Le président sénégalais, Abdoulaye Wade, le 4 avril 2010 à Dakar.
Chaque samedi à la nuit tombante, des milliers de jeunes souvent dans le besoin se rassemblent devant la résidence du plus populaire des cheikhs mourides, confrérie musulmane. Ce thiant tient de la veillée religieuse, du bureau d'aide sociale et du resto du coeur. Après des heures d'attente sur le sable, les fidèles s'agenouillent devant leur sauveur et, moyennant une offrande, lui confient leurs soucis. Logement, habillement, amour, santé... Béthio Thioune, richissime disciple de feu le khalife Serigne Saliou Mbacké, dispense largesses et conseils. "Pour le baptême de mon fils, il m'a donné un mouton", témoigne un fidèle. Un autre affirme avoir reçu une maison.
Alors que la première préoccupation de la masse des jeunes désoeuvrés consiste à assurer leur prochain repas, Béthio Thioune offre le dîner. Il distribue aussi des consignes politiques. Fin mars, le cheikh a appelé ses talibés à s'inscrire sur les listes électorales et a renouvelé son soutien à Abdoulaye Wade. En 2007, ses fidèles avaient assuré le service d'ordre musclé des meetings de campagne du président.
Des incantations d'un tout autre type retentissent au pied de l'écrasante statue construite par la Corée du Nord "pour durer mille deux cents ans", selon M. Wade. Devant ses pairs africains, le président appelle de ses voeux "les Etats-Unis d'Afrique". Le style de la cérémonie est à l'image du régime : centré sur la personne du président. Des tee-shirts bleu et jaune, couleurs du parti présidentiel, ont été distribués aux Dakarois convoyés par bus pour l'acclamer. La cérémonie s'achèvera non par l'hymne national, mais par l'Hymne à la renaissance africaine, composé par M. Wade lui-même.
Elu en 2000 en promettant le changement, le vieil opposant a "réveillé le pays", dit un économiste en évoquant les chantiers routiers et l'amélioration du taux de scolarisation. Mais ses annonces incessantes, souvent sans lendemain, masquent de moins en moins l'exaspération sociale. Sporadiques, les "émeutes de la faim" de 2008 et 2009 résultent d'une "défaillance de la gouvernance", analyse un rapport de l'Institut français des relations internationales (IFRI) publié en mars. Le document pointe l'incapacité de l'agriculture à nourrir le pays.
"Nous qui sommes en bas, on ne sent pas qu'on nous aide, constate Pape Cissé, 27 ans, réparateur de téléviseurs à Pikine, immense banlieue où s'entassent les ex-ruraux. Le prix des denrées augmente : je mange tout ce que je gagne. Je connais des gens qui ne dînent pas."
La corruption en haut lieu est désormais symbolisée par la valise de billets remise par M. Wade au représentant du Fonds monétaire international à Dakar lors de son départ, en septembre 2009. La traditionnelle laïcité, elle, est bousculée par la prodigalité du président à l'égard de la confrérie mouride. Phénomène nouveau, des imams ont pris la tête des protestations contre les coupures d'électricité.
"Le régime repose sur un homme seul, vieillissant, qui n'écoute personne", assène un diplomate occidental. "Le président est entouré d'une cour qui le rend aveugle et sourd", confie l'un de ses anciens conseillers. "Le Parlement a été marginalisé et la justice fragilisée", s'inquiète Mohammed Mbodj, de Transparency International.
Pourtant, des médias sans complaisance, une opposition vivace et la liberté d'expression manifestée par les simples citoyens contredisent l'idée d'une démocratie sénégalaise en danger. La défaite de Karim Wade, fils du président, à l'élection municipale de Dakar en 2009 et la récente publication par une agence officielle d'un rapport accablant sur les marchés publics illégaux figurent parmi les signes d'une vie démocratique d'une intensité rare en Afrique.
Les rodomontades du président présentant comme le "parachèvement de l'indépendance" la fermeture par la France de sa base militaire de Dakar semblent être accueillies dans l'indifférence. Sur Internet, un "collectif citoyen" dénonce le Monument de la renaissance africaine comme un symbole de régression politique, appelant, déjà, à le "déboulonner au moins symboliquement".
Source: Le Monde.fr
Alors que la première préoccupation de la masse des jeunes désoeuvrés consiste à assurer leur prochain repas, Béthio Thioune offre le dîner. Il distribue aussi des consignes politiques. Fin mars, le cheikh a appelé ses talibés à s'inscrire sur les listes électorales et a renouvelé son soutien à Abdoulaye Wade. En 2007, ses fidèles avaient assuré le service d'ordre musclé des meetings de campagne du président.
Des incantations d'un tout autre type retentissent au pied de l'écrasante statue construite par la Corée du Nord "pour durer mille deux cents ans", selon M. Wade. Devant ses pairs africains, le président appelle de ses voeux "les Etats-Unis d'Afrique". Le style de la cérémonie est à l'image du régime : centré sur la personne du président. Des tee-shirts bleu et jaune, couleurs du parti présidentiel, ont été distribués aux Dakarois convoyés par bus pour l'acclamer. La cérémonie s'achèvera non par l'hymne national, mais par l'Hymne à la renaissance africaine, composé par M. Wade lui-même.
Elu en 2000 en promettant le changement, le vieil opposant a "réveillé le pays", dit un économiste en évoquant les chantiers routiers et l'amélioration du taux de scolarisation. Mais ses annonces incessantes, souvent sans lendemain, masquent de moins en moins l'exaspération sociale. Sporadiques, les "émeutes de la faim" de 2008 et 2009 résultent d'une "défaillance de la gouvernance", analyse un rapport de l'Institut français des relations internationales (IFRI) publié en mars. Le document pointe l'incapacité de l'agriculture à nourrir le pays.
"Nous qui sommes en bas, on ne sent pas qu'on nous aide, constate Pape Cissé, 27 ans, réparateur de téléviseurs à Pikine, immense banlieue où s'entassent les ex-ruraux. Le prix des denrées augmente : je mange tout ce que je gagne. Je connais des gens qui ne dînent pas."
La corruption en haut lieu est désormais symbolisée par la valise de billets remise par M. Wade au représentant du Fonds monétaire international à Dakar lors de son départ, en septembre 2009. La traditionnelle laïcité, elle, est bousculée par la prodigalité du président à l'égard de la confrérie mouride. Phénomène nouveau, des imams ont pris la tête des protestations contre les coupures d'électricité.
"Le régime repose sur un homme seul, vieillissant, qui n'écoute personne", assène un diplomate occidental. "Le président est entouré d'une cour qui le rend aveugle et sourd", confie l'un de ses anciens conseillers. "Le Parlement a été marginalisé et la justice fragilisée", s'inquiète Mohammed Mbodj, de Transparency International.
Pourtant, des médias sans complaisance, une opposition vivace et la liberté d'expression manifestée par les simples citoyens contredisent l'idée d'une démocratie sénégalaise en danger. La défaite de Karim Wade, fils du président, à l'élection municipale de Dakar en 2009 et la récente publication par une agence officielle d'un rapport accablant sur les marchés publics illégaux figurent parmi les signes d'une vie démocratique d'une intensité rare en Afrique.
Les rodomontades du président présentant comme le "parachèvement de l'indépendance" la fermeture par la France de sa base militaire de Dakar semblent être accueillies dans l'indifférence. Sur Internet, un "collectif citoyen" dénonce le Monument de la renaissance africaine comme un symbole de régression politique, appelant, déjà, à le "déboulonner au moins symboliquement".
Source: Le Monde.fr
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