Cela n’aurait pu être qu’un sordide fait-divers. Mais « l’affaire Zouhoura » est devenue une affaire d’Etat au Tchad. Zouhoura, de son vrai nom Zara Mahamat Yosko, est une jeune fille de 16 ans. Le 8 février, elle est accostée sur le chemin de son lycée à N’Djamena par un groupe de jeunes garçons, à peine plus âgés qu’elle. « Ils étaient cinq dans une voiture. Trois sont descendus et ils ont tapé ma copine » raconte-t-elle au Monde de sa voix fluette. « Puis ils m’ont tapée, m’ont mise dans leur voiture et emmenée dans un endroit inconnu, une petite maison où deux autres garçons les ont rejoints en moto. Ils m’ont déshabillée, frappée. Ils ont pris des photos, filmé. Ils n’ont donné aucune raison. Ils ont juste dit que je ne les salue pas à l’école. »
Avant de la relâcher, la petite bande ordonne à la jeune fille de se taire, « de faire tout ce qu’ils demandent », sinon ils diffuseront film et photos sur les réseaux sociaux. Au Tchad, l’honneur d’une famille est étroitement lié à la réputation de ses filles. Mais Zouhoura raconte les sévices qu’elle a subis à ses parents. La police est alertée. Parmi les agresseurs présumés, certains sont des fils de général. Celui du ministre des affaires étrangères est également cité. Une jeunesse dorée que la rue à N’Djamena qualifie d’« intouchable ». L’affaire prend dès lors une tournure politique.
Déby « en père de famille scandalisé »
Le film et les photos du supplice de Zouhoura qui circulent sur Internet dans des groupes de discussion privés sont rendus publics le 13 février. Les portraits des violeurs présumés également. L’indignation contre ces gosses du pouvoir qui baignent dans l’impunité enfle sur les réseaux sociaux. A N’Djamena, les autorités tentent tout d’abord de minimiser l’affaire. Zouhoura affirme très opportunément à la télévision nationale qu’elle n’a pas été violée et demande à ses concitoyens de ne pas manifester. « Elle a subi des pressions » affirme son oncle, Mahamat Brahim Ali, réfugié politique en France. Le père de la jeune fille est candidat d’un petit parti d’opposition à l’élection présidentielle, prévue en avril. Au Tchad, comme dans la diaspora, certains craignent que le pouvoir étouffe le scandale. Mais lundi 15 février, des femmes, des étudiants, des élèves sortent dans les rues pour demander « justice pour Zouhoura ». La réponse est brutale. Un lycéen de 17 ans, Abachou Hassan Ousman, est tué par les forces de l’ordre.
Idriss Déby qui vient de lancer sa campagne en vue de sa réélection sent la colère de la rue monter. « C’est en père de famille scandalisé que je réagis pour la première fois sur Facebook pour exprimer toute mon indignation suite à cet acte ignoble et innommable que des délinquants ont fait subir à la jeune Zouhoura, écrit, lundi soir, le chef de l’Etat tchadien. Je condamne fermement cet acte et rassure toutes les filles, toutes les mères, tous les jeunes, bref tous les Tchadiens, que justice sera rendue et que plus jamais cela ne se répètera. »
Contestation en province
Dès le lendemain, le parquet annonce l’interpellation de cinq jeunes mis en cause. Trois autres sont arrêtés mercredi 17 février. « Sans qu’aucune plainte ne soit déposée (...) nous avons déclenché l’action publique », explique le procureur de la République, Bruno Louapambe Mahouli. Selon une source judiciaire proche de l’enquête, six des huit garçons interpellés ont reconnu les faits. Tous sont inculpés d’enlèvement, séquestration, viol et placés sous mandat de dépôt. Le procureur promet également que les responsables de la mort d’Abachou Hassan Ousman « seront traduits devant les tribunaux ».
Mercredi, jeudi et vendredi, les manifestations ont gagné des villes de province. Le pouvoir n’a aucune crainte pour les futures élections. Le jeu politique, en bonne partie verrouillé, ne mobilise plus. En revanche, les questions sociétales peuvent servir de détonateur à une contestation plus large. « Le pouvoir sait qu’il a perdu la jeunesse urbaine, les étudiants. Ils ne sont pas politisés, pas contrôlés par la société civile mais on voit de plus en plus de mouvements de jeunesse qui prennent conscience de leur force » note une bonne source sur place. « L’affaire Zouhoura sert d’exutoire », ajoute une autre. Aux côtés des manifestants, Moussa résumait jeudi les ressorts de la mobilisation : « On en a marre ! 25 ans de pouvoir de Déby c’est trop mais on ne peut rien y faire. La vie est tellement chère. Les gens en profitent pour réclamer ce qui manque, surtout la justice et la dignité. » Zouhoura, elle, ne dit rêver que d’une chose : quitter le Tchad.
Avant de la relâcher, la petite bande ordonne à la jeune fille de se taire, « de faire tout ce qu’ils demandent », sinon ils diffuseront film et photos sur les réseaux sociaux. Au Tchad, l’honneur d’une famille est étroitement lié à la réputation de ses filles. Mais Zouhoura raconte les sévices qu’elle a subis à ses parents. La police est alertée. Parmi les agresseurs présumés, certains sont des fils de général. Celui du ministre des affaires étrangères est également cité. Une jeunesse dorée que la rue à N’Djamena qualifie d’« intouchable ». L’affaire prend dès lors une tournure politique.
Déby « en père de famille scandalisé »
Le film et les photos du supplice de Zouhoura qui circulent sur Internet dans des groupes de discussion privés sont rendus publics le 13 février. Les portraits des violeurs présumés également. L’indignation contre ces gosses du pouvoir qui baignent dans l’impunité enfle sur les réseaux sociaux. A N’Djamena, les autorités tentent tout d’abord de minimiser l’affaire. Zouhoura affirme très opportunément à la télévision nationale qu’elle n’a pas été violée et demande à ses concitoyens de ne pas manifester. « Elle a subi des pressions » affirme son oncle, Mahamat Brahim Ali, réfugié politique en France. Le père de la jeune fille est candidat d’un petit parti d’opposition à l’élection présidentielle, prévue en avril. Au Tchad, comme dans la diaspora, certains craignent que le pouvoir étouffe le scandale. Mais lundi 15 février, des femmes, des étudiants, des élèves sortent dans les rues pour demander « justice pour Zouhoura ». La réponse est brutale. Un lycéen de 17 ans, Abachou Hassan Ousman, est tué par les forces de l’ordre.
Idriss Déby qui vient de lancer sa campagne en vue de sa réélection sent la colère de la rue monter. « C’est en père de famille scandalisé que je réagis pour la première fois sur Facebook pour exprimer toute mon indignation suite à cet acte ignoble et innommable que des délinquants ont fait subir à la jeune Zouhoura, écrit, lundi soir, le chef de l’Etat tchadien. Je condamne fermement cet acte et rassure toutes les filles, toutes les mères, tous les jeunes, bref tous les Tchadiens, que justice sera rendue et que plus jamais cela ne se répètera. »
Contestation en province
Dès le lendemain, le parquet annonce l’interpellation de cinq jeunes mis en cause. Trois autres sont arrêtés mercredi 17 février. « Sans qu’aucune plainte ne soit déposée (...) nous avons déclenché l’action publique », explique le procureur de la République, Bruno Louapambe Mahouli. Selon une source judiciaire proche de l’enquête, six des huit garçons interpellés ont reconnu les faits. Tous sont inculpés d’enlèvement, séquestration, viol et placés sous mandat de dépôt. Le procureur promet également que les responsables de la mort d’Abachou Hassan Ousman « seront traduits devant les tribunaux ».
Mercredi, jeudi et vendredi, les manifestations ont gagné des villes de province. Le pouvoir n’a aucune crainte pour les futures élections. Le jeu politique, en bonne partie verrouillé, ne mobilise plus. En revanche, les questions sociétales peuvent servir de détonateur à une contestation plus large. « Le pouvoir sait qu’il a perdu la jeunesse urbaine, les étudiants. Ils ne sont pas politisés, pas contrôlés par la société civile mais on voit de plus en plus de mouvements de jeunesse qui prennent conscience de leur force » note une bonne source sur place. « L’affaire Zouhoura sert d’exutoire », ajoute une autre. Aux côtés des manifestants, Moussa résumait jeudi les ressorts de la mobilisation : « On en a marre ! 25 ans de pouvoir de Déby c’est trop mais on ne peut rien y faire. La vie est tellement chère. Les gens en profitent pour réclamer ce qui manque, surtout la justice et la dignité. » Zouhoura, elle, ne dit rêver que d’une chose : quitter le Tchad.
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