Ce vendredi, vers 18h, heure locale, des tirs d'armes automatiques se sont fait entendre à Juba, notamment aux alentours du palais présidentiel. Au même moment, le président Salva Kiir et son vice-président Riek Machar donnaient une conférence de presse au palais présidentiel. Une conférence au cours de laquelle les deux dirigeants ont indiqué qu'ils ne pouvaient expliquer ce qui se passait dehors. Mais tous deux ont appelé au calme, calme qui est revenu aux alentours de 20h.
Cet incident illustre bien la volatilité de la situation dans le pays. L'Etat est ruiné, l'inflation frôle les 300 %, deux millions de personnes ont fui leur maison, cinq millions dépendent de l'aide alimentaire d'urgence. Dans la région de Wau, des affrontements armés font rage depuis un mois entre communautés rivales. Et les provinces reculées sont régulièrement le théâtre de combats sporadiques.
L'International Crisis Group a enjoint la semaine dernière les garants du fragile accord de paix à « agir de toute urgence pour empêcher le pays de retomber dans un conflit à grande échelle ». Et même le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, de passage en février, avait déploré « l'espoir trahi par ceux qui ont placé le pouvoir et le profit au-dessus de leur peuple ».
Contentieux persistants
La crainte de tous, c'est de voir le Soudan du Sud basculer à nouveau dans la guerre civile. Le conflit avait éclaté en décembre 2013 au sein de l'armée nationale, minée par des dissensions alimentées par la rivalité entre le président Salva Kiir et son vice-président Riek Machar (voir encadré). Malgré de forts espoirs de paix placés dans le retour de Riek Machar à Juba, l'équilibre politique du plus jeune pays du monde reste très précaire. Car les sujets de contentieux entre le président Kiir et son vice-président ne manquent pas, par exemple les lieux de cantonnement de leurs armées respectives.
Daniel Booth, l'envoyé spécial américain au Soudan du Sud, constate un réel manque de confiance au sein de l'exécutif : « Un des commandants de l'opposition a été assassiné il y a quelques jours à Juba, ce qui a renforcé la crainte que les forces alignées au président Salva Kiir [puissent] agir en toute impunité. De son côté, le gouvernement soupçonne l'opposition de recruter et de renforcer sa position dans la capitale en préparation de combats à venir. »
Or la communauté internationale veut des gages de bonne volonté, pour financer la mise en place de l'accord de paix. « Nous avons eu des rencontres prometteuses et des décisions importantes ont été prises en juin dernier, mais elles n'ont pas été mises en place, regrette Daniel Booth. Un certain nombre de choses qui seraient assez facile à faire, comme lever l'état d'urgence ou relâcher les prisonniers de guerre, n'ont pas été faites. La semaine dernière, le ministre de l'Information a une nouvelle fois attribué le retard de la mise en œuvre de ces accords de paix au manque de financement de la communauté internationale. Et ce n'est clairement pas le cas. »
L'enjeu du pétrole
En attendant, la situation économique continue de se dégrader. L'or noir reste la plus grande richesse du pays, mais son exportation est largement tributaire des relations avec Khartoum.
En 2011, le Soudan du Sud fait sécession en emportant les trois quarts des ressources pétrolières du Soudan. Juba tire alors la quasi totalité de ses recettes de l'or noir, mais le jeune pays manque d'infrastructures, et ne peut exporter son pétrole sans l'aide du voisin du nord. Les deux pays doivent donc cohabiter, sur fond d'un conflit armé qui s'envenime pour la maitrise de l'Abiyié, riche région pétrolifère que les deux pays veulent contrôler.
Alors pour que le Soudan du Sud rallie la mer rouge, prérequis indispensable pour vendre son pétrole, Juba doit utiliser les oléoducs soudanais, mais les deux Soudans peinent à s'accorder sur les frais de passage. Las, Khartoum prélève ses taxes directement dans le pétrole sud-soudanais, qui en réaction arrête sa production en 2012. Mais avec une économie totalement dépendante du baril, le Soudan du Sud reprend la production un an plus tard. Avec la chute du cours du baril et les tarifs de Khartoum, Juba vend à perte. Ce n'est qu'en février 2016 que les deux pays déclarent avoir trouvé un terrain d'entente pour l'utilisation des oléoducs soudanais.
Avec une économie exsangue, un gouvernement paralysé par les rivalités, et un risque sécuritaire permanent, le pays n'a donc pas vraiment le coeur à la fête. D'ailleurs, aucune célébration n'aura lieu ce samedi pour marquer les cinq ans de l'indépendance.
■ Décembre 2013, le jeune pays bascule dans la guerre civile...
Ils sont ennemis jurés et se partagent pourtant le pouvoir au Soudan du Sud. Salva Kiir est président, Riek Machar vice-président. Ensemble, ils entretiennent aujourd'hui un semblant d'équilibre dans le plus jeune Etat du monde. Semblant, car le risque est grand que l'on retombe dans la profonde crise politique des dernières années.
En 2013, le président accuse Riek Machar, pourtant du même bord politique que lui, de fomenter un coup d'Etat. Salva Kiir, de l’ethnie Dinka, démet de ses fonctions Riek Machar, qui est lui Neuer. La crise politique dégénère en un conflit armé qui prend vite une coloration ethnique.
La guerre s’éternise, et ce n'est que deux ans plus tard, à l'été 2015, et après des dizaines de milliers de morts qu'un accord de paix est enfin signé. Celui-ci implique notamment le retour de Riek Machar à Juba pour reprendre son poste de vice-président. Mais le chef de guerre refuse de rentrer, car il n'a pas confiance et craint pour sa sécurité. Ce n'est qu'en avril 2016 qu'il pose enfin les pieds à Juba, après deux ans d’absence.
Aujourd'hui, un gouvernement de transition a été formé selon les termes de l'accord de paix, dans lequel sont divisées les différentes prérogatives ministérielles entre les deux camps. La prochaine étape prévue par l'accord de 2015 est la mise en place d'un tribunal international pour juger les crimes de guerre commis durant la crise... mais ce dernier point fait encore débat dans le camp présidentiel.
Source: Rfi.fr
Cet incident illustre bien la volatilité de la situation dans le pays. L'Etat est ruiné, l'inflation frôle les 300 %, deux millions de personnes ont fui leur maison, cinq millions dépendent de l'aide alimentaire d'urgence. Dans la région de Wau, des affrontements armés font rage depuis un mois entre communautés rivales. Et les provinces reculées sont régulièrement le théâtre de combats sporadiques.
L'International Crisis Group a enjoint la semaine dernière les garants du fragile accord de paix à « agir de toute urgence pour empêcher le pays de retomber dans un conflit à grande échelle ». Et même le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, de passage en février, avait déploré « l'espoir trahi par ceux qui ont placé le pouvoir et le profit au-dessus de leur peuple ».
Contentieux persistants
La crainte de tous, c'est de voir le Soudan du Sud basculer à nouveau dans la guerre civile. Le conflit avait éclaté en décembre 2013 au sein de l'armée nationale, minée par des dissensions alimentées par la rivalité entre le président Salva Kiir et son vice-président Riek Machar (voir encadré). Malgré de forts espoirs de paix placés dans le retour de Riek Machar à Juba, l'équilibre politique du plus jeune pays du monde reste très précaire. Car les sujets de contentieux entre le président Kiir et son vice-président ne manquent pas, par exemple les lieux de cantonnement de leurs armées respectives.
Daniel Booth, l'envoyé spécial américain au Soudan du Sud, constate un réel manque de confiance au sein de l'exécutif : « Un des commandants de l'opposition a été assassiné il y a quelques jours à Juba, ce qui a renforcé la crainte que les forces alignées au président Salva Kiir [puissent] agir en toute impunité. De son côté, le gouvernement soupçonne l'opposition de recruter et de renforcer sa position dans la capitale en préparation de combats à venir. »
Or la communauté internationale veut des gages de bonne volonté, pour financer la mise en place de l'accord de paix. « Nous avons eu des rencontres prometteuses et des décisions importantes ont été prises en juin dernier, mais elles n'ont pas été mises en place, regrette Daniel Booth. Un certain nombre de choses qui seraient assez facile à faire, comme lever l'état d'urgence ou relâcher les prisonniers de guerre, n'ont pas été faites. La semaine dernière, le ministre de l'Information a une nouvelle fois attribué le retard de la mise en œuvre de ces accords de paix au manque de financement de la communauté internationale. Et ce n'est clairement pas le cas. »
L'enjeu du pétrole
En attendant, la situation économique continue de se dégrader. L'or noir reste la plus grande richesse du pays, mais son exportation est largement tributaire des relations avec Khartoum.
En 2011, le Soudan du Sud fait sécession en emportant les trois quarts des ressources pétrolières du Soudan. Juba tire alors la quasi totalité de ses recettes de l'or noir, mais le jeune pays manque d'infrastructures, et ne peut exporter son pétrole sans l'aide du voisin du nord. Les deux pays doivent donc cohabiter, sur fond d'un conflit armé qui s'envenime pour la maitrise de l'Abiyié, riche région pétrolifère que les deux pays veulent contrôler.
Alors pour que le Soudan du Sud rallie la mer rouge, prérequis indispensable pour vendre son pétrole, Juba doit utiliser les oléoducs soudanais, mais les deux Soudans peinent à s'accorder sur les frais de passage. Las, Khartoum prélève ses taxes directement dans le pétrole sud-soudanais, qui en réaction arrête sa production en 2012. Mais avec une économie totalement dépendante du baril, le Soudan du Sud reprend la production un an plus tard. Avec la chute du cours du baril et les tarifs de Khartoum, Juba vend à perte. Ce n'est qu'en février 2016 que les deux pays déclarent avoir trouvé un terrain d'entente pour l'utilisation des oléoducs soudanais.
Avec une économie exsangue, un gouvernement paralysé par les rivalités, et un risque sécuritaire permanent, le pays n'a donc pas vraiment le coeur à la fête. D'ailleurs, aucune célébration n'aura lieu ce samedi pour marquer les cinq ans de l'indépendance.
■ Décembre 2013, le jeune pays bascule dans la guerre civile...
Ils sont ennemis jurés et se partagent pourtant le pouvoir au Soudan du Sud. Salva Kiir est président, Riek Machar vice-président. Ensemble, ils entretiennent aujourd'hui un semblant d'équilibre dans le plus jeune Etat du monde. Semblant, car le risque est grand que l'on retombe dans la profonde crise politique des dernières années.
En 2013, le président accuse Riek Machar, pourtant du même bord politique que lui, de fomenter un coup d'Etat. Salva Kiir, de l’ethnie Dinka, démet de ses fonctions Riek Machar, qui est lui Neuer. La crise politique dégénère en un conflit armé qui prend vite une coloration ethnique.
La guerre s’éternise, et ce n'est que deux ans plus tard, à l'été 2015, et après des dizaines de milliers de morts qu'un accord de paix est enfin signé. Celui-ci implique notamment le retour de Riek Machar à Juba pour reprendre son poste de vice-président. Mais le chef de guerre refuse de rentrer, car il n'a pas confiance et craint pour sa sécurité. Ce n'est qu'en avril 2016 qu'il pose enfin les pieds à Juba, après deux ans d’absence.
Aujourd'hui, un gouvernement de transition a été formé selon les termes de l'accord de paix, dans lequel sont divisées les différentes prérogatives ministérielles entre les deux camps. La prochaine étape prévue par l'accord de 2015 est la mise en place d'un tribunal international pour juger les crimes de guerre commis durant la crise... mais ce dernier point fait encore débat dans le camp présidentiel.
Source: Rfi.fr
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