Une affaire DSK qui contrarie l'Afrique

Même si elle est guinéenne, la victime présumée de Strauss-Kahn ne reçoit guère de soutien dans la presse africaine. Souvent sexistes, les idées reçues ont la vie dure.



En France, le soutien très affiché d’une multitude d’intellectuels à l’égard de Dominique Strauss-Kahn (DSK) a suscité la polémique. A propos de la tentative de viol dont se serait rendu coupable l’ex-directeur du Fonds monétaire international (FMI) le 14 mai à New York, le socialiste Jack Lang a eu cette formule qui a fait couler beaucoup d’encre: «Il n’y a pas mort d’homme.» Tandis que le journaliste Jean-François Kahn parlait de «troussage de domestique».

Mais la vision de cette affaire est-elle si différente en Afrique? La solidarité vis-à-vis de la victime présumée, Nafissatou Diallo, est-elle plus grande? Difficile à croire. A lire la presse africaine, il semble bien que la sympathie ne va pas toujours à la victime présumée. Alors même que Nafissatou Diallo a grandi en Guinée et que sa mère vit au Sénégal, la presse ouest-africaine n’est pas forcément de son côté. En tout cas, elle ne se montre pas tendre avec la victime présumée. Avant même qu’elle n’ait été entendue, le doute s’est insinué. Où est-elle? Qui est-elle? Faut-il croire ce qu’elle a raconté à la justice américaine ou se qu’elle s’apprête à dire à la barre?

Ainsi le quotidien burkinabè Le Pays s’agace de l’attitude des médias et de la justice américaine:

«Le nouvel avocat de Nafissatou Diallo n’en démord pas. Dominique Strauss-Kahn est bel et bien le diable incarné qui a souillé une innocente et pieuse femme… Ils n’ont pas tort, les avocats de DSK, d’en appeler à un recadrage des choses. Leur client a déjà été jugé et condamné par la rue. Il a beaucoup souffert dans sa chair de tous ces articles de presse insultants, de ces manifestations partisanes et de cette théâtralisation de la justice, qui ont mis à mal la présomption d’innocence. Pendant ce temps, aucune trace de la présumée victime, cette belle et vertueuse femme, telle que décrite par ses thuriféraires.»

Dans un article intitulé «Qui est celle qui a dit non au patron du FMI?», L’Intelligent d’Abidjan s’interroge: «Mais qui est cette audacieuse femme qui prend ainsi le risque de jeter dans le pétrin l’illustre personnalité qu’est DSK?» Le quotidien ivoirien de conclure:

«En réalité, Nafissatou n’a pas porté plainte elle-même. C’est la procureure du tribunal qui l’a fait. La silhouette de 1m80, la jeune Nafissatou Diallo pourrait être le fusible d’une sale conspiration. Qu’on y prenne garde à moins de vouloir prendre des vessies pour des lanternes.»

"Ces femmes immigrées ne sont pas sérieuses"

En Afrique comme en France, il faut bien se rendre à l’évidence: la parole d’une femme, pauvre et noire, n’a pas forcément la même valeur que celle d’un homme blanc, riche et instruit. «Comment gagne-t-elle vraiment sa vie? Ces femmes immigrées ne sont pas sérieuses. Elle était seule avec sa fille. Ces femmes immigrées ont souvent la cuisse légère dès lors qu’elles sont séparées de leur mari», affirme Souleymane, un universitaire ouest-africain, reprenant ainsi un cliché très courant sur le continent.

«Dès lors qu’elle est coupée de sa communauté d’origine, l’immigrée commence à goûter à la liberté sexuelle immodérée offerte par l’Occident. Et bien souvent, elle n’hésite pas à monnayer ses charmes», affirme Ibrahima, un enseignant guinéen.

Les immigrés sont fréquemment regardés avec suspicion. Tout comme l’origine de leur «fortune» supposée.

La presse africaine relaie d’autant plus facilement ces idées reçues que les postes à responsabilité sont le plus souvent occupés par des hommes dans les rédactions. Comme dans le reste de la société. Alors que je demandais à un directeur de rédaction pourquoi il avait aussi peu de femmes dans son journal, il m’a répondu: «Nous, les femmes on les préfère à la cuisine.» Bien sûr, il existe des exceptions. Mais il faut bien se rendre à l’évidence, dans nombre de pays du continent, les scandales sexuels et les abus de pouvoir des hommes ne scandalisent pas toujours. Ils sont même très répandus dans de nombreux secteurs de la société sans pour autant provoquer des tempêtes médiatiques.Lire la suite sur slateafrique


Mardi 7 Juin 2011 17:04


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