La situation alimentaire au Soudan du Sud est « la pire au monde ». Face à ce constat, dressé vendredi par le Conseil de sécurité des Nations unies, l’ONU enjoint aux pays donateurs qui s’étaient engagés lors de la conférence d’Oslo, en mai dernier, à « tenir leurs engagements et à augmenter leur contribution ».
Un million d'enfants touchés
« Bien que le conflit soit concentré dans trois États du Soudan du Sud, une personne sur trois – environ 3,9 millions de personnes, un chiffre considérable – est confrontée à des niveaux dangereux d’insécurité alimentaire, la plupart d’entre elles ne sachant pas quand et comment elles se procureront leur prochain repas », insistent l’Unicef et le Programme alimentaire mondial dans une déclaration commune, publiée ce vendredi. Sur ces près de 4 millions de personnes en situation d'insécurité alimentaire, un quart sont des enfants de moins de cinq ans. Et l'Unicef prévient que si rien n'est fait, 50 000 enfants risquent de mourir d'ici la fin de l'année.
« La crise s'aggrave rapidement », rapporte James Elder, directeur des communications de l'Unicef pour l'Afrique de l'Est. « Même avant le début de la guerre, la situation n'était pas bonne. C'est un pays très jeune, avec très peu d'infrastructures, très peu d'accès aux soins. Cela s'améliorait un peu chaque année. Mais ces sept derniers mois, tous les progrès ont été anéantis. Plus d'un demi-million d'enfants ont été déplacés. Ils manquent de nourriture et d'eau. Ils seront bientôt touchés par le choléra. Tout cela combiné pousse toujours les indicateurs de nutrition dans le rouge. Désormais, nous sommes dans l'urgence, c'est pourquoi nous parlons d'une famine imminente », insiste-t-il au micro de RFI.
A Malakal, « une scène d'horreur »
Parmi les régions les plus touchées par cette crise, la ville de Malakal, dans l’Etat du Nil Supérieur, dans le nord du pays. James Elder s’est rendu dans cette région, gravement touchée par la guerre. Il décrit « une scène d’horreur ».
« Un quart de million de personnes y vivaient. Mais maintenant, c’est une ville fantôme. On a l’impression qu’elle a subi une série de catastrophes naturelles. D’abord les incendies. Tout a été brûlé ou pillé. Ensuite un tremblement de terre. Car beaucoup d’immeubles ont été détruits par les tirs de mortier. Et maintenant, on a l’impression que des cyclones s’en prennent à la ville, car c’est la saison des pluies », rapporte James Elder. Plusieurs dizaines de milliers d’habitants ont trouvé refuge dans la base des Nations unies, mais celle-ci « n’est pas adaptée à une telle affluence », insiste le porte-parole de l’Unicef. Mais faute de mieux, les réfugiés y restent. « C’est le seul endroit sécurisé qu’ils connaissent. »
« Je n’ai jamais vu les gens vivre dans de telles conditions. Vous avez des chaises, des matelas posés dans l’eau stagnante. Des familles entières installées dans la boue. Tout est envahi par la boue. Ça rend la vie et les déplacements incroyablement difficiles. J’ai mis 40 minutes pour parcourir seulement 400 m. Les gens ne font que glisser, tomber et se relever », raconte-t-il. Pour lui, « on ne peut pas attendre. Ces enfants ne peuvent pas attendre. Et la communauté internationale, elle, ne doit pas attendre ».
Appel à la mobilisation internationale
A l’issue de la conférence d’Oslo, les pays donateurs avaient promis de débloquer 600 millions de dollars - soit 438 millions d’euros -, pour répondre aux besoins humanitaires des populations du Soudan du Sud. En mai dernier, avant le début de la conférence d'Osla, le Programme alimentaire mondial estimait les besoin à 1,8 milliard de dollars pour la seule année 2014 - dont 515 millions seulement avaient alors été provisionnés. Sur les 418 millions d’euros promis à Oslo par la communauté internationale, les Etats-Unis oent apporté près de la moitié, le Royaume-Uni 73 millions, l’Union européenne 55 millions et la Norvège 46 millions.
Mais, face à l’accentuation de la crise, l’Unicef et le PAM craignent « que le reste du monde ne laisse se répéter ce qui s’est produit en Somalie et dans la corne de l’Afrique il y a seulement trois ans alors que les alertes initiales de famine extrême et de malnutrition croissante étaient dans l’ensemble restées lettre morte jusqu’à l’annonce des niveaux officiels de famine. »
« Ne pas choisir entre les enfants d'un pays ou d'un autre »
« Je crois que la communauté internationale met du temps à réagir, car il y a beaucoup de crises. La demande dépasse de loin l’offre », avance James Elder, de l'Unicef Afrique de l'Est, qui juge que « beaucoup se joue au niveau politique ». « Les situations en Syrie, en Irak, en Ukraine, à Gaza, tout cela a des conséquences. Tout dépend jusqu’à quel point les gouvernements peuvent encaisser toutes les crises. Et, bien sûr, nous ne devons pas choisir entre les enfants d’un pays ou d’un autre. Mais nous savons que l’aide à fournir maintenant sera beaucoup plus chère dans quelques mois quand la famine sera réellement là. Nous avons vu cela il y a trois ans dans la Corne de l’Afrique. Le temps qu’il a fallu pour déclarer l’état de famine, la moitié des enfants touchés étaient déjà morts. Donc il faut agir maintenant. »
Source : Rfi.fr
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