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300 civils utilisés comme boucliers humains par l'armée russe : le calvaire des otages raconté par une victime de 64 ans (Récit)

En mars 2022, le village ukrainien de Yahidné a été le théâtre d'une atrocité. Trois cents (300) civils, dont des enfants, ont été retenus prisonniers dans une grotte par l'armée russe et utilisés comme boucliers humains.



Ivan Polhui (64 ans), photo prise devant la cave où il a passé 27 jours
Ivan Polhui (64 ans), photo prise devant la cave où il a passé 27 jours
Yahidné, 3 mars 2022 – C'est le jour où tout a basculé pour Ivan Polhui, 64 ans, employé de l'administration. Ce jour-là, comme de nombreux autres villageois, il est forcé de quitter sa maison pour se réfugier dans le sous-sol de l'école de son village.

Ce n'était pas un abri, mais une véritable « prison » imposée par les troupes russes, qui avaient transformé Yahidné, une paisible localité au nord de Kiev, en champ de bataille. Pour Ivan et les 300 autres civils du village, ce fut le début d'une descente aux enfers.

« Nous servions de boucliers humains », se souvient Ivan, la voix encore empreinte de douleur. Pendant 27 jours, il fut enfermé avec ses trois petites-filles dans une cave exiguë, tandis que l'armée russe occupait l'école, utilisant les civils comme protection contre les frappes ukrainiennes.

L’invasion qui a frappé Yahidné n’était qu’un épisode parmi tant d'autres, mais pour ceux qui y ont survécu, ce fut une horreur indescriptible.
 
 

Village Yadhine, la route qui mène vers l'école
Village Yadhine, la route qui mène vers l'école
Un village dévasté, ses habitants pris au piège
 
Dans ce coin reculé de l'Ukraine, le village de Yahidné, peu connu à l'étranger, porte en lui une histoire de souffrance et de résilience. Un peu plus de deux ans auparavant, le 24 février 2022, la Russie lançait son offensive à grande échelle, frappant de plein fouet ce village.

Dans les ruelles étroites, là où des rues se croisent, la vie tentait tant bien que mal de continuer. L’école et la garderie, symboles d’une vie communautaire, portent encore les cicatrices de cette angoisse collective.

Ce 27 septembre 2024, Yahidné était désert. Les quelques habitants restants, ceux qui n’avaient pas réussi à fuir, étaient pris en otage par une armée prête à tout.

Environ 200 personnes périrent dans ce village autrefois paisible. La plupart des civils, comme Ivan, furent contraints de vivre dans des conditions inhumaines, entassés dans une cave de 150 m² où chaque personne disposait à peine de 0,5 m², l’équivalent de l’espace occupé par une chaise.

Les jours s'écoulaient et l'air devenait irrespirable. L'humidité stagnante se transformait en condensation qui ruisselait sur les captifs. La nourriture, rare et insuffisante, se résumait à un morceau de pain, quelques biscuits, des haricots en conserve et une bouteille d'eau, distribuée tous les deux jours.

La lumière n'était allumée que quatre heures par jour, plongeant la cave dans une obscurité oppressante le reste du temps. « Les enfants pleuraient, les vieillards suffoquaient, et les morts… les morts restaient parmi nous pendant des jours », raconte Ivan, évoquant ces corps abandonnés dans la cave.
 
 

Photo prise à l'intérieur de la cave où 300 civils ont été détenus
Photo prise à l'intérieur de la cave où 300 civils ont été détenus
Terreur omniprésente et morts silencieuses
 
Les soldats russes, souvent enivrés par la « vodka », frappaient sans discernement, raconte notre interlocuteur. Chaque sortie de la cave était un aller simple vers la mort. Ceux qui osaient s’aventurer à l'extérieur pour prendre un peu d'air frais ne revenaient jamais. « Ils les tuaient dans la forêt », murmure Ivan.

Certains villageois mouraient lentement dans cette prison souterraine, d'autres étaient abattus sous les coups des envahisseurs.

Onze personnes périrent dans la cave, étouffées par la promiscuité ou terrassées par la maladie. Parmi les captifs, un bébé d'un mois en sortit gravement affaibli, manquant de vitamines et de soins élémentaires.
 


Le retour à la liberté : entre espoir et désillusion

Le 30 mars 2022, les forces ukrainiennes réussirent à libérer Yahidné, mais cette libération ne marqua pas la fin du calvaire. « Nos jambes étaient engourdies. Nous ne pouvions plus marcher après être restés assis si longtemps », se souvient Ivan.

Le village était truffé de mines, les portes des maisons piégées, des grenades dissimulées sous des jouets d'enfants. Le retour à une vie normale semblait hors de portée.

Pour Ivan Polhui, les cicatrices sont profondes et la colère demeure. « Je ne peux pas pardonner aux Russes. Je veux les voir périr et nourrir la terre ukrainienne », lâche-t-il, le regard durci par des mois de souffrance.

Aujourd'hui, Yahidné tente de renaître de ses cendres. Mais de nombreux survivants ne veulent plus revenir, hantés par les souvenirs des morts, des tortures et de cette cave, devenue le symbole de l'horreur de la guerre. Pour Ivan et ses petites-filles, l'avenir reste incertain, tandis que le spectre de ces événements continue de les poursuivre.

Ce reportage a été réalisé dans le cadre d'une visite médiatique organisée par l'Ukraine Crisis Media Centre (UCMC), en collaboration avec Journalists for Justice (JFJ)

Fana CiSSE

Mardi 22 Octobre 2024 - 15:36


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