Vice-présidente du Sénégal : l’équation du profil

Les femmes sénégalaises pourraient revenir en force dans l’appareil d’Etat après la décision du président de la République de renforcer leur présence dans les institutions. Le poste de vice-présidente est en jeu pour la gent féminin. Les ambitions ne manqueront pas du côté de la Mouvance présidentielle, surtout si le choix obéit aux critères de poids politique ou de parcours universitaire. La situation est identique du côté de la société civile et de l’opposition même si les états majors de Bennoo Siggil Senegaal écarte toute participation à un gouvernement de Wade. Les tractations sont en cours.



Mme Awa Diop présidente du Mouvement national des femmes du Parti démocratique sénégalais (PDS), Aminata Tall, secrétaire général démissionnaire de ce poste, Mme Awa Ndiaye, ancienne ministre de la Famille, de l’entreprenariat féminin et de la microfinance... Elles sont légion, ces femmes libérales qui occupent les premiers rôles dans la mobilisation des militants pendant les meetings et autres rassemblements. Elles sont également assez nombreuses, ces femmes qui, hormis la capacité de mobilisation occupent des postes stratégiques. Toutefois, ce rôle les confère-t-elles la légitimité ou le poids pour occuper le poste de vice présidente de la République ? Du côté de l’opposition ou de la société, les bons profils ne manquent pas? Mais Wade va-t-il armer ses adversaires aux élections présidentielles de 2012 ? En tout cas, lors de son discours à l’occasion du 49ème anniversaire de l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale, il a annoncé sa décision de renforcer la place des femmes dans les institutions. A cet effet, il affirme avoir engagé des consultations pour laisser aux femmes le choix entre le poste de Premier ministre et la vice-présidence de la République.

Ce qui serait une promotion de plus pour les femmes sénégalaises qui, l’indépendance à nos jours, ont joué des rôles déterminants sur le champ politique sénégalais. Rose Basse qui fait partie des Sénégalais qui ont accueilli avec des pancartes le Général De Gaulles en 1956, Caroline Faye, député de 1963 à 1968, Awa Dia Thiam, député de 1968 à 1973... La liste n’est pas exhaustive.

Mame Madior Boye, Premier ministre

L’alternance politique intervenue en mars 2000 a ouvert une nouvelle page pour les femmes sénégalaises. Pour la première fois une d’entre-elles accède à la primature : Mame Madior Boye qui remplace Moustapha Niasse, le premier chef du gouvernement de l’alternance, le 03 mars 2001, à quelques semaines des élections législatives. Mame Madior Boye qui ne se réclamait d’aucune chapelle politique s’était engagée à réaliser les chantiers définis par le président de la République. Une mission assez réussie si on en juge aux propos du chef de l’Etat, lors de son discours à la nation en 2003. « Les investissements agréés en 2002 ont largement dépassé ceux des années précédentes, le taux d'investissement se situant à 19,6 % en 2002, projeté à 20,1% en 2003 et devant se situer entre 25 et 30 % à l'horizon de trois ans », déclarait Me Wade. Il soulignera également que le gouvernement de Mame Madior Boye a fait d’importantes réalisations notamment dans le domaine de la lutte contre la pauvreté. Malgré son résultat jugé positif, Mame Madior Boye quitte le gouvernement le 5 novembre 2002. La gestion de la catastrophe du « Joola » qui a emporté 1863 personnes fait partie des faits qui ont précipité son départ du gouvernement.

Les femmes libérales

Le goût a été sans doute inachevé pour les femmes. Des responsables ont même déploré « le manque de pouvoir de décision » de l’ex Premier ministre. Les femmes peuvent-elles rebondir à la tête du gouvernement avec la perche tendue par le président de la République ? Parmi les femmes libérales du champ politique, Mme Aminata Tall totalise plus d’expériences gouvernementales. Elle fait partie de ceux qui accompagnaient Me Wade opposant d’alors dans les gouvernements de Abdou Diouf. Elle a occupé depuis l’alternance les postes de Ministre des Collectivités locales, ministre d’Etat auprès du président de la République puis député à l’Assemblée nationale. Mais sa défaite, dans son fief, à Diourbel, pendant les élections locales peut être un handicap pour elle. La décision prise par ses partisans de geler leurs activités jusqu’à une rencontre au sommet entre leur leader et le secrétaire général du PDS viserait à faire monter les enchères. Sa camarade de parti, Awa Diop, présidente du Mouvement national des femmes a certes gagné à Rufisque. Elle est montée au créneau dès les premières heures de la percée de l’opposition au scrutin du 22 mars pour demander au président de la République de se séparer de son entourage qui, selon elle, est à l’origine de la débâcle à cause « des mauvaises investitures ». La réplique des femmes libérales des 19 Communes d’arrondissement de Dakar qui minimise sa victoire dans une « petite commune de Rufisque » semble baisser son hardiesse. Ancien ministre déléguée auprès du Premier ministre sous Macky Sall, elle traîne l’handicap d’un Cv qui ne serait pas costaud. Autres libérales à l’affût, Mme Aïda Mbodji et Innocence Ntab Ndiaye. La première a détrôné Pape Diouf de Rewmi à Bambèy. La deuxième fait partie de l’équipe du secrétaire général de la section communale PDS de Ziguinchor, Abdoulaye Baldé qui a déraciné le « Baobab », Robert Sagna. Ancienne ministre d’Etat, ministre de la Fonction publique, Mme Innocence Ntap Ndiaye qui se réclame de la Génération du Concret a demandé au leader de ce mouvement Karim Wade de prendre du recul pour revenir en force en 2012. Peut-elle parrainer un retour du président de l’Anoci dans le combat pour la succession ? Le leader du PDS jugera. Aïda Mbodji a de son côté opté pour une base politique. Après sa victoire, intervenant lors de l’émission « Diné Ak Diamono » de nos confrères de Walf Tv, le responsable libéral de Bambèy a dit qu’une base politique est essentielle pour un leader. Hormis sa base politique, elle jouit d’une expérience dans le domaine de la mobilisation des femmes à travers le stratégique ministère de la femme.

La piste des femmes technocrates

L’occupante de ce poste, Mme Awa Ndiaye n’a certainement pas dit son dernier mot. Même battue à Saint-Louis, elle est silencieuse depuis la fin des élections. Son statut d’universitaire est un atout pour elle. De même que l’ancienne ministre Marie Pierre Sarr Traoré. Sur les ondes de la Rfm, elle a salué la décision du président de la République. Pour Mme Traoré, le Sénégal compte des compétences pouvant occuper ce poste. D’autres profils sont à l’affût au PDS…Même si elle ne s’est pas engagée sur le terrain politique, la Directrice de l’APIX, Mme Aminata Niane monte en puissance dans l’appareil d’Etat. L’APIX est au cœur de la réalisation de l’un des grands projets du président de la République : l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio.

Du côté de l’opposition, les cadres féminines ne manquent pas. Mais force est de reconnaître que les femmes de l’opposition se sont distinguées au milieu des hommes pendant les élections locales. Conduite par Mme Aïssata Tall Sall, la liste de la Coalition Bennoo Siggil Sénégal est sortie vainqueur des élections locales dans la commune de Podor. La «lionne» du Ndoucoumane, Mme Mata Sy Diallo a fait de bons résultats à Kaffrine même si elle a perdu le conseil régional de cette collectivité locale. Mme Aminata Mbengue Ndiaye a retrouvé son fauteuil de maire de Louga devant la Coalition Sopi, une liste citoyenne conduite par l’économiste Moubarack Lô. Invitée récemment de l’émission Dianobo sur la radio Sud Fm, Aminata Mbengue Ndiaye a salué la décision du chef de l’Etat de nommer une femme Premier ministre. « Me Wade a une bonne vision de la parité », affirme-t-elle. Mais, relativise le responsable socialiste, « sa volonté peine à être concrétisée ». Elle a rappelé le texte initial qui prévoyait la parité sur les différentes listes. Selon elle, Me Wade avait proposé que la parité soit appliquée uniquement sur les listes proportionnelles. Finalement la loi a été déclarée anti-Constitutionnelle et n’a pas pu être promulguée.

Mme Aminata Mbengue Ndiaye opte pour la nomination d’une femme qui aura un pouvoir de décision. « Si l’on arrive une nouvelle fois à avoir une femme comme chef de gouvernement, celle-ci doit avoir un pouvoir de décision afin d’impulser une politique de genre au niveau des différentes institutions du pays », affirme-t-elle. La socialiste désapprouve la création d’un poste de vice-président, soulignant que le Président de la République doit passer par un référendum ou par l’Assemblée nationale. Son audience avec le président de la République a suscité beaucoup d’interrogations. Tout comme le face-à-face annoncé entre Me Wade et Me Aissata Tall Sall. Son alliée de l’opposition, Mme Elène Tine, porte-parole de l’Alliance des forces de progrès (Afp) n’est manifestement pas intéressée par l’annonce du président de la République. « Il faudrait qu’il accepte la réalité et instaure un dialogue politique au lieu d’instrumentaliser les femmes en soulevant le poste de vice présidence ou de Premier ministre ou du statut de l’opposition en espérant casser Bennoo Siggil Sénégaal», dénonce-t-elle.

Le projet de loi constitutionnelle portant création du poste de vice-président du Sénégal a été voté par le conseil des ministres le jeudi 30 avril dernier. Il va passer à l’Assemblée nationale et au Sénat en procédure d’urgence. Pratiquement, il n’y a aucun obstacle qui se dresse devant cette loi, elle devra passer comme lettre à la poste comme les autres initiées par le gouvernement ou un élu de la majorité.

Issa Ndiaye

Mardi 5 Mai 2009 09:20


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