​Les relations Israël-ONU au point de rupture?



Les relations notoirement difficiles entre Israël et les Nations unies ont sombré au plus bas depuis le 7 octobre. La récente escalade contre le Hezbollah au Liban a encore attisé les flammes.

La semaine dernière, c'est du haut de la tribune même de l'Assemblée générale de l'ONU que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a à nouveau sonné la charge. «Jusqu'à ce qu'Israël, jusqu'à ce que l'Etat juif, soit traité comme les autres nations, jusqu'à ce que ce marécage antisémite soit asséché, l'ONU sera considérée par les gens justes comme rien de plus qu'une farce méprisante», a-t-il lancé jeudi.

Israël, qui s'est très vite vu accuser de «génocide» dans sa guerre contre le Hamas à Gaza parmi les rangs onusiens, a contre-attaqué en taxant l'organisation d'antisémitisme et va jusqu'à reprocher à son secrétaire général Antonio Guterres d'être «un complice de la terreur».

Relations «franchement mauvaises»
Les relations avec l'ONU «se sont grandement détériorées» et elles sont passées «de mauvaises à franchement mauvaises», constate Cyrus Schayegh, professeur d'histoire internationale à l'Institut universitaire de hautes études internationales de Genève.

Depuis les attaques sans précédent du Hamas en Israël il y a prêt d'un an, agences onusiennes et tribunal international ont condamné la brutalité de la riposte israélienne à Gaza.

«Trahison»
«Nous avons le sentiment que l'ONU a trahi Israël», confie à l'AFP l'ambassadeur israélien auprès de l'ONU à Genève, Daniel Meron. L'attaque du 7 octobre a entraîné la mort de 1205 personnes, principalement des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur les chiffres officiels israéliens qui incluent les otages tués en captivité.

Sur les 251 otages capturés par les militants, 97 sont toujours détenus à Gaza, dont 33 que l'armée israélienne déclare morts. Les représailles militaires israéliennes ont coûté la vie à plus de 41500 personnes à Gaza, en majorité des civils, selon le ministère de la Santé du territoire contrôlé par le Hamas.

Nulle agence de l'ONU n'a été plus critiquée et attaquée, souvent physiquement, par Israël que l'UNRWA, qui s'occupe des réfugiés palestiniens. Mais au sein de l’organisation internationale personne n'a été épargné.

Les appels à la démission d'Antonio Guterres ont débuté peu après le 7 octobre, quand il a souligné que l'attaque du Hamas «ne s'est pas produite dans le vide». «Le peuple palestinien a été soumis à 56 ans d'occupation étouffante», avait-il ajouté.

Visé par un tiers des résolutions
Israël se plaint de longue date de ce qu'il perçoit comme un biais de l'ONU à son encontre et en veut pour preuve la longue liste de résolutions visant le pays. Depuis la création du Conseil des droits de l'homme en 2006, plus d'un tiers des 300 résolutions de condamnation ont visé Israël, affirme son ambassadeur à Genève, qui trouve ce nombre «stupéfiant».

Les critiques rappellent eux que depuis sa création en 1948, le pays ignore une multitude de résolutions de l'ONU et de décisions de tribunaux internationaux condamnant ses actions.

Ni la résolution 194 sur le droit au retour des Palestiniens chassés lors de la création d'Israël, ni la condamnation de l'occupation des territoires conquis en 1967, ni celle de la création de colonies illégales n'ont été respectées.

En permettant à Israël de rester dans une situation de «non-respect du droit international, l'Occident a fait croire aux Israéliens qu'ils sont au-dessus du droit international», déclare à l'AFP Riccardo Bocco, professeur de sociologie politique à l'Institut universitaire de Genève.

«L'impunité règne»
Ce manque de conséquences tangibles «a rendu les parties au conflit plus impudentes», note Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme dans un entretien avec l'AFP.

«Nous avons tiré la sonnette d'alarme à maintes reprises et maintenant, on a l'impression que l'impunité règne», dit-elle, dénonçant les incessantes attaques «inacceptables» y compris de la part de hauts responsables israéliens.

C'est toutefois l'UNRWA qui paye le prix fort et le prix du sang. Après qu'il a été démontré qu'une poignée de ses 13'000 employés à Gaza ont été directement impliqués dans les attaques du 7 octobre, d'importants donateurs ont coupé provisoirement les vivres à l'agence.

Son patron, le Neuchâtelois Philippe Lazzarini, a accusé Israël de vouloir «systématiquement démanteler» l'UNRWA qui a vu nombre de ses infrastructures détruites dans la bande de Gaza, où 220 employés ont été tués.

Francesca Albanese, experte indépendante, nommée par le Conseil des droits de l'homme (CDH), en charge des territoires palestiniens, s'est demandé récemment «s'il ne faudrait pas s'interroger sur l'adhésion» à l'ONU, «pour laquelle Israël semble n'avoir aucun respect?». Mme Albanese est vilipendée par les autorités israéliennes, dont l'ambassadeur Meron qui la traite d'"antisémite».

Des collègues de la juriste italienne s'inquiètent des conséquences à long terme pour une ONU constamment remise en cause ou ignorée.

Pedro Arrojo-Agudo, l'expert sur le droit à l'eau potable du CDH résume: «Nous allons faire exploser l'ONU si nous ne réagissons pas».

Le Devoir

Mardi 1 Octobre 2024 11:47


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