Il y a eu des joutes verbales, dans la salle où se tenait l'atelier sur la lutte contre le terrorisme et la prévention de la radicalisation. Quelque 200 personnes ont suivi avec passion les discours des uns et des autres, sur les raisons profondes de la montée du jihadisme en Afrique. Est-ce à cause des puissances occidentales ou des pays du Golfe ? Ou encore des leaders africains, qui pratiquent racket et corruption ?
Dès la matinée, en plénière, l'envoyée spéciale des Nations unies pour le sahel, l'Ethiopienne Hiroute Guebre Sellassie avait eu ce mot : « les jeunes Sahéliens sont gagnés par l'apathie politique, et tant que le chômage restera endémique, les groupes armés trouveront une main d'oeuvre bon marché. »
Pas moins de seize groupes actifs
Selon l'Union africaine, la liste des groupes qualifiés de terroristes et opérant sur le sol du continent ne cesse de s'allonger. Les groupes Al-Shebab, Boko Haram, les FDLR... Pas moins de seize groupes sont aujourd'hui actifs. En 2013, 342 attaques ont été répertoriées. Elles ont fait en six mois près de 3 400 morts, dont 2 400 au Sahara et Maghreb.
Les groupes jihadistes sont ceux dont on parle le plus souvent. Ils ont désormais une stratégie internationale, de la Corne de l'Afrique aux rivages de l'Atlantique. Ces groupes ont des méthodes similaires, notent les chercheurs présents à Dakar. Ils écoutent les populations marginalisées, et portent une offre politique que les Etats de la région ne sont pas en mesure de proposer.
La menace s'est transformée
Les militaires, eux, ont vu la menace se transformer. Autrefois, les terroristes avaient une stratégie du faible au fort. Aujourd'hui, ces groupes deviennent des puissances et cherchent à contrôler des régions entières avec une stratégie de conquête. Face à la militarisation de la zone Sahel-Sahara, un chercheur d'Afrique de l'Ouest conclut en ces termes : « Quand on en vient à répondre militairement à la menace terroriste, c'est trop tard, on a déjà perdu. »
Ce lundi, les invités de ce forum se sont donc consacrés aux causes profondes de cette crise sécuritaire, qui gagne l'Afrique. Place ce mardi aux réponses à apporter à de telles crises. Les chefs d'Etat doivent entrer en piste.
Pour Jean-Yves Le Drian, il y a un risque de « déstabilisation » du Sahel
Présent lors de cette première journée de discussion, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a appelé les Africains à renforcer leur coordination face au défi jihadiste, alertant sur le risque de « déstabilisation » du Sahel depuis le sud de la Libye, et sur la menace représentée par Boko Haram..
« J'ai été amené à alerter sur la situation au sud de la Libye, a-t-il expliqué, car dans ce chaos qui domine ce pays [...], c'est au Sud, que les groupes terroristes, qui interviennent dans la zone sahélo-saharienne, se rééquipent en armes, se ressourcent, s'entraînent, et si on laisse se poursuivre ce mouvement, alors demain il y aura des risques majeurs pour le sud du Sahara.Avant de poursuivre : Il faut que les pays de la zone [ ...] contribuent à ces efforts pour que demain, ce pays retrouve une autorité politique, lui permettant alors de traiter de la question du Sud. »
À propos de la menace « grave » représentée par Boko Haram, le ministre de la Défense a précisé que « la position de la France est de soutenir les efforts effectués par ces quatre pays[ Nigeria, Cameroun, Niger et Tchad, NDLR ] pour s'organiser entre eux, afin d'être en mesure de répondre. C'est pour cette raison que nous souhaitons la mise en place d'un comité de liaison de nature militaire entre les autorités de ces quatre pays pour aider à coordonner leurs actions et leurs capacités de ripostes, et nous mettons à leur disposition plusieurs officiers susceptibles de les accompagner à cet égard. »
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