Quelle est l’importance pour vous de revenir sur les événements de 1958 et sur le compagnonnage Senghor/ Dia, pour en faire des éléments principaux de votre roman ?
SMD : « Le monde est vieux mais l’avenir sort du passé » disait le sage griot Kouyaté qui a conté à Djibril Tamsir Niane l’épopée de Soundjata Keïta.
La jeunesse africaine connaît très peu cette époque déterminante de notre histoire. La rupture entre ces deux hommes constitue un tournant majeur dans la construction de notre nation et dans l’orientation idéologique de notre pays. Aujourd’hui encore elle impacte considérablement la structure sociale du Sénégal et la mentalité des Sénégalais, sans oublier nos liens ambigus avec l’ancienne puissance coloniale qui sont d’une actualité brûlante.
Le « moi » et le « je » sont tout au long du roman et c’est bizarre quand vous parlez des événements de 1958, vous ne cherchez pas à faire la part des choses entre le vécu et la fiction ?
SMD : J’insiste souvent sur le genre littéraire par lequel je m’exprime. Mes textes sont de la pure fiction. Quand je dis que je raconte des histoires, c’est à prendre au sens propre comme au sens figuré. J’utilise des évènements de l’Histoire que je transforme à ma guise, selon mon ressenti et le message que je veux faire passer. Autrement dit, je prends d’énormes libertés avec la réalité. Mon objectif, ce n’est pas de décrire les faits tels qu’ils se sont déroulés, mais d’attirer l’attention de mon lecteur sur cette réalité, en espérant que sa curiosité le pousse à creuser davantage.
A ce propos, Alexandre Dumas disait : « Il est permis de violer l’histoire à condition de lui faire un enfant ».
Le « moi », le « je » mais aussi le « nous » participent à ce genre littéraire que je nommerais « littérature de la palabre transcrite » qui essaie d’allier la chaleur de la parole à la rigueur de l’écrit. Le style impersonnel est aboli. Le narrateur est parti prenant et le lecteur est vivement interpellé.
Pourquoi les intitulés des parties renvoient à des romans bien connus : Enfant noir, Bouts de bois de Dieu, Soleils des indépendances ?
SMD : Un hommage que j’ai voulu rendre aux auteurs de ces romans magnifiques et aux écrivains de leur génération. Camara Laye, Ousmane Sembène et Ahmadou Kourouma ont fait de moi un adolescent heureux. Ces trois ouvrages majeurs de la littérature d’expression française constituent pour moi trois étapes de mon cheminement intellectuel : la découverte des richesses d’une culture, l’engagement partisan et l’engagement dans la transgression. Transgression par rapport à la langue, aux mentalités et à l’ordre établi lorsqu’il est jugé injuste. Le défunt Ahmadou Kourouma est aujourd’hui celui qui m’influence le plus.
Ecrivain subversif par rapport aux autorités d’où la censure d’un de vos romans, mais aussi par rapport à la société, vous employez trop de mots de façon crue ?
SMD]b : Nous y sommes. C’est la particularité de mon style. Lorsque vous ouvrez un de mes romans, soit vous le refermez dès les premières lignes, soit vous le parcourez jusqu’au bout. Ce style n’est pas fortuit mais pas gratuit non plus. On ne censure que ce qui dérange. On ne censure que dans une dictature ou une démocratie imparfaite.
Même si mon écriture peut heurter certaines susceptibilités, je ne pense pas qu’elle déplaise à mes lecteurs en général, surtout aux plus jeunes. Je crois que ce genre de littérature était attendu. Il est même nécessaire à l’heure d’aujourd’hui où le livre vit des moments difficiles à cause des nouvelles technologies de communication.
Vous avez beaucoup parlé des vieillards qui ne servent presque plus à rien, en parlant du conseil des sages, vous ne cherchez pas à dévier notre regard sur Abdoulaye Wade ?
SMD : C’est une image que j’ai voulu utiliser pour montrer qu’on s’accroche encore à des pratiques qui n’ont plus lieu d’être au regard de l’évolution de notre société. On ne se rend pas compte parfois de la futilité dans laquelle on s’engage à perpétuer des gestes traditionnels qui s’apparentent davantage au folklore qu’à une nécessité. Et pourtant nous continuons à y gaspiller beaucoup de temps, d’énergie et d’argent.
Abdoulaye Wade ? (rires)… Mais l’art est ainsi qu’il peut être sujet à plusieurs interprétations.
Vous reprochez aussi beaucoup de choses au pouvoir maraboutique en la personne du marabout Kemtane, pourquoi ?
SMD: Déjà, le mot « marabout » reste à définir. Il apparaît encore très flou dans nos consciences. Est-ce un islamologue érudit, le fils ou le petit-fils d’un érudit, le chef d’une confrérie, ou tout simplement un thaumaturge capable de modifier le destin des hommes ? Au Sénégal, il y a de tout ça dans ce mot.
N’importe qui peut se réveiller un jour, se munir d’un long chapelet à la main et d’un gros turban sur la tête et se déclarer marabout. Ce qui est en cause ici, c’est moins le pouvoir des marabouts que la crédulité des populations. Ce phénomène n’existe qu’au Sénégal qui a fortement tropicalisé les religions révélées.
Quand on ne croit pas en soi, on met son destin entre les mains d’un autre homme censé être plus proche des dieux. Au lui de te dire comment tu dois penser, comment gérer ton foyer, pour qui tu dois voter etc… De telles attitudes sont un frein pour le développement et une menace pour la démocratie.
SMD : « Le monde est vieux mais l’avenir sort du passé » disait le sage griot Kouyaté qui a conté à Djibril Tamsir Niane l’épopée de Soundjata Keïta.
La jeunesse africaine connaît très peu cette époque déterminante de notre histoire. La rupture entre ces deux hommes constitue un tournant majeur dans la construction de notre nation et dans l’orientation idéologique de notre pays. Aujourd’hui encore elle impacte considérablement la structure sociale du Sénégal et la mentalité des Sénégalais, sans oublier nos liens ambigus avec l’ancienne puissance coloniale qui sont d’une actualité brûlante.
Le « moi » et le « je » sont tout au long du roman et c’est bizarre quand vous parlez des événements de 1958, vous ne cherchez pas à faire la part des choses entre le vécu et la fiction ?
SMD : J’insiste souvent sur le genre littéraire par lequel je m’exprime. Mes textes sont de la pure fiction. Quand je dis que je raconte des histoires, c’est à prendre au sens propre comme au sens figuré. J’utilise des évènements de l’Histoire que je transforme à ma guise, selon mon ressenti et le message que je veux faire passer. Autrement dit, je prends d’énormes libertés avec la réalité. Mon objectif, ce n’est pas de décrire les faits tels qu’ils se sont déroulés, mais d’attirer l’attention de mon lecteur sur cette réalité, en espérant que sa curiosité le pousse à creuser davantage.
A ce propos, Alexandre Dumas disait : « Il est permis de violer l’histoire à condition de lui faire un enfant ».
Le « moi », le « je » mais aussi le « nous » participent à ce genre littéraire que je nommerais « littérature de la palabre transcrite » qui essaie d’allier la chaleur de la parole à la rigueur de l’écrit. Le style impersonnel est aboli. Le narrateur est parti prenant et le lecteur est vivement interpellé.
Pourquoi les intitulés des parties renvoient à des romans bien connus : Enfant noir, Bouts de bois de Dieu, Soleils des indépendances ?
SMD : Un hommage que j’ai voulu rendre aux auteurs de ces romans magnifiques et aux écrivains de leur génération. Camara Laye, Ousmane Sembène et Ahmadou Kourouma ont fait de moi un adolescent heureux. Ces trois ouvrages majeurs de la littérature d’expression française constituent pour moi trois étapes de mon cheminement intellectuel : la découverte des richesses d’une culture, l’engagement partisan et l’engagement dans la transgression. Transgression par rapport à la langue, aux mentalités et à l’ordre établi lorsqu’il est jugé injuste. Le défunt Ahmadou Kourouma est aujourd’hui celui qui m’influence le plus.
Ecrivain subversif par rapport aux autorités d’où la censure d’un de vos romans, mais aussi par rapport à la société, vous employez trop de mots de façon crue ?
SMD]b : Nous y sommes. C’est la particularité de mon style. Lorsque vous ouvrez un de mes romans, soit vous le refermez dès les premières lignes, soit vous le parcourez jusqu’au bout. Ce style n’est pas fortuit mais pas gratuit non plus. On ne censure que ce qui dérange. On ne censure que dans une dictature ou une démocratie imparfaite.
Même si mon écriture peut heurter certaines susceptibilités, je ne pense pas qu’elle déplaise à mes lecteurs en général, surtout aux plus jeunes. Je crois que ce genre de littérature était attendu. Il est même nécessaire à l’heure d’aujourd’hui où le livre vit des moments difficiles à cause des nouvelles technologies de communication.
Vous avez beaucoup parlé des vieillards qui ne servent presque plus à rien, en parlant du conseil des sages, vous ne cherchez pas à dévier notre regard sur Abdoulaye Wade ?
SMD : C’est une image que j’ai voulu utiliser pour montrer qu’on s’accroche encore à des pratiques qui n’ont plus lieu d’être au regard de l’évolution de notre société. On ne se rend pas compte parfois de la futilité dans laquelle on s’engage à perpétuer des gestes traditionnels qui s’apparentent davantage au folklore qu’à une nécessité. Et pourtant nous continuons à y gaspiller beaucoup de temps, d’énergie et d’argent.
Abdoulaye Wade ? (rires)… Mais l’art est ainsi qu’il peut être sujet à plusieurs interprétations.
Vous reprochez aussi beaucoup de choses au pouvoir maraboutique en la personne du marabout Kemtane, pourquoi ?
SMD: Déjà, le mot « marabout » reste à définir. Il apparaît encore très flou dans nos consciences. Est-ce un islamologue érudit, le fils ou le petit-fils d’un érudit, le chef d’une confrérie, ou tout simplement un thaumaturge capable de modifier le destin des hommes ? Au Sénégal, il y a de tout ça dans ce mot.
N’importe qui peut se réveiller un jour, se munir d’un long chapelet à la main et d’un gros turban sur la tête et se déclarer marabout. Ce qui est en cause ici, c’est moins le pouvoir des marabouts que la crédulité des populations. Ce phénomène n’existe qu’au Sénégal qui a fortement tropicalisé les religions révélées.
Quand on ne croit pas en soi, on met son destin entre les mains d’un autre homme censé être plus proche des dieux. Au lui de te dire comment tu dois penser, comment gérer ton foyer, pour qui tu dois voter etc… De telles attitudes sont un frein pour le développement et une menace pour la démocratie.
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