Selon le Conseil constitutionnel, les contours de cette loi étaient trop flous et finalement inapplicables. Une brèche dans laquelle s’est engouffré l’ancien député Gérard Ducray, condamné en 2010 pour harcèlement sexuel : il a obtenu que le Conseil constitutionnel, dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité formulée devant la Cour de cassation, déclare inconstitutionnel le délit pour lequel il avait été condamné et abroge l'article 222-33 du code pénal qui concerne le harcèlement sexuel.
Conséquence : Gérard Ducray est blanchi, une catastrophe pour sa victime, Aline Rigaud. Elle décrit le harcèlement qu’elle a subi : « il m'a fait venir dans son bureau, il m'a touché la cuisse, il m'a caressé le bras, il a voulu m'embrasser. C'était vraiment un prédateur. Il visait toujours le même type de femme : des femmes seules avec enfant et qui n'avaient pas d'argent, alors que lui a plein d'argent, plein de connaissances politiques, c'est un ancien avocat, ancien député, ancien secrétaire d'Etat. Il savait donc très bien à qui s'en prendre. Surtout pas de femmes mariées ou prises. Comme ça, il n'avait pas d'homme qui pouvait lui taper dessus à la sortie du bureau ».
Requalification des procédures en cours
Malgré l’abrogation de l’ancienne loi, tout n’est pas perdu pour les victimes. En attendant la nouvelle loi sur le harcèlement sexuel, d’autres textes existent. Selon la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud Belkacem, les plaintes peuvent et doivent être requalifiées : « la Garde des Sceaux, Christiane Taubira a transmis une instruction au parquet pour demander à ce que l'ensemble des affaires en cours puissent être traitées. Par définition, le délit de harcèlement sexuel n'existe plus dans la loi, il y aura donc des requalifications. Il a été demandé au parquet de faire en sorte que ces cas soient traités et qu'une réponse judiciaire soit apportée pour qu'aucun cas ne reste impuni ».
Or, des associations féministes font remarquer qu’en dépit de la circulaire de la chancellerie, les tribunaux annulent les poursuites pour harcèlement sexuel sans chercher à les requalifier. Des centaines de dossiers seraient ainsi en souffrance.
Pour combler ce vide juridique insoutenable pour les victimes, une nouvelle loi doit être votée d’urgence. Le texte pourrait être soumis au Parlement dès cet été, lors d'une session extraordinaire prévue du 3 juillet au 2 août.
Les différences de taille entre l’ancienne et la nouvelle loi
La nouvelle loi cherche à tenir compte des multiples manières d'harceler, elle inclut notamment la violence psychologique. La précédente mouture interdisait de harceler dans le « but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle » Or, le harcèlement peut causer des traumatismes graves, sans forcément viser un contact sexuel.
Afida, une jeune femme dont les plaintes ont été classées sans suite, décrit son calvaire: « mon supérieur avait un plaisir malsain à me convoquer, me faire traverser tout le bureau, pour lui apporter des classeurs par exemple, pour qu'il puisse regarder mes fesses. Il profitait du fait que j'avais toujours les mains chargées par des classeurs pour voler un bisou dans le cou. Il me mettait des fessées assez douloureuses qui me tétanisaient, devant tout le monde. Il riait, il partait, il ne s'excusait jamais ». La nouvelle loi devrait être faite pour punir des humiliations de ce genre : elle est censée tenir entièrement compte de la violence psychologique.
La limite entre séduction et harcèlement
Mais cette nouvelle définition du harcèlement sexuel ne fait pas l’unanimité. Certains craignent ou font semblant de craindre l’avènement d’un puritanisme à l’américaine.
Pour Tristane Banon, une autre victime « célèbre » qui a porté plainte, sans succès, contre Dominique Strauss-Kahn, la limite entre compliment et harcèlement est facile à distinguer : « le fait de dire à une jeune fille qu’elle a bien fait de mettre un décolleté et que c'est joli, n’a rien à voir avec le fait de dire : on voit tout quand tu te baisses, baisse-toi encore plus pour que je puisse regarder. Je suis ravie que même dans le milieu du travail on puisse dire à une jeune femme qu'elle est jolie, je ne suis pas pour un puritanisme à l'excès, je ne suis pas pour qu'on ne puisse pas prendre l'ascenseur avec une femme, parce qu'on a peur d'avoir une plainte. Il y a des limites à ne pas dépasser, et le dépassement de ces limites doit être sanctionné, la loi doit être faite pour ça », fait valoir l'écrivain.
Marilyn Baldeck, la déléguée générale de l’AVFT, l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, souligne que les harceleurs savent très bien où se situe cette limite : « les harceleurs harcèlent justement parce qu'ils savent qu'ils outrepassent une limite. Ils tirent un plaisir de l'absence de consentement de l'autre. Quand j'entends dire, qu'on ne pourra plus séduire, qu'on ne pourra plus draguer, c'est absolument faux ! Quand j'entends Claire Waquet, l’avocat de Gérard Ducray, dire que la loi sur le harcèlement sexuel permettait de sanctionner un homme qui déposait des roses rouges devant l'appartement d'une collègue, c'est de la pure malhonnêteté intellectuelle et je mets au défi quiconque de trouver un seul arrêt de condamnation portant sur de tels faits ».
Les associations féministes exigent également que les sanctions pour harcèlement sexuel soient à la hauteur. Ca ne semble pas être le cas, puisque la forme la plus grave de harcèlement ne serait pas plus punie que le vol, à savoir trois ans de prison et 45 000 euros d'amende.
RFI
Conséquence : Gérard Ducray est blanchi, une catastrophe pour sa victime, Aline Rigaud. Elle décrit le harcèlement qu’elle a subi : « il m'a fait venir dans son bureau, il m'a touché la cuisse, il m'a caressé le bras, il a voulu m'embrasser. C'était vraiment un prédateur. Il visait toujours le même type de femme : des femmes seules avec enfant et qui n'avaient pas d'argent, alors que lui a plein d'argent, plein de connaissances politiques, c'est un ancien avocat, ancien député, ancien secrétaire d'Etat. Il savait donc très bien à qui s'en prendre. Surtout pas de femmes mariées ou prises. Comme ça, il n'avait pas d'homme qui pouvait lui taper dessus à la sortie du bureau ».
Requalification des procédures en cours
Malgré l’abrogation de l’ancienne loi, tout n’est pas perdu pour les victimes. En attendant la nouvelle loi sur le harcèlement sexuel, d’autres textes existent. Selon la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud Belkacem, les plaintes peuvent et doivent être requalifiées : « la Garde des Sceaux, Christiane Taubira a transmis une instruction au parquet pour demander à ce que l'ensemble des affaires en cours puissent être traitées. Par définition, le délit de harcèlement sexuel n'existe plus dans la loi, il y aura donc des requalifications. Il a été demandé au parquet de faire en sorte que ces cas soient traités et qu'une réponse judiciaire soit apportée pour qu'aucun cas ne reste impuni ».
Or, des associations féministes font remarquer qu’en dépit de la circulaire de la chancellerie, les tribunaux annulent les poursuites pour harcèlement sexuel sans chercher à les requalifier. Des centaines de dossiers seraient ainsi en souffrance.
Pour combler ce vide juridique insoutenable pour les victimes, une nouvelle loi doit être votée d’urgence. Le texte pourrait être soumis au Parlement dès cet été, lors d'une session extraordinaire prévue du 3 juillet au 2 août.
Les différences de taille entre l’ancienne et la nouvelle loi
La nouvelle loi cherche à tenir compte des multiples manières d'harceler, elle inclut notamment la violence psychologique. La précédente mouture interdisait de harceler dans le « but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle » Or, le harcèlement peut causer des traumatismes graves, sans forcément viser un contact sexuel.
Afida, une jeune femme dont les plaintes ont été classées sans suite, décrit son calvaire: « mon supérieur avait un plaisir malsain à me convoquer, me faire traverser tout le bureau, pour lui apporter des classeurs par exemple, pour qu'il puisse regarder mes fesses. Il profitait du fait que j'avais toujours les mains chargées par des classeurs pour voler un bisou dans le cou. Il me mettait des fessées assez douloureuses qui me tétanisaient, devant tout le monde. Il riait, il partait, il ne s'excusait jamais ». La nouvelle loi devrait être faite pour punir des humiliations de ce genre : elle est censée tenir entièrement compte de la violence psychologique.
La limite entre séduction et harcèlement
Mais cette nouvelle définition du harcèlement sexuel ne fait pas l’unanimité. Certains craignent ou font semblant de craindre l’avènement d’un puritanisme à l’américaine.
Pour Tristane Banon, une autre victime « célèbre » qui a porté plainte, sans succès, contre Dominique Strauss-Kahn, la limite entre compliment et harcèlement est facile à distinguer : « le fait de dire à une jeune fille qu’elle a bien fait de mettre un décolleté et que c'est joli, n’a rien à voir avec le fait de dire : on voit tout quand tu te baisses, baisse-toi encore plus pour que je puisse regarder. Je suis ravie que même dans le milieu du travail on puisse dire à une jeune femme qu'elle est jolie, je ne suis pas pour un puritanisme à l'excès, je ne suis pas pour qu'on ne puisse pas prendre l'ascenseur avec une femme, parce qu'on a peur d'avoir une plainte. Il y a des limites à ne pas dépasser, et le dépassement de ces limites doit être sanctionné, la loi doit être faite pour ça », fait valoir l'écrivain.
Marilyn Baldeck, la déléguée générale de l’AVFT, l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, souligne que les harceleurs savent très bien où se situe cette limite : « les harceleurs harcèlent justement parce qu'ils savent qu'ils outrepassent une limite. Ils tirent un plaisir de l'absence de consentement de l'autre. Quand j'entends dire, qu'on ne pourra plus séduire, qu'on ne pourra plus draguer, c'est absolument faux ! Quand j'entends Claire Waquet, l’avocat de Gérard Ducray, dire que la loi sur le harcèlement sexuel permettait de sanctionner un homme qui déposait des roses rouges devant l'appartement d'une collègue, c'est de la pure malhonnêteté intellectuelle et je mets au défi quiconque de trouver un seul arrêt de condamnation portant sur de tels faits ».
Les associations féministes exigent également que les sanctions pour harcèlement sexuel soient à la hauteur. Ca ne semble pas être le cas, puisque la forme la plus grave de harcèlement ne serait pas plus punie que le vol, à savoir trois ans de prison et 45 000 euros d'amende.
RFI
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