Le milicien congolais Mathieu Ngudjolo Chui ne sera pas expulsé vers son pays. Ce vendredi, il a été acquitté en appel devant la CPI, mais a été arrêté dans les locaux de la CPI par la police néerlandaise, selon ses avocats. Le pouvoir néerlandais voulait l'expulser immédiatement vers la République démocratique du Congo.
Pour la CPI, malgré ses accusations contre le chef de l'Etat congolais, le retour de Mathieu Ngudjolo Chui en RDC ne présente aucun danger pour lui. Mais selon ses avocats, l'ancien milicien pourrait être en danger pour avoir dénoncé dans son témoignage le rôle du président Joseph Kabila dans l'organisation de sa milice et les crimes commis en Ituri au nord-est de la RDC.
Un juge local a décidé de suspendre cette expulsion, comme le confirme à RFI l'avocat néerlandais de Mathieu Ngudjolo Chui, Flip Schuller :
« Le gouvernement des Pays-Bas était vraiment déterminé à expulser mon client. Les autorités néerlandaises avaient décidé de le mettre dans un avion dés ce soir à 20h30 en direction de la RDC sans respecter la procédure. Durant toute la journée, nous avons essayé en vain de convaincre les services d'immigration pour leur dire que le cas de mon client est très sensible et qu'il nécessite du temps avant d'envisager une expulsion.
Au minimum le gouvernement des Pays-Bas devait attendre de voir comment la décision d'acquittement devant la CPI était perçue au Congo avant de décider d'expulser mon client : car ça reste très dangereux pour lui. Mais les Néerlandais étaient très pressés de le voir partir et ils ont bafoué ses droits.
C'est pourquoi on a décidé de saisir un juge local. Le juge néerlandais a alors demandé aux services d'immigration de stopper l'extradition pour permettre un procès juste et sérieux. On est très content ce soir pour deux raisons : pour la décision du juge de stopper cette expulsion, mais aussi pour son acquittement devant la CPI ».
Quelles accusations l'ancien chef de milice a-t-il précisément portées ?
Le bureau du procureur accusait Mathieu Ngudjolo Chui de crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis lors de l’attaque de Bogoro, en Ituri. Nous sommes le 24 février 2003 et ce jour-là, près de 200 civils auraient été tués.
Mathieu Ngudjolo Chui était à l'époque l'un des dirigeants de la milice FNI, le Front des nationalistes et intégrationnistes, qui s'opposait à l'Union des patriotes congolais (UPC) soutenue successivement par l’Ouganda et le Rwanda.
Au cours du procès, Mathieu Ngudjolo Chui et ses avocats ont affirmé que l'attaque de Bogoro avait été planifiée par Joseph Kabila lui-même, « soucieux, certainement, de garantir l’intégrité du territoire national congolais », selon les propos tenus par Me Kilenda. Selon la défense, l'ancien milicien ne pouvait donc être ni l'auteur intellectuel, ni matériel des crimes qui lui étaient reprochés.
Et pour justifier leur ligne de défense, les avocats avaient évoqué la création d'une instance appelée EMOI, état-major opérationnel intégré, réunissant armée congolaise et milices, sous l’autorité du chef des armées, en l'occurrence Joseph Kabila. Et pour preuve, ils avaient produit une lettre signée de Guillaume Samba Kaputo, alors conseiller spécial du président congolais sur les questions de sécurité.
Une lettre datée de novembre 2002 quelques mois avant le massacre. Lettre adressée au général Liwanga, chef d'état-major de l'époque, lui demandant de renforcer les effectifs en vue d'attaquer les sites ciblés. Et parmi ses sites, figurait Bogoro.
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