« Les gens étaient dans cette cour, rassemblés pour une veillée religieuse, quand les assaillants sont arrivés. Ils ont tiré sur la foule puis sont allés dans l’église et ont tué presque tout le monde. Trente-quatre personnes tuées par balle. » C’est un capitaine de l’armée congolaise qui sert de guide. Partout les traces de la tuerie sont encore visibles : ici des douilles, là un pagne abandonné ou des sandales carbonisées.
Le long de la route, 37 croix en bois ont été plantées à la hâte comme autant de victimes. Toutes ou presque de la même ethnie : les Bafuleros. Trois mois plus tard, le village de Mutarule est désert. Les maisons ont été abandonnées, faute de sécurité, du propre aveu du capitaine à RFI : « Toute la population a fui le village c’est un signe d’insécurité. Tant que la population ne revient pas, c’est bien le signe qu’il y a un problème. »
La plupart ont fui à 12 km de là, dans le prochain village et s’interrogent. Les Nations unies et l’armée, toutes deux alertées et basées respectivement à 9 et 1 km du lieu du drame, ne sont pas intervenues. Certains soldats affirment même avoir reçu l’ordre de ne pas bouger.
Rapport accablant
Des affirmations graves détaillées dans un rapport de Human Rights Watch qui a appelé à l’ouverture d’une enquête.
Cet instituteur rescapé se sent lui abandonné : « Nous avons peur parce que lorsqu’on nous a massacrés, il y avait des soldats FARDC, la police, nous avons même appelé la Monusco mais personne n’est venu à notre secours. Nous avons peur de rentrer car on nous a tués sous le nez de ces gens alors qu’ils sont là pour nous sécuriser. »
Les Nations unies se sont excusées publiquement pour leur inaction. Les autorités congolaises, elles, ont interpellé deux personnes. Mais depuis plus rien. Aucun des assaillants du 6 juin n’a encore été arrêté et les tensions ethniques déjà fortes n’ont fait qu’augmenter.
■ La plaine de la Ruzizi sous tension
Depuis le massacre de Mutarule, les tensions ont grimpé d’un cran dans une région, celle de la plaine de la Ruzizi, où trois ethnies se disputent depuis des années le pouvoir et l’accès aux terres. Il y a quinze jours, six personnes d’une famille de l’autre ethnie, les Banyamulenges, ont été tués. Personne n’a revendiqué l’attaque.
Un villageois montre aux journalistes de RFI les traces de la dernière attaque : six membres d’une même famille, tués par balles en pleine nuit. « Ils ont forcé la fenêtre, le responsable de la famille a tenté de se réfugier dans la pièce d’à côté, là ils ont tiré sur six personnes. On ne sait toujours pas qui a fait ça », témoigne l’habitant.
Qui a fait ça ? C’est la question qui se pose régulièrement dans cette région où assassinats et règlements de compte entre différentes ethnies se succèdent. Les tensions entre Bafuleros d’un côté et Banyamulenges et Barundis de l’autre sont extrêmement vives. « Si vous partez d’ici pour aller au marché à Luberezi, à 1 km, on vous pointe du doigt, explique une habitante. Ils disent : "ça c’est un Banyamulenge, ça c’est un Barundi", et on vous prend tout. Nous on ne peut plus sortir pour aller au marché ou aux champs, c’est trop dangereux. »
A une dizaine de kilomètres de là, les membres de l’ethnie ennemie, les Bafuleros, disent la même chose. En juin, une trentaine de leurs membres ont été fusillés et brûlés au cours d’une nuit. Ils dénoncent un climat de haine, notamment à l’aide de tracts, distribués comme en juillet dernier par des inconnus. « Chacun se dit en insécurité, raconte ainsi un instituteur. Mais ni l’ONU, ni l’armée n’arrivent à stopper le cycle de violence. »
C’est aussi dans cette plaine de la Ruzizi, où la RDC, le Rwanda et le Burundi se font face, que sont nées au moins trois rebellions armées ces trente dernières années..
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