Ce sont là quelques questions, que je me pose et continue de me poser avec obsession depuis la diffusion du message du Président de la République et la récente session de l’Assemblée nationale. Des questions bien pertinentes, il me semble, parce que, surtout parce que la succession des actes posés depuis la disqualification du candidat Karim Wade donne l’impression que ces deux pouvoirs de l’Etat sénégalais, notre Etat, se sont ligués, non seulement en vue de porter le discrédit sur le l’autorité judiciaire, mais également et surtout en vue de bouleverser le processus électoral en cours. En vain naturellement, parce que le Pouvoir judiciaire jouit de prérogatives et d’un système de « protection » vigoureusement énoncés par notre loi fondamentale qui a également posé les actes majeurs du processus électoral.
Ce comportement déviant se trouve malheureusement soutenu par une frange de l’opinion publique nationale qui semble avoir évolué beaucoup plus en diversité et versatilité qu’en constance et uniformité pour ne pas simplement dire en pertinence.
Questions que je me pose en ma double qualité de linguiste et de juriste, et auxquelles je vais tenter de donner réponses en me fondant sur les aptitudes, modeste, que me confèrent mon statut de linguiste, c’est-à dire d’artisan de la langue (française) et le peu de connaissances, comparses, que j’ai eu le privilège d’acquérir en passant de la faculté de droit de Dakar à celles d’autres universités françaises : Paris V(René Descartes), Paris II Assas, Paris 10 Nanterre et Sceaux pour une spécialisation en politique criminelle et droits de l’homme.
Du Président de la République nous retiendrons, d’abord que chacun des deux mandats auxquels il a droit a une durée impérativement fixée à cinq ans ; une durée non susceptible de prorogation.
L’article 103 de la constitution dispose en effet, en son alinéa 7 (sept) que « La forme républicaine de l’Etat, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ne peuvent faire l’objet d’une révision ». Et de renforcer le dispositif d’interdiction en énonçant que l’alinéa 7 en question, c’est-à-dire celui interdisant la prorogation de la durée du mandat fixé à Cinq ans ne saurait non plus être objet d’une révision.
Cela veut concrètement dire que la Président actuel ne saurait se maintenir (sinon par la force) au-delà de la date à partir de laquelle a été conçu le calendrier électoral actuel, le 02 avril 2024 :
Article 31 alinéa 1 : « Le scrutin pour l’élection présidentielle a lieu quarante cinq jours francs au plus et 30 jours francs au moins avant la date de l’expiration du mandat du Président de la République en fonction. »
Il est important à cet effet de souligner que la loi fondamentale n’a prévu qu’une seule possibilité de réaménagement de l’échéance électorale ; une possibilité qui relève exclusivement domaine de compétence du Conseil Constitutionnel selon les deux cas limitativement énumérés par l’article 34 énoncé ainsi qu’il suit :
« En cas d’empêchement définitif ou de retrait d’un des candidats entre l’arrêt de publication de la liste des candidats et le premier tour, l’élection est poursuivie avec les autres candidats en lice. Le Conseil Constitutionnel modifie en conséquence la liste des candidats. La date du scrutin est maintenue.
En cas de décès, d'empêchement définitif, ou de retrait d'un des deux candidats entre le scrutin du premier tour et la proclamation provisoire des résultats, ou entre cette proclamation provisoire et la proclamation définitive des résultats du premier tour par le Conseil constitutionnel, le candidat suivant dans l'ordre des suffrages est admis à se présenter au second tour.
En cas de décès, d'empêchement définitif ou de retrait d'un des deux candidats entre la proclamation des résultats définitifs du premier tour et le scrutin du deuxième tour, le candidat suivant sur la liste des résultats du premier tour est admis au deuxième tour.
Dans les deux cas précédents, le Conseil constitutionnel constate le décès, l'empêchement définitif ou le retrait et fixe une nouvelle date du scrutin. »
C’est simplement dire que, de ce point de vue, celui de la prorogation de la durée du mandat, le Président de la République et l’Assemblée nationale nagent à contre courant des dispositions de notre loi fondamentale ; que le Président a non seulement violé les dispositions des articles 42 alinéa 1 et 103, mais il a également et surtout failli au serment qu’il avait prêté en ces termes sur le fondement des dispositions de l’article 37 de la constitution :
« Devant Dieu et devant la Nation sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la charge de Président de la République du Sénégal, d’observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale, de ne ménager aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine »
A-t-il usé d’une once de son énergie pour défendre le Conseil Constitutionnel cheville ouvrière de l’organisation des élections et du respect de la hiérarchie de la norme juridique ? Et pourtant et pourtant, c’est bien cela que lui commandent les articles 42 et 52 qui réunis, non seulement lui en confèrent l’autorité et les moyens juridiques, mais surtout lui en intime l’ordre.
S’agissant à présent de la supposée « commission d’enquête parlementaire » je dirai simplement que ceux qui pensent avoir la possibilité de recourir à un tel instrument sont soit frappés de cécité intellectuelle, soit atteints de dérèglement cérébral (que l’on me pardonne la « vi-o-lence de ces propos).
Mention est faite de la possibilité de mettre en place une commission d’enquête parlementaire à l’article 85 de la constitution dans le titre VII relatif aux rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.
Cet article 85 est ainsi libellé :
« Les députés peuvent poser, au Premier ministre et aux membres du gouvernement, qui sont tenus d’y répondre, des questions orales et des questions d’actualité. Les questions et les réponses y afférentes ne sont pas suivies de vote.
Le Premier ministre et les autres membres du Gouvernement se présentent à l’Assemblée nationale selon une périodicité à fixer d’accord parties, pour répondre aux questions d’actualité des députés.
L’Assemblée nationale peut désigner en son sein des commissions parlementaires. »
N’est-ce pas clair ? Le parlement ne jouit de prérogatives que dans le cadre de ses rapports avec le gouvernement dont il doit contrôler l’action parce que cette institution est doublement responsable et devant lui et devant le Président de la République.
Du fait de la séparation des pouvoirs, la Constitution ne lui confère aucune emprise, sur la Président de la République et sur le Pouvoir judiciaire, donc sur le Conseil Constitutionnel. En effet, aucune des articulations du titre VIII relatif au pouvoir judiciaire ne fait référence à la moindre possibilité d’ingérence du législatif dans le judiciaire. C’est bien le contraire qui est énoncé par l’article 92 alinéa 4 selon lequel « les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. »
La tentative de « liquidation » de l’honorable institution est légalement vouée à l’échec du fait des dispositions de l’article 89 qui dispose clairement qu’il «ne peut être mis fin aux fonctions des membres du Conseil constitutionnel avant l’expiration de leur mandat que sur leur demande ou pour incapacité physique et dans les conditions prévues par la loi organique »
Que retenir de tout cela ?
Les mesures prises dernièrement par le parlement, celles relatives au réaménagement du calendrier électoral et à la prolongation de la durée du deuxième et dernier mandat du Président actuellement en fonction (et non autorisé à en briguer un autre) sont simplement caduques, devant simplement anéanties pour non-conformité à la lettre et à l’esprit de notre loi fondamentale. D’autant qu’il n’est pas trop tard pour revenir à l’ordonnancement régulier du processus.
L’article 31prescrit un intervalle entre 45 jours francs au plus et trente jours au moins mesurés par référence à la date du 0é avril ; ce à quoi il convient d’ajouter la déclaration du gouvernement selon laquelle les équipes concernées et impliquées dans la mise en œuvre du processus sont à pied d’œuvre et travaille d’arrache-pied afin ne pas être surpris par les délais.
En conclusion je voudrais simplement clamer haut et bien fort que :
- la loi constitutionnelle que l’Assemblée vient de voter doit impérativement être anéantie par le Conseil Constitutionnel pour violation des dispositions de l’article 103 alinéa 7.
- je m’associe aux voix déjà bien nombreuses qui conseillent au Président en fin de mandat de quitter ses fonctions à terme échu, le 02 avril, conformément aux dispositions de la Constitution dont il est encore le gardien ; avant qu’il ne soit trop tard ; et de lui rappeler que selon Wolof Ndiaye « ngour kène dou ko niède ».
Je lui souhaite enfin une belle fin de règne et une bonne jouissance de son très prochain statut d’ancien Président. Hommage et respect à l’autorité judiciaire gardienne des libertés individuelles et collectives, de la probité et de l’équité. Vive l’Etat de droit pour que vive le Sénégal, notre chère patrie.
Pr Bouna NIANG
Ce comportement déviant se trouve malheureusement soutenu par une frange de l’opinion publique nationale qui semble avoir évolué beaucoup plus en diversité et versatilité qu’en constance et uniformité pour ne pas simplement dire en pertinence.
Questions que je me pose en ma double qualité de linguiste et de juriste, et auxquelles je vais tenter de donner réponses en me fondant sur les aptitudes, modeste, que me confèrent mon statut de linguiste, c’est-à dire d’artisan de la langue (française) et le peu de connaissances, comparses, que j’ai eu le privilège d’acquérir en passant de la faculté de droit de Dakar à celles d’autres universités françaises : Paris V(René Descartes), Paris II Assas, Paris 10 Nanterre et Sceaux pour une spécialisation en politique criminelle et droits de l’homme.
Du Président de la République nous retiendrons, d’abord que chacun des deux mandats auxquels il a droit a une durée impérativement fixée à cinq ans ; une durée non susceptible de prorogation.
L’article 103 de la constitution dispose en effet, en son alinéa 7 (sept) que « La forme républicaine de l’Etat, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ne peuvent faire l’objet d’une révision ». Et de renforcer le dispositif d’interdiction en énonçant que l’alinéa 7 en question, c’est-à-dire celui interdisant la prorogation de la durée du mandat fixé à Cinq ans ne saurait non plus être objet d’une révision.
Cela veut concrètement dire que la Président actuel ne saurait se maintenir (sinon par la force) au-delà de la date à partir de laquelle a été conçu le calendrier électoral actuel, le 02 avril 2024 :
Article 31 alinéa 1 : « Le scrutin pour l’élection présidentielle a lieu quarante cinq jours francs au plus et 30 jours francs au moins avant la date de l’expiration du mandat du Président de la République en fonction. »
Il est important à cet effet de souligner que la loi fondamentale n’a prévu qu’une seule possibilité de réaménagement de l’échéance électorale ; une possibilité qui relève exclusivement domaine de compétence du Conseil Constitutionnel selon les deux cas limitativement énumérés par l’article 34 énoncé ainsi qu’il suit :
« En cas d’empêchement définitif ou de retrait d’un des candidats entre l’arrêt de publication de la liste des candidats et le premier tour, l’élection est poursuivie avec les autres candidats en lice. Le Conseil Constitutionnel modifie en conséquence la liste des candidats. La date du scrutin est maintenue.
En cas de décès, d'empêchement définitif, ou de retrait d'un des deux candidats entre le scrutin du premier tour et la proclamation provisoire des résultats, ou entre cette proclamation provisoire et la proclamation définitive des résultats du premier tour par le Conseil constitutionnel, le candidat suivant dans l'ordre des suffrages est admis à se présenter au second tour.
En cas de décès, d'empêchement définitif ou de retrait d'un des deux candidats entre la proclamation des résultats définitifs du premier tour et le scrutin du deuxième tour, le candidat suivant sur la liste des résultats du premier tour est admis au deuxième tour.
Dans les deux cas précédents, le Conseil constitutionnel constate le décès, l'empêchement définitif ou le retrait et fixe une nouvelle date du scrutin. »
C’est simplement dire que, de ce point de vue, celui de la prorogation de la durée du mandat, le Président de la République et l’Assemblée nationale nagent à contre courant des dispositions de notre loi fondamentale ; que le Président a non seulement violé les dispositions des articles 42 alinéa 1 et 103, mais il a également et surtout failli au serment qu’il avait prêté en ces termes sur le fondement des dispositions de l’article 37 de la constitution :
« Devant Dieu et devant la Nation sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la charge de Président de la République du Sénégal, d’observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale, de ne ménager aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine »
A-t-il usé d’une once de son énergie pour défendre le Conseil Constitutionnel cheville ouvrière de l’organisation des élections et du respect de la hiérarchie de la norme juridique ? Et pourtant et pourtant, c’est bien cela que lui commandent les articles 42 et 52 qui réunis, non seulement lui en confèrent l’autorité et les moyens juridiques, mais surtout lui en intime l’ordre.
S’agissant à présent de la supposée « commission d’enquête parlementaire » je dirai simplement que ceux qui pensent avoir la possibilité de recourir à un tel instrument sont soit frappés de cécité intellectuelle, soit atteints de dérèglement cérébral (que l’on me pardonne la « vi-o-lence de ces propos).
Mention est faite de la possibilité de mettre en place une commission d’enquête parlementaire à l’article 85 de la constitution dans le titre VII relatif aux rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.
Cet article 85 est ainsi libellé :
« Les députés peuvent poser, au Premier ministre et aux membres du gouvernement, qui sont tenus d’y répondre, des questions orales et des questions d’actualité. Les questions et les réponses y afférentes ne sont pas suivies de vote.
Le Premier ministre et les autres membres du Gouvernement se présentent à l’Assemblée nationale selon une périodicité à fixer d’accord parties, pour répondre aux questions d’actualité des députés.
L’Assemblée nationale peut désigner en son sein des commissions parlementaires. »
N’est-ce pas clair ? Le parlement ne jouit de prérogatives que dans le cadre de ses rapports avec le gouvernement dont il doit contrôler l’action parce que cette institution est doublement responsable et devant lui et devant le Président de la République.
Du fait de la séparation des pouvoirs, la Constitution ne lui confère aucune emprise, sur la Président de la République et sur le Pouvoir judiciaire, donc sur le Conseil Constitutionnel. En effet, aucune des articulations du titre VIII relatif au pouvoir judiciaire ne fait référence à la moindre possibilité d’ingérence du législatif dans le judiciaire. C’est bien le contraire qui est énoncé par l’article 92 alinéa 4 selon lequel « les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. »
La tentative de « liquidation » de l’honorable institution est légalement vouée à l’échec du fait des dispositions de l’article 89 qui dispose clairement qu’il «ne peut être mis fin aux fonctions des membres du Conseil constitutionnel avant l’expiration de leur mandat que sur leur demande ou pour incapacité physique et dans les conditions prévues par la loi organique »
Que retenir de tout cela ?
Les mesures prises dernièrement par le parlement, celles relatives au réaménagement du calendrier électoral et à la prolongation de la durée du deuxième et dernier mandat du Président actuellement en fonction (et non autorisé à en briguer un autre) sont simplement caduques, devant simplement anéanties pour non-conformité à la lettre et à l’esprit de notre loi fondamentale. D’autant qu’il n’est pas trop tard pour revenir à l’ordonnancement régulier du processus.
L’article 31prescrit un intervalle entre 45 jours francs au plus et trente jours au moins mesurés par référence à la date du 0é avril ; ce à quoi il convient d’ajouter la déclaration du gouvernement selon laquelle les équipes concernées et impliquées dans la mise en œuvre du processus sont à pied d’œuvre et travaille d’arrache-pied afin ne pas être surpris par les délais.
En conclusion je voudrais simplement clamer haut et bien fort que :
- la loi constitutionnelle que l’Assemblée vient de voter doit impérativement être anéantie par le Conseil Constitutionnel pour violation des dispositions de l’article 103 alinéa 7.
- je m’associe aux voix déjà bien nombreuses qui conseillent au Président en fin de mandat de quitter ses fonctions à terme échu, le 02 avril, conformément aux dispositions de la Constitution dont il est encore le gardien ; avant qu’il ne soit trop tard ; et de lui rappeler que selon Wolof Ndiaye « ngour kène dou ko niède ».
Je lui souhaite enfin une belle fin de règne et une bonne jouissance de son très prochain statut d’ancien Président. Hommage et respect à l’autorité judiciaire gardienne des libertés individuelles et collectives, de la probité et de l’équité. Vive l’Etat de droit pour que vive le Sénégal, notre chère patrie.
Pr Bouna NIANG
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