En 2001, après l’alternance, une nouvelle constitution est adoptée par voix référendaire à 94%. Cette nouvelle constitution n’a pas non plus réduit à première lecture les pouvoirs du Président de la République. Au contraire, elle les aurait même renforcés selon la perception que l’on s’en fait. Depuis 2001, la quintessence de cette constitution votée par le peuple est passée à la trappe des révisions en fonction du climat politique du moment. Le mandat présidentiel ramené de 7 à cinq ans par le peuple souverain de 2001 a été révisé par les parlementaires pour repasser à 7 ans sans effet rétroactif. Le nombre de députés ramenés de 140 à 120 lors du référendum de 2001 est repassé à 150 par la seule volonté des parlementaires obéissant à la volonté du Patron de l’exécutif. Le Sénat et le conseil économique et social supprimés de la constitution de 2001 sont revenus par la fenêtre des mêmes parlementaires suivant la volonté du maître. Grosso modo, la constitution adoptée par le peuple sénégalais en 2001 aura donc subi des révisions par voix parlementaire qui ont fini par en dénaturer le substrat. Beaucoup plus de pouvoirs y sont entre les mains de l’institution Président de la République qui, en réalité donne l’impression de coiffer le judiciaire et le sénat (nommé au trois quarts) tout en ayant aussi le pouvoir de dissolution de l’assemblée nationale unique institution issue d’un suffrage réellement universel. Une institution née du suffrage universel peut en rayer une autre issue du même suffrage.
Au plan judiciaire, aujourd’hui, la constitution donne au Président de la république le pouvoir de nommer les membres du conseil constitutionnel (article 89), et les magistrats après avis du conseil supérieur de la magistrature ou du conseil supérieur de la cour des comptes (article 90). N’en déplaise aux zélateurs haut-parleurs, l’exécutif tient par ce biais le judiciaire et le Sénégal gagnerai à une évolution de cette situation. Cette évolution ne devrait certes pas consacrer une sorte de République des juges mais devrait tendre vers plus d’équilibre et de marge de manœuvre du judiciaire vis-à-vis de l’exécutif par essence politique. Le Sénégal a assez vécu d’expériences pour pouvoir trouver enfin un équilibre consensuel à la seule condition que la réflexion dépasse les intérêts individuels. Nous devons rompre avec les lois faites pour les vainqueurs du moment et les juges doivent par la pratique marquer un peu plus le territoire de leurs institutions. Comprennent-ils leur mission historique dans ce Sénégal en mutation ?
Au niveau de l’exécutif, l’article 42 de la constitution actuelle donne au Président de la République le seul pouvoir de déterminer la politique de la nation. En l’état actuel de notre constitution, l’article 49 dispose aussi que le Président de la république nomme le Premier Ministre et les ministres et met fin à leurs fonctions. La même constitution dispose en son article 53 que le Premier Ministre est responsable à la fois devant le Président de la République et devant le parlement qui, a la possibilité de faire tomber tout gouvernement par vote d’une motion de censure selon les dispositions de l’article 86. A la lecture de tous ces articles équilibristes, on est tenté de se demander dans quelle institution se trouve le véritable siège du pouvoir exécutif. Jusque là, le soit disant régime présidentiel de 1963 renforcé en 2001 n’a pas connu le scénario d’une opposition majoritaire au parlement raison pour laquelle, nous vivons une sorte de stabilité avec un chef à la fois du parti, de l’Etat et, de tout l’exécutif. Demain, si une opposition gagne les législatives et impose de fait son Premier Ministre, qui devra légitimement déterminer la politique de la nation ? Le Président de la république ou le Premier Ministre ? Comment un Président élu pourra demain prétendre déterminer la politique de la nation et nommer et dégommer les ministres dans un contexte de cohabitation avec une opposition majoritaire au parlement ? Les chantres du type de régime actuel savent pertinemment que le semblant de stabilité institutionnelle dont ils parlent ne concerne que le scénario d’un Président dont le parti est majoritaire au parlement. Ce scénario peut changer.
Le régime sénégalais actuel tel que défini dans le texte constitutionnel résistera difficilement à la première cohabitation sauf si, en face, nous avons la chance d’avoir affaire à un Président dont la sagesse sera telle qu’il saura faire preuve de hauteur pour sauvegarder l’honneur et l’esprit de la République. Nous n’en sommes pas là mais, dans le cadre d’une cohabitation, l’article 87 de la constitution qui permet au Président de la République de dissoudre l’assemblée nationale après deux ans de législature ne pourra être utilisé indéfiniment et, un vice-président avec des pouvoirs donnés directement par le même Président ne pourra certainement pas contourner le Premier Ministre ad vitam æternam.
En réalité, le régime dit présidentiel sénégalais actuel n’en est pas un si l’on se réfère aux dispositions de la constitution. C’est une variante du parlementarisme maquillé par des pouvoirs exceptionnels donnés au Président de la République de nommer les deux tiers des sénateurs parlementaires (article 60), d’être chef de parti politique (article 38), de nommer les magistrats (articles 89 et 90), de choisir demain un Vice-président à qui il pourra donner une partie des pouvoirs que le référendum lui a conférés. Ceci n’est pas une norme qui répond aux standards démocratiques modernes. C’est une trouvaille sénégalaise que nous devons dépasser.
Nous sommes en face d’un type de régime parlementaire hybride, conjoncturel non classique qui ne répond plus aux exigences de la modernité et de l’irréversibilité de la démocratie participative. Nous devons tailler une constitution solide pour les générations futures et non pour les maîtres du moment.
C’est en cela que les axes de réflexion posés par la charte de gouvernance démocratique des assises nationale sont importants et méritent plus de respect et d’approfondissements. Il est indécent de rejeter en bloc avec une véhémence ubuesque la teneur de cette charte impersonnelle et patriotique en brandissant le spectre des événements de 1962. La charte n’est pas une panacée mais c’est déjà une piste de réflexion sérieuse. Le Sénégal a récemment permis aux hommes et femmes politiques mauritaniens de s’entendre sur un minimum pour la stabilité de leurs institutions. Il est temps pour nous de trouver un consensus sur une constitution qui dépasse les querelles et ambitions politiques si nous voulons renouer avec notre statut de modèle démocratique en Afrique et asseoir une stabilité à toute épreuve.
En définitive, le type de régime parlementaire est nécessaire pour servir de relais à la démocratie participative sine qua non pour notre développement. L’essentiel est de préciser les champs d’action des uns et des autres dans une constitution dont l’âme ne devrait plus être révisée en fonction de la volonté du maître. Les assises nationales ont déjà défriché le champ de la réflexion. A nous d’apporter la semence pour que vive la République. Républicains de tous les partis unissez-vous pour la République !
Pour les générations futures, il est temps de sortir du vrai faux régime présidentiel actuel qui n’est opérationnel que le temps d’une symbiose entre le Président de la République et la majorité parlementaire avec les dérives que l’on connait. Demain, les citoyens ne mettront pas forcément tous les œuf dans le même panier. Ils seront tentés de choisir un Président de la République tout en donnant l’assemblée à l’opposition. Ce sera une manière référendaire d’obliger à la limitation des pouvoirs. Avec ce scénario, aucun subterfuge politique même par voix constitutionnelle ne permettra à un Président de la République de tout régenter sauf à sortir des frontières démocratiques.
En allant tout de suite vers le parlementarisme véritable et sans masques nous anticiperons sur ce scénario. Un Président de la République doit être au dessus de la mêlée même s’il est venu au pouvoir par le biais de cette même mêlée. C’est au gouvernement de gérer la nation sous le contrôle d’un parlement stable et lucide. Le Président d’une République est une institution de stabilisation et de garde de la constitution. Ce n’est pas une institution qui gère le quotidien.
Le régime actuel devrait avoir la sagesse et la hauteur d’aller tout de suite vers cette voix irréversible d’un parlementarisme sain. Cela ne fera que nous faire gagner du temps vers cette issue irréversible.
Mamadou NDIONE
Mandione15@gmail.com
Au plan judiciaire, aujourd’hui, la constitution donne au Président de la république le pouvoir de nommer les membres du conseil constitutionnel (article 89), et les magistrats après avis du conseil supérieur de la magistrature ou du conseil supérieur de la cour des comptes (article 90). N’en déplaise aux zélateurs haut-parleurs, l’exécutif tient par ce biais le judiciaire et le Sénégal gagnerai à une évolution de cette situation. Cette évolution ne devrait certes pas consacrer une sorte de République des juges mais devrait tendre vers plus d’équilibre et de marge de manœuvre du judiciaire vis-à-vis de l’exécutif par essence politique. Le Sénégal a assez vécu d’expériences pour pouvoir trouver enfin un équilibre consensuel à la seule condition que la réflexion dépasse les intérêts individuels. Nous devons rompre avec les lois faites pour les vainqueurs du moment et les juges doivent par la pratique marquer un peu plus le territoire de leurs institutions. Comprennent-ils leur mission historique dans ce Sénégal en mutation ?
Au niveau de l’exécutif, l’article 42 de la constitution actuelle donne au Président de la République le seul pouvoir de déterminer la politique de la nation. En l’état actuel de notre constitution, l’article 49 dispose aussi que le Président de la république nomme le Premier Ministre et les ministres et met fin à leurs fonctions. La même constitution dispose en son article 53 que le Premier Ministre est responsable à la fois devant le Président de la République et devant le parlement qui, a la possibilité de faire tomber tout gouvernement par vote d’une motion de censure selon les dispositions de l’article 86. A la lecture de tous ces articles équilibristes, on est tenté de se demander dans quelle institution se trouve le véritable siège du pouvoir exécutif. Jusque là, le soit disant régime présidentiel de 1963 renforcé en 2001 n’a pas connu le scénario d’une opposition majoritaire au parlement raison pour laquelle, nous vivons une sorte de stabilité avec un chef à la fois du parti, de l’Etat et, de tout l’exécutif. Demain, si une opposition gagne les législatives et impose de fait son Premier Ministre, qui devra légitimement déterminer la politique de la nation ? Le Président de la république ou le Premier Ministre ? Comment un Président élu pourra demain prétendre déterminer la politique de la nation et nommer et dégommer les ministres dans un contexte de cohabitation avec une opposition majoritaire au parlement ? Les chantres du type de régime actuel savent pertinemment que le semblant de stabilité institutionnelle dont ils parlent ne concerne que le scénario d’un Président dont le parti est majoritaire au parlement. Ce scénario peut changer.
Le régime sénégalais actuel tel que défini dans le texte constitutionnel résistera difficilement à la première cohabitation sauf si, en face, nous avons la chance d’avoir affaire à un Président dont la sagesse sera telle qu’il saura faire preuve de hauteur pour sauvegarder l’honneur et l’esprit de la République. Nous n’en sommes pas là mais, dans le cadre d’une cohabitation, l’article 87 de la constitution qui permet au Président de la République de dissoudre l’assemblée nationale après deux ans de législature ne pourra être utilisé indéfiniment et, un vice-président avec des pouvoirs donnés directement par le même Président ne pourra certainement pas contourner le Premier Ministre ad vitam æternam.
En réalité, le régime dit présidentiel sénégalais actuel n’en est pas un si l’on se réfère aux dispositions de la constitution. C’est une variante du parlementarisme maquillé par des pouvoirs exceptionnels donnés au Président de la République de nommer les deux tiers des sénateurs parlementaires (article 60), d’être chef de parti politique (article 38), de nommer les magistrats (articles 89 et 90), de choisir demain un Vice-président à qui il pourra donner une partie des pouvoirs que le référendum lui a conférés. Ceci n’est pas une norme qui répond aux standards démocratiques modernes. C’est une trouvaille sénégalaise que nous devons dépasser.
Nous sommes en face d’un type de régime parlementaire hybride, conjoncturel non classique qui ne répond plus aux exigences de la modernité et de l’irréversibilité de la démocratie participative. Nous devons tailler une constitution solide pour les générations futures et non pour les maîtres du moment.
C’est en cela que les axes de réflexion posés par la charte de gouvernance démocratique des assises nationale sont importants et méritent plus de respect et d’approfondissements. Il est indécent de rejeter en bloc avec une véhémence ubuesque la teneur de cette charte impersonnelle et patriotique en brandissant le spectre des événements de 1962. La charte n’est pas une panacée mais c’est déjà une piste de réflexion sérieuse. Le Sénégal a récemment permis aux hommes et femmes politiques mauritaniens de s’entendre sur un minimum pour la stabilité de leurs institutions. Il est temps pour nous de trouver un consensus sur une constitution qui dépasse les querelles et ambitions politiques si nous voulons renouer avec notre statut de modèle démocratique en Afrique et asseoir une stabilité à toute épreuve.
En définitive, le type de régime parlementaire est nécessaire pour servir de relais à la démocratie participative sine qua non pour notre développement. L’essentiel est de préciser les champs d’action des uns et des autres dans une constitution dont l’âme ne devrait plus être révisée en fonction de la volonté du maître. Les assises nationales ont déjà défriché le champ de la réflexion. A nous d’apporter la semence pour que vive la République. Républicains de tous les partis unissez-vous pour la République !
Pour les générations futures, il est temps de sortir du vrai faux régime présidentiel actuel qui n’est opérationnel que le temps d’une symbiose entre le Président de la République et la majorité parlementaire avec les dérives que l’on connait. Demain, les citoyens ne mettront pas forcément tous les œuf dans le même panier. Ils seront tentés de choisir un Président de la République tout en donnant l’assemblée à l’opposition. Ce sera une manière référendaire d’obliger à la limitation des pouvoirs. Avec ce scénario, aucun subterfuge politique même par voix constitutionnelle ne permettra à un Président de la République de tout régenter sauf à sortir des frontières démocratiques.
En allant tout de suite vers le parlementarisme véritable et sans masques nous anticiperons sur ce scénario. Un Président de la République doit être au dessus de la mêlée même s’il est venu au pouvoir par le biais de cette même mêlée. C’est au gouvernement de gérer la nation sous le contrôle d’un parlement stable et lucide. Le Président d’une République est une institution de stabilisation et de garde de la constitution. Ce n’est pas une institution qui gère le quotidien.
Le régime actuel devrait avoir la sagesse et la hauteur d’aller tout de suite vers cette voix irréversible d’un parlementarisme sain. Cela ne fera que nous faire gagner du temps vers cette issue irréversible.
Mamadou NDIONE
Mandione15@gmail.com