Après plusieurs jours d'émeutes meurtrières à Kinshasa, le Sénat congolais a reporté à vendredi le vote d'une loi électorale controversée, texte à l'origine de nouvelles violences jeudi dans la ville de Goma (est), alors que l'opposition cherche à maintenir la pression sur le président Joseph Kabila.
La journée de jeudi s'est déroulée dans le calme à Kinshasa mais l'opposition, divisée, a annoncé qu'elle se préparait pour de nouvelles manifestations dans tout le pays à partir de lundi.
Le Sénat devait consacrer jeudi après-midi sa séance plénière à l'examen et au vote du projet de loi électorale, mais celle-ci a été reportée à vendredi à partir de 09H00 (08H00 GMT), officiellement à cause d'un dépassement du temps imparti pour le travail en commission.
Le projet de révision de la loi électorale adopté samedi soir par les députés ouvre la possibilité d'un report de la présidentielle censée avoir lieu fin 2016, ce qui permettrait au président Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, de se maintenir à la tête de l'État au-delà de la fin de son mandat, alors que la Constitution lui interdit de se représenter.
Dénoncé par un collectif d'opposants comme un "coup d'État constitutionnel", le projet de loi a été à l'origine de violences mortelles de lundi à mercredi dans la capitale. Kinshasa était plutôt calme jeudi.
A Goma, dans l'est du pays, manifestants et policiers se sont affrontés autour de barricades à coups de jets de pierres et de gaz lacrymogènes dans l'après-midi.
Le matin, les forces de l'ordre avaient ouvert le feu à plusieurs reprises sur quatre cortèges de manifestants hostiles au président Joseph Kabila, selon un journaliste de l'AFP. Trois personnes au moins ont été blessées.
Le maire de Goma a annoncé à la radio la fermeture de toutes les écoles, lycées et établissements supérieurs jusqu'à lundi.
- Reformulations -
Le passage le plus contesté du texte de loi électorale est celui impliquant que les prochaines législatives et présidentielle (devant avoir lieu en même temps) soient conditionnées par les résultats du recensement général de la population - le premier depuis 1984 - devant commencer cette année.
Selon plusieurs analystes, ce comptage des habitants, dans un pays grand comme cinq fois la France, pratiquement dépourvu d'infrastructures et encore déchiré par des conflits armés dans sa partie orientale, pourrait prendre jusqu'à trois ans.
Selon un diplomate à Kinshasa, la commission sénatoriale n'était pas encore parvenue à se mettre d'accord jeudi en fin d'après-midi sur le texte à présenter à la plénière.
Deux reformulations du passage contesté seraient en concurrence : l'une établissant sans ambiguïté que les prochaines élections ne seront nullement liées à l'achèvement du recensement, et une autre plus floue, qui ouvrirait la voie à diverses interprétations.
- 12 à 42 morts -
Kinshasa a connu une flambée de violence à partir de lundi, jour choisi par un collectif d'opposants pour "occuper massivement" le Parlement.
La Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) a avancé jeudi le chiffre "42 morts à Kinshasa" en trois jours et accusé les forces de l'ordre d'être à l'origine des balles ayant tué toutes ces personnes.
Le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, a récusé ce bilan avec virulence.
"Nous avons 12 morts, dont un policier", a-t-il dit, "le policier a été tué par un inconnu" et tous les autres morts sont des "émeutiers" abattus par des vigiles privés.
Selon lui, plus de 300 personnes ont été arrêtées.
Les États-Unis ont appelé au calme. Condamnant le projet de loi controversé le cardinal archevêque de Kinshasa, Laurent Monsengwo, a lancé un message, exhortant le pouvoir mais aussi tous les dirigeants politique à ne pas "tuer" leurs concitoyens.
Mais le collectif à l'origine de l'appel à manifester lundi a appelé les Congolais à descendre dans tout le pays le 26 janvier "à défaut du rejet" du projet de loi.
L'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti de l'opposant historique Étienne Tshisekedi, a appelé pour sa part à "descendre pacifiquement" le même jour sur tout le territoire national pour chasser M. Kabila du pouvoir "et de n'arrêter le mouvement qu'après" sa chute.
La RDC est l'un des pays les moins développés au monde. Joseph Kabila est arrivé à la présidence à la mort de son père Laurent-Désiré Kabila. Il a été élu président en 2006, lors des premières élections libres depuis l'indépendance en 1960.
Il avait été réélu en novembre 2011 pour cinq ans à l'issue d'élections marquées par des irrégularités massives. La Constitution lui interdit de briguer un nouveau mandat.
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