Vieillissement du corps enseignant de l'UCAD: une menace sur l’équilibre de l’institution

Ces enseignants dont les effectifs sont estimés  entre 1200 et 1300 dont 1/4 quart de femmes, (non compris les vacataires) pour un effectif global de 80 000 étudiants, ont pour la plus part à peu près le même âge. D’où le risque de voir la grande majorité d’entre eux franchir dans la même période la limite d’âge de 65 ans, fixée par la législation Sénégalaise pour servir dans l’enseignement supérieur et qui est valable pour l’ensemble des grades: professeurs agrégés, maîtres de conférences, assistants et maitres-assistants.

De cette situation va découler, à coup sûr  l’aggravation du faible taux d’encadrement actuel et le manque notoire d’expériences des enseignants appelés à prendre le relais de leurs ainés sans avoir eu le temps nécessaire de les côtoyer dans les amphis et les laboratoires.

L’explication qu’en donnent des sources proches de l’institution est liée surtout à l’incohérence notoire de la politique de recrutement de l’Etat pour le secteur qui n’obéit, dit-on, à aucun souci de respect des normes d’encadrement en vigueur dans l’enseignement supérieur, et la prise en compte de l’évolution rapide des flux d’étudiants dans le secteur au Sénégal. Car même si l’institution a enregistré le recrutement de quelques nouveaux professeurs ces dix dernières années, leur nombre reste tout de même largement en deçà de toutes les attentes de l’institution.

Le plus grand paradoxe noté  dans cette affaire c’est qu’au même moment où se pose cette question cruciale de  vieillissement du corps professoral de l’UCAD et du faible taux d’encadrement des étudiants au sein des universités publiques Sénégalaises en général, (le ratio étant de l’ordre de 1/70  contre 1/37 selon la norme);  près de 1100 nouveaux doctorants officiellement recensés continuent de frapper sans succès à la porte des universités Sénégalaises, renseigne Ndiouga BENGA, le responsable du département d’histoire de l’UCAD.

Ce dernier a même laissé entendre qu’un nombre important d’autres jeunes chercheurs issus d’universités étrangères n’ont pas été répertoriés. Et tous ne demandent pas moins qu’à venir renforcer le personnel très déficitaire du corps enseignant des universités et qui fait que ceux qui tiennent les cours sont parfois très surchargés à cause des nombreuses heures de cours complémentaires qu’ils ont à effectuer. Une disposition face à laquelle le gouvernement a toujours fait la sourde oreille pour n’autoriser quelquefois que 26postes à recruter par la Fonction publique contre un besoin total annuel estimé entre 1200 et 3000enseignants. La raison souvent avancée c’est que pour le recrutement le gouvernement est souvent suspendu à la bénédiction de la Banque Mondiale (Bm) qui finance beaucoup le secteur.
Ces jeunes chercheurs n’ont même pas la possibilité d’exercer dans les universités privées Sénégalaises où la dimension de la recherche est souvent reléguée en marge de leurs activités.
Recrutement massif des professeurs dans les années 80
 Les enseignants de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) aujourd’hui vieillissant ont été recrutés dans la même époque, soit dans les années 1980, une période dans laquelle les coopérants étrangers, particulièrement les français, qui enseignaient dans les différentes facultés de l’institution, avaient fini de rompre avec l’institution. C’était  le début de la Senegalisation accélérée de l’enseignement universitaire sénégalais, qui a été surtout favorisée à l’époque par le retour massif de beaucoup de jeunes diplômés des universités occidentales.

Ce sont les mêmes professeurs qui continuent à enseigner en Médecine, Histoire, Géographie, Lettres et Sciences humaines, Anthropologie, etc. En somme, des filières classiques dont la qualité des diplômés ainsi que la grande célébrité de certains de ces laboratoires de recherche comme celui de Carbone 14, du célèbre Egyptologue sénégalais le Pr Cheikh Anta Diop, celui qui donnera plus tard son nom à l’institution, ont pendant longtemps fait la fierté de cette université, qui était la plus courue par des étudiants francophones hors de l’Hexagone, dont la date de création remonte un peu avant l’accession du pays à l’indépendance.

Cette université qui a été longtemps le seul déversoir de tous les bacheliers de l’enseignement général a vu en un laps de temps très court ses effectifs grossir de façon exponentielle au point de poser un sérieux problème d’accueil et d’encadrement. Rien qu’à la faculté des Lettres et Sciences Humaines où les effectifs d’étudiants frôlent cette année les 30.000,  le ratio professeur étudiant est de 1’ordre d’1 professeur pour 400 étudiants donc largement en deçà de la norme internationale qui est d’1professeur pour 37 étudiants, renseigne Seydi Ababacar Ndiaye, le patron du Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (SAES). Un syndicat qui n’a cessé de faire de la question du recrutement de nouveaux professeurs, un point central de ses revendications.

Ainsi, contrairement aux autres universités publiques sénégalaises créées après 2000, (l’année de la grande Alternance politique  du pays) et qui sont pour la plupart spécialisées dans les filières émergentes (l’Agriculture, Sciences, techniques, technologies, techniques de l’Information et de la Communication), l’UCAD est restée cantonnée dans les filières classiques que sont Histoire, Géographie, Lettres Modernes et Linguistique ainsi qu’en  Médecine et Pharmacie.

Une situation qui, à en croire certains responsables de l’Institution, est à l’origine à la fois de la massification des effectifs (27 à 30mille étudiants pour la seule faculté des Lettres), et un taux élevé de diplômés chômeurs sortants  de  cette Université. Car ces derniers n’ont souvent pas d’autres débouchées que le secteur de l’enseignement qui, de nos jours commence également à connaitre la saturation.

Cependant dans les nouvelles universités comme celle de Ziguinchor qui compte dans ses programmes des programmes comme la Philosophie, la Sociologie, la Géographie et la linguistique, renseigne, le Pr Mamadou Ndiaye, également médiateur de l’UCAD, parfois ce sont les mêmes profs de l’UCAD qui font la navette pour assurer des cours. Des déplacements dont le coût est parfois jugé exorbitant d’autant plus qu’il faut leur payer à chaque fois les billets d’avion, les frais d’hébergement sans compter leurs honoraires horaires estimés à 7 500f / heure pour une durée moyenne de 15jours par descente.
 
Source :Sudonline