Le bus couvert de dessins de soldats et de statues s’engouffre dans la cour de l’école Sainte-Marie de Hann, quartier résidentiel de Dakar. A peine le moteur coupé, le véhicule est pris d’assaut par une foule de curieux. Abdallah, un collégien, songe immédiatement aux « Diambars », surnom donné aux soldats sénégalais. Ce jeune de 13 ans, qui immortalise le bus en le photographiant avec son téléphone portable, veut « connaître l’histoire de l’armée nationale ».
Le sergent-chef Ismaëla Diatta, conservateur du muséobus des forces armées, réunit les élèves par petits groupes. Ce militaire, formé à l’Ecole du Patrimoine africain de Porto-Novo, veut d’abord mesurer le savoir de ces jeunes. « Cette année, lance-t-il d’un ton solennel, nous célébrons le centenaire de quelque chose d’important… De quoi s’agit-il ? », demande-t-il à une vingtaine de lycéens surexcités. « La Guerre d’Algérie », « L’invasion allemande », « La Guerre froide ! ». Les réponses fusent de toutes parts. Mais aucun élève ne parvient à deviner la bonne date. « La Première Guerre mondiale », finit par répondre le sergent-chef Diatta.
Le corps de Laptot
Inébranlable, le conservateur plonge les lycéens dans l’histoire des Tirailleurs sénégalais. Il remonte jusqu’en octobre 1765, date à laquelle fut créé le corps de Laptot de l’île de Gorée*. « Cette milice non professionnelle, rappelle le sergent-chef Diatta, avait pour but de défendre les comptoirs européens ». Puis le conservateur explique aux élèves que le premier corps de Tirailleurs sénégalais fut créé le 21 juillet 1857 et rattaché à l’Empire colonial français.
A l’intérieur du bus, le conservateur illustre son récit en décrivant, modèles à l’appui, l’équipement des Tirailleurs : il y a la fameuse chéchia rouge, que les Tirailleurs portaient sur leur tête, des fusils, des gourdes etc... Le sergent-chef Diatta raconte quelques anecdotes sur leurs conditions de vie au front, les maladies, ainsi que les liens épistolaires que maintenaient les Tirailleurs avec leurs familles. « Nous utilisons cet outil pédagogique pour partager la mémoire des combattants », affirme le conservateur du muséobus, qui circule dans les écoles depuis 2008.
Au milieu de grands panneaux résumant les principaux fronts de la Première et de la Seconde Guerres mondiales, Mamadou Bocar Sy, élève en classe de troisième, exprime un fort sentiment de fierté. « Mes deux grands-pères sont partis en France pour faire la Première Guerre mondiale », raconte l’adolescent à ses camarades. « Je suis fier, ajoute-t-il, parce qu’ils ont aidé la France. Ils ont réussi à gagner la guerre. Ils étaient tirailleurs, ensuite ils sont devenus officiers ».
L’exposition suscite débats et récits imaginaires entre élèves. Pour ces jeunes, les Tirailleurs étaient des « héros ». Tous repartent avec le sentiment d’avoir appris quelque chose de concret. Car sur le fond, les élèves ont le sentiment d’apprendre peu sur ce chapitre à travers leurs manuels scolaires. « Ce qu’on nous apprend sur l’histoire de l’Afrique, c’est peu par rapport à ce qu’on nous enseigne sur l’histoire de l’Europe, regrette Marie-Rose Sarr, élève en classe de terminale scientifique. Pourquoi ne nous apprend-on pas davantage sur notre histoire ? s’interroge la jeune lycéenne dont l’arrière-grand-père fut Tirailleur durant la Première Guerre mondiale. On apprend les conséquences de la Guerre Mondiale en Afrique, en Angleterre, etc... Mais à l’école, poursuit-elle, on nous parle très peu des Tirailleurs. On ne nous parle pas des vaillants Sénégalais qui ont fait quelque- chose dans l’histoire du pays».
« Je ne connaissais pas l’histoire des Madames Tirailleurs », reconnaît de son côté Mouhamadou Kébé, élève en classe de 3ème bilingue. « Lorsqu’elles ont été envoyées sur le front, précise-t-il, elles cuisinaient et servaient d’appui à la logistique ».
Portion congrue
Au Sénégal, les deux conflits mondiaux sont enseignés en fin de cursus au collège (en classe de 3ème) et au lycée (en classe de 1ère et de terminale). Selon un document parcouru par nos soins, les enseignants doivent insister sur les raisons du conflit et ses conséquences de manière générale. « La Grande Guerre a toujours été enseignée de manière globale, relève Mamadou Koné, le secrétaire général de l’association des professeurs d’histoire-géographie du Sénégal. Il y a une portion congrue consacrée aux Tirailleurs », regrette cet enseignant.
* L’île de Gorée, au large de Dakar, fut au XVIIe siècle, un comptoir hollandais, avant de devenir un symbole de la traite négrière.
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