Y en a Marre et moi…..(Par Fadel Barro)



Il y a un an on lançait Y en a marre. Un an déjà ! Je m’en rappelle comme si c’était hier ; au détour d’une discussion avec des amis rappeurs, journalistes, étudiants, marabouts…  On s’engageait fermement à servir le Sénégal. Sans parti pris ! Avec un volontariat patriotique, nous nous sommes levés pour rompre d’avec le fatalisme et s’offrir en exemple face à la crise multidimensionnelle qui secoue le pays, ponctuée de coupures lassantes d’électricité, d’une flambée vertigineuse des prix, de scandales financiers grossiers, de cas corruption récurrentes au sommet de l’Etat, et d’une injustice sociale sans précédent.

Le comble, pour nous, était de constater que l’élite politique continuait de déserter les préoccupations des Sénégalais, laissés à eux mêmes. La seule voix audible durant ces moments où notre peuple subissait les affres et l’incurie des tenants du pouvoir, restait les Imams de Guédiawaye qui se sont levés pour dénoncer les coupures et la cherté de l’électricité. Quelle honte ! Disions-nous !

 Nous jeunesse qui noie son avenir dans des séances de thé, au moment où des imams du troisième âge sacrifient leur retraite pour nous assurer de meilleures conditions de vie et jouer un rôle d’avant-gardistes.
On s’engageait alors parce qu’on en avait marre de rester les bras croisés. Nous avons dit Nts ! Va pour un nouveau type de Sénégalais ! A commencer pour nous même, en rompant d’avec nos habitudes laxistes et fatalistes pour tendre vers un idéal de citoyenneté active capable de se prendre en charge et d’assumer pleinement son rôle et ses responsabilités dans l’émergence d’un Sénégal nouveau.

L’heure n’est pas au bilan. Nous sommes conscients qu’on est juste au commencement du début d’un long et difficile combat. Mais, il me semble opportun de s’arrêter après un an de volontariat sans faille, pour revenir sur les raisons de mon engagement aux cotés des Nts. Kilifeu, Thiat, Seck, Simon, Sané, Fou  malade ou Sofia ont certainement leur raison, ils auront l’occasion d’en témoigner. Mais, pour ma part, mon engagement dans Y en a marre est l’expression d’un désir de servir.

 Ensuite, je ne me suis jamais pardonné l’inertie. Je ne me suis jamais pardonné d’avoir les bras croisés quand la classe politique jouait avec mon destin. Je n’ai jamais compris notre attitude observatrice devant les augmentations des prix du pain, du riz, du gaz, de l’électricité et les violations répétitives de la Constitution. Je m’en suis voulu jusqu’à passer des nuits blanches à chaque fois que j’ai vu une injustice sans lever le plus petit doigt. Et à chaque fois me revient à l’esprit la transe fondamentale de Frantz Fanon : «Chaque génération a le choix entre trahir ou accomplir sa mission.»

Aussi, avais-je toujours la rage d’assister impuissant à notre comportement avec le bien public. Quand on urine dans la rue ! Quand on jette les sachets en plastique à l’emporte pièce ! Quand on corrompt les policiers ou les voir se faire corrompre par les automobilistes ! Quand on ne trouve pas de poubelles et qu’on ne fait rien pour en avoir ! Ou encore lorsqu’on n’essaie pas de s’organiser au tour de nos problèmes pour trouver une solution à défaut de l’exiger des pouvoirs publics. Y’en avait vraiment marre de moi-même, et je me suis levé avec les amis pour initier le Mouvement Y’en a marre. Aujourd’hui, le mouvement est devenu un bien du peuple sénégalais et c’est à nous d’en faire ce sursaut salutaire tant voulu et tant attendu.

C’est peut être le moment de revenir sur mon engagement dans Yen a marre et mon métier de journaliste. Certains orthodoxes réduisent notre métier à la simple relation des faits et ne comprennent pas toujours qu’un journaliste puisse s’engager dans une telle organisation. Pour moi, Yen a marre est le prolongement de mon métier. Je m’évertue tous les jours à rester honnête. Je reste équidistant des chapelles politiques. Je m’engage à être « potentiellement en conflit avec les pouvoirs organisés », pour mieux préserver les intérêts des populations.

 Dans mon quotidien de yen a marriste, au-delà de mes efforts d’être un bon Nts, j’informe, je sensibilise sur la nécessité de changer de mentalité pour sortir notre pays de ses difficultés. Si cela est contraire aux principes du journalisme, je ne me reconnais plus dans ce métier. De toute façon, devant l’appel de la patrie, il n’existe pas de prétexte ni de métier… Le Sénégal actuel a besoin de tout le monde. De sa jeunesse surtout. Non pas pour être versé dans tel ou tel camp politique, mais juste pour des lendemains meilleurs. Pour que nos enfants ne vivent pas les problèmes que nous connaissons aujourd’hui. De survie.

C’est pourquoi notre engagement est inébranlable. Ni les menaces de mort, ni l’argent, ni la prison ne peuvent nous arrêter. Nous avons subi toute forme de déstabilisation et de diabolisation, mais nous tenons bon : le Sénégal en vaut la peine. Puisse la prière de Sankara accompagner le credo de Y en a marre : «La patrie ou la mort, nous vaincrons».

Salif SAKHANOKHO

Lundi 18 Janvier 2021 19:19


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