Objectif New York : c’est le cap que se sont fixés ce jeudi 29 janvier à Addis-Abeba les chefs d’Etat africains confrontés à la menace Boko Haram. Le mois prochain, l’Union africaine va donc saisir officiellement le Conseil de sécurité des Nations unies, pour lui demander d’apporter, à travers un fonds dédié, un trust fund, une aide logistique et financière à la force multinationale africaine de quelque 7 500 hommes, qui sera appelée, selon la présidente de la Commission de l'Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, à combattre Boko Haram.
L’Union soutient l’initiative de la commission du bassin du lac Tchad, c’est-à-dire l’idée d’une force multinationale mixte comprenant le Nigeria, le Tchad, le Cameroun, le Niger et le Bénin. C’est ce qu’ont décidé la quinzaine de chefs d’Etat réunis au sein du Conseil paix et sécurité, une décision qui devrait ensuite être avalisée par l’Assemblée des chefs d’Etat et de gouvernement ces vendredi et samedi. Le Nigeria et ses voisins ont en effet réussi à se mettre d’accord sur une position commune, après des mois de défiance et d’incompréhension.
Le président tchadien Idriss Déby avait décidé, il y a quelques semaines, d'envoyer des troupes au Cameroun pour soutenir l'armée camerounaise qui fait face à des attaques de la secte. « Ne demander pas à chaque fois à l’ONU ou à la France ou à un autre pays européens de résoudre les problèmes en Afrique. L’Afrique a des capacités, des moyens, des hommes, il suffit simplement d’avoir la volonté, fait-il valoir. C’est à cela que nous devrions réfléchir en tant que dirigeants Africains : mettre en commun l’ensemble de nos moyens et faire face à ce défi colossal, important, sécuritaire, humanitaire. »
Rassurer les bailleurs de fonds
Les Nations unies financent cependant déjà l’opération africaine en Somalie, et celle au Darfour (Soudan). Et alors que l’ONU envisage de réduire l’effectif et le nombre de ses opérations de maintien de la paix, va-t-elle accepter de fournir des fonds pour soutenir une force dont elle ne maîtrise pas les contours ? Comme l’expliquait le ministre nigérian des Affaires étrangères, Aminu Bashir Wali, à la sortie de la réunion du Conseil paix et sécurité, il va falloir rassurer les éventuels bailleurs de fonds :
« Les pays de la Commission du bassin du lac Tchad se sont mis d’accord sur un nouveau mécanisme appelé la force internationale conjointe. (...) Ce n’est pas que l’armée nigériane ne se bat pas. Elle le fait. Mais combattre dans le cadre d’une guerre conventionnelle, c’est une chose. La guérilla, la lutte contre le terrorisme, c’est autre chose. Les forces armées conventionnelles ne sont pas particulièrement adaptées pour faire face à ce type de conflit. (...) Mais l’armée nigériane est capable de faire face et de vaincre Boko Haram. »
L’Union africaine veut se donner le temps de bien définir les règles d’engagement de sa force anti-Boko Haram. Des règles qui se veulent les plus strictes possible, afin d’épargner les victimes civiles et ne pas commettre les mêmes bavures meurtrières que l’armée nigériane. « Qu’allons-nous faire des civils ? Quelles sont les règles d’engagement ? Il y a des tas de questions assez détaillées auxquelles s’intéressent les personnels des Nations unies et auxquelles il faut faire face à travers un texte qui doit être minutieusement étudié », explique le ministre des Affaires étrangères du Niger Mohamed Bazoum.
Des experts africains se réuniront à Yaoundé, du 5 au 7 février prochain, pour définir les détails opérationnels de la force internationale mixte. Ce n’est donc qu’après cette rencontre que l’Union africaine saisira formellement New York, avec l’espoir que les Occidentaux, une fois rassurés sur le mode d’action de la force, mettront la main à la poche pour alimenter le fonds. L’UA a des hommes, mais elle manque de moyens.
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