Jusqu'à présent, Moussa Dadis Camara avait été entendu en temps que témoin dans l'affaire du stade du 28 septembre. Mercredi 8 juillet, il a été interrogé en tant qu’acteur, pendant plus de deux heures, par deux juges d'instruction et un procureur guinéens.
Les faits remontent au 28 septembre 2009, jour de fête nationale. Des partis d'opposition appellent à un rassemblement pacifique dans un stade de Conakry. Mais des militaires et des forces de sécurité répriment brutalement cette manifestation. Le bilan est lourd : il y a au moins 156 personnes tuées et 109 victimes de viols.
En février 2010, la justice guinéenne ouvre une instruction sur ce massacre. Plusieurs hauts responsables du CNDD (le Conseil national pour la démocratie et le développement) sont cités, dont le capitaine Moussa Dadis Camara, qui était alors le commandant en chef des forces armées. Une commission rogatoire pour meurtre, complicité d'assassinat et de viol est alors lancée à son encontre.
Retour en politique
Fraîchement de retour sur la scène politique, Moussa Dadis Camara a toujours clamé son innocence. Son inculpation se télescope avec les prémisses de la campagne électorale d'octobre. Ses proches dénoncent une volonté de le détourner de ses ambitions politiques.
Cellou Dalein Diallo, le président de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), à qui Dadis Camara s'est allié dans le cadre de son retour, dénonce une manipulation politique. « J’ai toujours lutté contre l’impunité mais je suis contre l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques. Et c’est ce qui arrive malheureusement depuis que Dadis a décidé de s’engager en politique, il a décidé de nouer une alliance avec l‘UFDG. Les choses se sont accélérées curieusement et la mission des juges qui est partie à Ouagadougou a été envoyée par les autorités du pays pour inculper Dadis », estime le leader de l'UFDG, quis e demande : « Pourquoi deux semaines avant son retour, on envoie des juges pour l’inculper sur place ? »
Une décision saluée par les défenseurs des droits de l'homme
En revanche, c'est un soulagement pour les associations guinéennes de défense des droits de l'homme. Abdoul Gadieri Diallo, porte-parole de l'OGDH, l'Organisation guinéenne des droits de l'homme y voit un signe encourageant. « Ça nous amène à penser que personne n’est au-dessus de la loi et que à chaque fois que des situations comme ça se présentent, on devrait procéder de la même manière », juge-t-il. « Bon, l’inculpation elle-même ne signifie pas qu’il est condamné ou qu’il est formellement accusé mais nous espérons qu’en tant que président à l’époque des faits et en tant que chef des forces armées, il va être très difficile pour monsieur Dadis Camara d’échapper à la rigueur de la justice. »
Même son de cloche du côté de la FIDH, pour qui cette inculpation est un signal fort dans ce pays où l'impunité a longtemps dominé. Florent Geel, directeur Afrique à la Fidh, « Cette inculpation est un fait majeur dans la vie politique guinéenne, un fait qui signifie une chose très simple : on ne peut plus impunément ordonner la violence politique et faire ne sorte d’utiliser la violence pour conserver ou conquérir le pouvoir. En cette année électorale ce message est absolument fondamental et très important car la Guinée a besoin de paix, de stabilité de calme, et non d’aventures d’individus à la tête de l’Etat ou à la tête d’un putsch militaire. »
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