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Jean-Yves Ollivier : « Joseph Kony était prêt à faire la paix en 2006 »

L’année 2012 a été marquée par la médiatisation de la campagne « Stop Kony », lancée par l’ONG américaine Invisible Children. Fortement relayée sur les réseaux sociaux, cette campagne a pour but de se mobiliser sur les exactions commises en Centrafrique par Joseph Kony et son Armée de résistance du seigneur (LRA) depuis 1987. Un paramètre est méconnu de la plupart des soutiens d’Invisible Children : en 2006, Joseph Kony a proposé de poser les armes… mais la Cour pénale internationale a refusé cet accord. Depuis lors, Joseph Kony et la LRA continuent leurs massacres.



Jean-Yves Ollivier : « Joseph Kony était prêt à faire la paix en 2006 »
Une campagne médiatique… pour rien ?
 
En mars 2012, l’ONG Invisible Children met en ligne un film de 30 minutes, « Kony 2012 », qui rappelle les exactions de Joseph Kony depuis les années 80. A la tête de son Armée de résistance du Seigneur, il terrorise les populations civiles dans une zone comprise entre le nord de la République démocratique du Congo, l’est de la Centrafrique et le Sud-Soudan. Son but initial était de renverser le Président ougandais Yoweri Museveni et d’installer un système théocratique. Mais la croisade de Joseph Kony ressemble plus à une guerre terroriste avec son lot d’atrocités : massacres et pillages de villages, enlèvements d’enfants (qui deviennent majoritairement soldats-enfants), viols de jeunes filles…
 
Face aux révélations du film d’Invisible Children sur un sujet alors inconnu de presque tous, l’émotion et la mobilisation sont grandes. Depuis mars dernier, le film a été vu près de 100 millions de fois. L’opération « Stop Kony 2012 » se met en place. Le but : médiatiser la personne de Jospeh Kony pour forcer les organisations internationales à l’arrêter. Des personnalités du spectacle s’engagent, comme Oprah Winfrey, Angelina Jolie, Chris Brown ou Justin Bieber.
 
Huit mois plus tard, quel sont les résultats ? Il n’y en a aucun. Joseph Kony est pourtant recherché par la Cour pénale internationale depuis 2005 pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Malgré cela, il est toujours libre et continue son terrorisme, tuant des milliers de personnes.
 
Un échec d’autant plus décevant que d’après les récentes révélations de Jean-Yves Ollivier, Joseph Kona avait accepté en 2006 de poser les armes. Une proposition refusée la Cour pénale internationale. Depuis six ans, Joseph Kona et son armée contineunt donc leurs crimes.
 
La paix pour 2.500 têtes de bétail et trois maisonnettes
 
En 2006, le président ougandais Yoweri Museveni demande à l’ancien Président du Mozambique,  Joaquim Chissano, d’entreprendre une médiation pour faire cesser les activités de Joseph Kony. Joaquim Chissano est accompagné de Jean-Yves Ollivier, homme d’affaires français et habitué de la diplomatie parallèle (il a notamment participé aux discussions sur la libération de Nelson Mandela et la fin de l’apartheid en Afrique du Sud).

Dans un article publié sur Slate Afrique, Jean-Yves Ollivier revient sur la rencontre surréaliste entre Chissano et Kony et l’on apprend que Kony était prêt à mettre fin à ses actions à condition qu’aucune poursuite internationale ne soit engagée contre lui. Une condition refusée par la Cour pénale internationale.
 
Voici le témoignage de Jean-Yves Ollivier : « au terme de longs pourparlers, Chissano obtint de Kony l’arrêt de sa croisade politico-religieuse et son départ à la retraite, tranquillement dans un village, en échange de 2.500 têtes de bétail et de trois maisonnettes, pour lui et ses deux épouses. Je ne l'aurais pas cru, moi-même, si je n’avais pas été là ! Kony était prêt à faire la paix et à garder ses vaches, si seulement il était à l’abri de poursuites. Hélas, bien que Chissano se déplaçât en personne à La Haye pour négocier avec la Cour pénale internationale, le procureur de la CPI d’alors, l’Argentin Luis Moreno-Ocampo, refusa net au nom du sacro-saint principe de «l’impunité». Quitte à punir des dizaines de milliers de civils, non seulement en Ouganda, mais aussi au Congo-Kinshasa et en République centrafricaine qui, depuis, ont été suppliciés par la LRA, une armée de desperados plus cruelle que jamais pour n’avoir plus rien à perdre. Bref, en fermant la porte de sortie à Kony, la CPI a ouvert à un cortège d’innocents un boulevard de souffrances »
 
Et Jean-Yves Ollivier de conclure : « Joseph Kony court toujours. S’il était arrêté demain, il faudrait juger avec lui la CPI. Pour complicité ». En effet, Joseph Kony reste introuvable depuis plusieurs années et la LRA continue ses exactions.

Les négligences des organisations internationales
 
Dans un rapport publié en mai 2011, Human Right Watch estime que depuis 2008, la LRA avait tué « plus de 2.400 civils, enlevé 3.400 autres, dont beaucoup d’enfants, et été à l’origine du déplacement de plus de 400.000 personnes de leur domicile ». Face à ce chaos, Human Right Watch estime même que « les armées nationales et les Casques bleus des Nations unies ont bien trop souvent laissé des civils terrifiés faire face seuls à la menace ».
 
Décidément, les organismes internationaux sont bien négligents lorsqu’il s’agit de régler des conflits internes à l’Afrique.
Mardi 18 Décembre 2012
François Delleporte



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