffrances, injustices accompagnant ces qualificatifs : esclavage, colonialisme, racisme, guerres tribale et ethnique, génocides, calamités naturelles,…
Ensuite, les politiques menées de 1961 à l’année 2000 n’ont pas milité en faveur de l’émergence d’un peuple uni, fort, dévoué à une même et juste cause d’aller de l’avant. En effet, les premiers acteurs politiques n’ont pas su faire les choix que leur dictaient les réalités de l’aire post-indépendance.
C’est à dire, leurs plans et schémas de développement, même, s’ils définissaient, en théorie, clairement les termes de référence du modèle de développement à promouvoir, ont vite fait de montrer leurs limites, appliqués à des hommes et des milieux physiques dont les points de vue et les réactions ont été négligés. Résultats, l’espace sénégalais s’est développé avec un déséquilibre et des disparités privilégiant la capitale au détriment de l’écrasante majorité de la nation.
Conséquences, une frange importante de la population, surtout rurale, se sent marginalisée et privée de divers services dont l’offre dépend de la sphère de compétences de l’Etat : santé, éducation, sécurité, information,… De cet état de fait, naquirent des frustrations, des protestations, des impressions d’être plus proches d’un Etat frontalier que du sien.
En 2000, survint une alternance politique et en dépit de l’énorme espoir de changement de cap suscité chez les Sénégalais de tous bords, des milliards injectés et des multiples projets initiés, les politiques ne parviennent toujours pas à impulser le tempo requis pour assurer un développement ou progrès cohérent, équilibré et durable. Par contre, le sentiment le mieux partagé chez les populations sénégalaises est la déception.
En effet, les nouvelles autorités étaient attendues moins sur le nombre exponentiel de projets et tentatives d’introduction de stratégies innovantes que sur des réformes en profondeur tendant à réformer les « vieux » esprits, « tuer le vieil homme qui dort en nous » et partant impacter sur les comportements, les réflexes et actions aptes à placer définitivement le Sénégal dans les rampes du progrès économique et social.
En sus de ces dysfonctionnements et ratés dans les politiques de développement, la mollesse affichée dans la conduite des affaires locales, par les premières autorités étatiques et celles actuelles, a abouti à l’irruption d’une crise d’autorité sans précédent, ayant comme corollaire l’anarchie ambiante. Etat avancé de désorganisation sociale qui a conduit aujourd’hui beaucoup de pays vers le chaos et la désolation.
C’est cet anachronisme chronique qui rend, fondamentalement, aléatoire toute action intentée dans le sens de l’amélioration des conditions de bien-être du peuple sénégalais. Pour preuve, les actes d’incivisme quotidiens (dépôts sauvages d’ordures, non respect des biens publics, conduites routières à l’emporte-pièce, constructions irrégulières, extraction illicite de sable marin…), le fait de vouloir se substituer au législateur (évènements de Cambérène, Bargny, Ouakam, Kédougou, Vélingara ; édification par les populations de « dos d’ânes » ou creusement de tranchées sur les routes ; zones érigées en no man’s land selon le simple vouloir de ses résidents,…).
Au regard de ces récurrents faits et agissements douloureux, comment pourrait-t-on avec de tels comportements, foulant au pied l’ordre primaire préétabli, espérer former un peuple homogène car se respectant et animé par les mêmes idéaux nobles de paix, de justice, d’équité et de progrès ?
Dès lors, notre BUT, l’aspiration à des lendemains meilleurs, faits de conditions d’existence sociales, économiques, politiques des plus optimales et décentes, s’éloigne de nous. Et, si ces préalables, ces bases du progrès et du bien-être s’édifient âprement, que va-t-il en advenir de l’objectif de développement ? Déjà, notion aux contours et au contenu difficilement maîtrisables.
Toutefois, dans la tryptique (peuple, but, foi), le dernier élément de l’ensemble, la foi revêt un cachet d’une importance capitale. En effet, la dernière composante de la devise, à savoir, « une FOI », renvoyant à la croyance en un Dieu pour l’ensemble des sensibilités religieuses, se présente comme une lueur d’espoir pour le pays. Dans la mesure où, toutes les religions révélées recensées au Sénégal : musulmane essentiellement et chrétienne, prêchent pour la promotion de nobles vertus : paix, discipline, tolérance, entraide,…conditions sine qua non pour asseoir et impulser un développement durable et sain.
Aussi, FOI laisse supposer croyance en des dogmes ; autrement dit, en une ligne de conduite à observer obligatoirement par tous. Par conséquent, un peuple de croyants est en mesure et doit aisément œuvrer pour son bien-être, son plein épanouissement et sa prospérité car ayant appris à se discipliner.
Toutefois, paradoxalement, ce but tarde à être atteint au Sénégal alors que, l’évolution du monde de par ses tendances à la « mondialisation » et à la globalisation, en résumé à un mouvement d’ensemble, confirme la pertinence et la justesse de notre devise.
Pour imager, nous détenons la bonne recette et les formules exactes ; seulement, il nous reste à opérer les dosages adéquats avec la bonne alchimie qui nécessite des chimistes qualifiés et chevronnés qui nous éviteraient la mise en association de réactifs ultra explosifs et suicidaires pour leur emploi.