Ce jeudi 10 avril, débute la troisième vague de vote qui couvre 14 Etats et 92 circonscriptions, dont New Delhi, la capitale et la région la plus puissante et prospère du pays.
Près d'un cinquième des 543 sièges de la Chambre basse du Parlement sont mis en jeu. Et premier constat : l'Inde traverse une profonde crise politique. Après dix ans de pouvoir du Parti du Congrès, la population aspire au changement. Tous les espoirs se reportent sur l'opposition de la droite nationaliste hindoue (BJP- Bharatiya Janata Party), donnée favorite dans les sondages.
Le pays a été marqué ces dernières années par de nombreux scandales de corruption. Des affaires à répétition qui ont profondément écorné l'image du parti au pouvoir.
« Pour obtenir une chambre ou un lit dans un hôpital public, les pauvres doivent payer un pot-de-vin. Même chose si l'on veut inscrire son enfant dans une bonne école, explique Roopak Malik, un entrepreneur dans le textile à New Delhi. Selon lui, si la corruption touche tous les niveaux, elle est particulièrement difficile à vivre pour les pauvres. « Le plus gros problème de la corruption, c'est qu'elle affecte la qualité des hôpitaux et des écoles. Parce qu'une grande partie des fonds alloués à leur financement est tout simplement détournée. Tous ces scandales à répétition n'existaient pas avant. »
Parti du Congrès : le déclin ?
L'homme d'affaires porte un regard très critique sur le gouvernement actuel : « Les gens ont le sentiment que l'unique objectif du Parti du Congrès est de se maintenir au pouvoir. »
Rahul Gandhi, candidat du Parti du Congrès, est l'arrière-petit-fils de Nehru, le père de l'indépendance, qui a été le premier chef du gouvernement en Inde. La grand-mère de Rahul, Indira et son père Rajiv (assassiné en 1991), ont également occupé le poste de Premier ministre. Enfin sa mère Sonia Gandhi est la chef de file du Parti du Congrès.
Rahul Gandhi, député depuis dix ans et récemment promu vice-président du parti du Congrès, s'est jusqu'à présent très peu impliqué dans la politique nationale, demeurant par exemple totalement absent des débats à la Chambre. Cet ancien étudiant de Harvard et de Cambridge se retrouve en première ligne bien malgré lui. Il a récemment déclaré qu'il n'était pas avide de pouvoir et qu'il s'opposait aux dynasties politiques.
Mais la déception est telle dans la population, que tous les sondages prédisent une défaite cuisante pour le parti.
Roopak Malik est convaincu que son principal adversaire, Narendra Modi, remportera un grand nombre de voix, surtout parmi la classe moyenne et les jeunes urbains.
« Je pense que les jeunes de Delhi, Bombay ou Bangalore voteront pour Modi parce qu'ils croient en sa capacité à développer le pays, à créer des infrastructures et des emplois. Les gens ont le sentiment que le Parti du Congrès est uniquement préoccupé par les politiques de subventions et les aides. Mais ce modèle de gouvernance socialiste, ça ne marche plus. Si l'on prend l'exemple du droit du travail, il est identique à celui de l'Union soviétique des années 60. La Russie a changé ses lois, pas l'Inde. Et puis il y a la corruption. Des milliards de dollars ont été détournés durant ces dix années de pouvoir du Congrès. Ça n'existait pas avant. »
Modi : l'homme providentiel
Corruption, bureaucratie paralysante, c'est tout un système de gouvernance qui est remis en question. L'inflation, une économie au ralenti, le chômage (10 à 12 millions de jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail), la pauvreté qui touche près de la moitié des 1 milliard 200 millions d'Indiens créent un ras-le-bol dans la population, qui aspire au changement. Dans ce contexte, Narendra Modi séduit.
Le leader de la droite nationaliste hindoue est l'artisan de l'incroyable développement que connaît l'Etat du Gujarat qu'il dirige depuis 12 ans. C'est l'antithèse de son adversaire Rahul Gandhi, 4e génération de la dynastie Gandhi-Nehru.
Pour beaucoup de gens, comme pour Roopak Malik, c'est l'homme providentiel. « Le Gujarat a une infrastructure, une importante industrie, le territoire est entièrement irrigué, l'agriculture se développe, les conditions sanitaires et scolaires sont très bonnes. Si Modi arrive au pouvoir, je pense qu'il fera tout son possible pour développer le pays tout entier. Au final, ce à quoi tout le monde aspire, c'est que les enfants puissent aller à l'école, que les hôpitaux soient propres et bien entretenus, qu'il y ait des routes, de l'électricité, de l'eau. Dans le Gujarat, il n'y a jamais de coupure d'électricité et l'eau est fournie 24 heure sur 24, même dans les villages les plus reculés. »
Érigé en exemple, Modi est aussi un personnage controversé. Il a été mis en cause dans les pogroms anti-musulmans dans son Etat en 2002. Ses partisans estiment qu'il n'est pas responsable de ces massacres, et citent l'enquête diligentée par la Cour suprême, qui l'a blanchi.
Ses détracteurs en revanche s'inquiètent de son accession au pouvoir et craignent une montée du nationalisme qui pourrait attiser les tensions entre hindous majoritaires et musulmans, qui représentent environ 15 % de la population.
Reste aussi à savoir si Narendra Modi aura la capacité à reproduire le modèle du Gujarat sur l'ensemble du pays.
« Modi est un très bon communicant. Il a réussi à faire croire que le Gujarat qu'il dirige depuis 2002 est un exemple unique en Inde, explique Jean-Luc Racine, chercheur au CNRS, qui dresse un portrait plus nuancé du leader du BJP. Dans cet Etat, le taux de croissance moyen entre 2000 et 2010 est d'environ 6,8 %. En réalité, six autres Etats ont un chiffre comparable. Modi à la réputation d'avoir une administration efficace et propre, mais il fonctionne dans le cadre d'un Etat dans lequel il a une solide majorité, où il a écarté tout ceux qui le gênent, y compris dans son propre parti. »
Pour Jean-Luc Racine, les choses seront totalement différentes s'il devient Premier ministre, car il sera à la tête d'un gouvernement de coalition et devra faire face à une véritable opposition. La vraie question est donc de savoir « s'il sera capable de gouverner l'Inde tout entière dans sa multiplicité, dans sa complexité, dans ses structures, comme il dirige le Gujarat, où il a finalement peu d'opposants. »
Le parti anti-corruption : la désillusion
Le marathon électoral se termine le 12 mai et les résultats seront annoncés quatre jours plus tard. On prévoit d’ores et déjà qu'aucun parti n'obtiendra la majorité absolue, ce qui laisse présager une longue période de tractations, qui pourrait s'étendre sur plusieurs semaines.
Enfin, un outsider pourrait créer la surprise, le parti de Aam Aadmi (« l'homme ordinaire »), d'Arvind Kejriwal, un ancien inspecteur des impôts reconverti en activiste politique anti-corruption. Kejriwal pourrait remporter quelques sièges dans le nouveau gouvernement. De nombreux experts doutent cependant des capacités de ce parti contestataire de se muer en véritable force politique.
Le parti Aam Aadmi avait fait sensation en décembre dernier en s'emparant du pouvoir aux élections locales à New Delhi. Mais après sept semaines au pouvoir, Kerjiwal a jeté l'éponge. Une démission jugée « théâtrale » et qui en a déçu plus d'un.
Source : Rfi.fr
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