Les frères Mohamed sont suspectés d'avoir commis de nombreuses exactions contre des civils entre 1994 et 1997. Ils étaient des membres clés des « groupes de légitime défense » qui luttaient contre les islamistes avec le soutien des autorités. Mais la milice de Relizane, à laquelle ils appartenaient, a surtout commis de nombreuses violences à l'encontre des populations.
Cette milice comptait plus de 400 membres au début de l'année 1994. Comme d'autres groupes de légitime défense formés dans le pays, elle était armée par le pouvoir algérien avec pour mission de lutter contre les terroristes islamistes. Ceux-ci semaient la terreur depuis l'élection de 1991, annulée par les militaires, alors que le Front islamique du salut était en passe de l'emporter.
« Escadrons de la mort »
Sous prétexte de poursuivre les terroristes islamistes qui agissaient dans la région, la milice de Relizane menait ses opérations hors de tout contrôle. Elle s'est rendue coupable, selon les ONG, d'actes de torture, et de plus de 200 exécutions sommaires et de disparitions forcées entre 1994 et 1997, alors que les autorités laissaient faire.
Les « escadrons de la mort », comme ont été baptisés plus tard ces miliciens, terrorisaient la population à coups d'enlèvements. Ils ne visaient pas que les islamistes, mais aussi leurs familles, et même de simples voisins, pour s'emparer de leurs maisons et de leurs biens.
En 1998, un défenseur des droits humains, Mohamed Smaïn, a découvert des charniers dans les montagnes de Relizane. Il n'a cessé depuis de dénoncer les exactions qui ont été commises à l'époque, malgré la pression des autorités qui l'ont plusieurs fois envoyé en prison. Les témoignages qu'il a recueillis ont révélé le rôle clé que jouaient les frères Houcine et Abdelkader Mohamed à Relizane, où ils agissaient souvent à visage découvert.
Une affaire « assez emblématique » des années noires
Leur procès - le premier du genre - est extrêmement sensible puisqu'il permettrait de questionner la responsabilité de l'Etat algérien pendant la décennie noire. Pour Patrick Baudouin, avocat et président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), « ce qui est très important dans ce procès, c’est que ce sera le premier. Il n’y a pas eu en Algérie de justice passée sur ces cas extrêmes de violations graves des droits de l’homme. » Ce procès est par conséquent l'occasion d’en finir avec cette « impunité qui a prévalu tout au long des années 90 et depuis lors. »
Un procès rendu possible en France, car l'un des frères Mohamed est Français. Pour l'autre frère, la France applique la règle de la « compétence extraterritoriale », qui veut qu'un étranger puisse être jugé par une juridiction française lorsqu'il s'agit de crimes de tortures, et que l'accusé se trouve en France.
Il s’agit, poursuit Patrick Baudouin, d’une affaire « assez emblématique de ce qui s’est passé en Algérie dans les années noires entre 1994 et 1997. Au nom de la lutte contre les islamistes, on avait […] provoqué la création de ces milices qui étaient protégées par l’armée et la police algérienne, et qui étaient hors de tout contrôle, - c’était le Far West en quelque sorte. Ils se livraient à des exactions visant indistinctement tous ceux qui ne leur plaisaient pas. »
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