Deux rapports d’institutions financières majeures ont attiré notre attention ces temps derniers.
Il s’agit du « Rapport Pays » 2024 de la Banque Africaine de Développement (BAD) et de celui de la Banque Mondiale sur la dette.
Ces rapports tranchent d’avec ceux du passé, en ce qu’ils sont éloignés du dithyrambe habituel sur la « robustesse » de la croissance économique d’un Sénégal au seuil de l’émergence économique.
Dette et transformation structurelle font l’objet d’un examen critique, voilant à peine les responsabilités du régime précédent en la matière.
Sur les infrastructures du PSE, la BAD conclut avec sévérité qu’elles n’ont pas permis d’atteindre les objectifs de croissance espérés, encore moins de mettre le pays sur Les rails d’une émergence économique prévue pour 2035.
En voici quelques extraits :
« Sur la période 2014-2023, l’économie du Sénégal a connu un dynamisme sans précèdent, se traduisant par un taux de croissance moyen annuel de 5,3% contre 3.1% entre 2004 et 2013.
Cette performance s’explique par la mise en œuvre d’infrastructures majeures ;
Cependant cette croissance ne semble pas s’opérer dans un processus plus inclusif à travers une amélioration de la productivité.
Le rythme de croissance impulsé par le Plan Sénégal Emergent (PSE) ne semble pas avoir créé des emplois en quantité et en qualité suffisantes pour réduire la pauvreté et les inégalités.
Cette situation montre également que les investissements structurels mis en œuvre n’auraient pas encore atteint le niveau susceptible d’impulser la transformation structurelle du pays.
Le financement de cette croissance soulève des questions de viabilité des finances publiques ;
La construction des infrastructures, à travers le financement extérieur, a entrainé une hausse significative de la dette publique qui est passée de 20 % du PIB en 2008 à 80 % en 2023
Les taux d’intérêt élevés dus à la perception du risque des pays africains et des notations défavorables des agences de notation internationales, ont renchéri le service de la dette qui représente plus de 33% des recettes publiques en 2023 et devient alors l’un des postes les plus importants du budget, réduisant significativement l’espace budgétaire ».
Concernant la situation de l’économie, le rapport poursuit
Ces propos se passent de commentaires.
Là ou le rapport parle de « niveau » insuffisant d’investissements, nous aurions préféré que l‘on dise plutôt « inefficience » dans le choix des investissements.
En effet, pour l’essentiel, ceux-ci n’ont pas impulsé un rythme soutenu de croissance endogène par transformation industrielle, ni généré des retours financiers qui auraient permis l’allègement de l’encours global de la dette.
Les autorités en charge des finances ont préféré, en cas de besoin, la « reprofiler » en usant de la « cavalerie financière ».
Le rapport de la Banque mondiale, quant à lui, est concentré sur la dette.
Celle-ci de par son ampleur, saperait l’efficacité du budget de l’état, avec près du 1/3 des dépenses consacrées au paiement de la dette.
Le rapport sur la dette arrive chronologiquement dans un contexte de contestation par le Premier Ministre Ousmane Sonko, du montant de 15 000 milliards de FCFA annoncé par l’équipe sortante,.
L’institution financière intervenant en dernier ressort, aggrave la note en avançant le chiffre de 24 889 milliards de FCFA, soit un accroissement de 66% par rapport à l’encours initial.
A notre sens, la conséquence la plus dommageable est que cette réévaluation intervient dans le contexte de la mise en œuvre de la 1ère phase (2025-2029) de l’Agenda national de transformation « Sénégal 2050 » dont le financement est estimé à 18 500 milliards de francs CFA.
En effet, ces nouveaux chiffres vont sans doute bouleverser les schémas initiaux de mise en œuvre de ce projet, parce qu’ils auront été élaborés à partir de statistiques erronées, en particulier ceux relatifs à la capacité d’endettement.
La Banque mondiale ajoute que « l’architecture financière internationale actuelle ne serait pas très favorable pour le financement de la transformation structurelle du Sénégal, du fait de la perception du risque sur le marché international des capitaux, des notations défavorables des agences financières internationales ».
Au-delà de la dette, le rapport admet également que les investissements structurels mis en œuvre n’ont pas permis d’atteindre le niveau susceptible d’impulser la transformation structurelle du pays.
A notre sens, il conviendrait sur ce point de parler « d’efficience » au lieu de « niveau de mise en œuvre » ; car il ne s’agit pas de persévérer dans la réalisation d’infrastructures de prestige ruineuses, mais de réorienter les investissements vers des infrastructures économiquement structurantes.
Ce propos sonne comme un désaveu du PSE, dont le financement a multiplié la dette du pays par 8 depuis 2012.
De ces rapports découlent les constats suivants :
La croissance économique générée sur la période n’a pas créé d’emplois significatifs ; le secteur informel demeure le principal pourvoyeur d’emplois du pays (90% des emplois) ;
Cette croissance est erratique, sujette à variations en fonction de la croissance agricole et de la bonne rémunération de nos ressources minières et naturelles (Or non monétaire, titane, zircon, produits de la pêche, phosphates, arachide, tourisme etc.) pour l’essentiel exportées sans transformation ou peu transformées. Faute de valeur ajourée, les revenus d’exportation n’ont pas l’impact financier suffisant pour faire face au service de la dette et à la couverture des besoins essentiels des populations ;
La croissance ne vient pas des entreprises industrielles, mais du secteur des services (banque, assurances, tourisme etc), et faiblement du secteur industriel et agricole.
La croissance n’est pas tirée par le secteur privé local.
Les institutions multilatérales conviennent d’ailleurs que : « L’accès au financement demeure un goulet d’étranglement majeur qui entrave la transformation structurelle », ce qui revient à dire que le secteur privé n’est pas mis dans les conditions de jouer son rôle d’acteur principal de l’émergence économique.
Ceci est une forme de reconnaissance du rôle de secteur privé dans la transformation structurelle ; or le secteur privé local est financièrement réprimé par le système bancaire, en particulier par des banques mues par le profit immédiat, ayant une préférence pour des remplois liquides non risqués, prises en étau entre les normes prudentielles dissuasives de la BCEAO et les lenteurs dans les décisions de justices lorsque des contentieux surviennent.
Cette question qui touche à la politique monétaire et bancaire, est d’ailleurs en contradiction avec la recommandation faite à la BCEAO, de « persister dans le resserrement monétaire » pour la maitrise de l’inflation.
La croissance sous sa forme actuelle, est appauvrissante du fait du poids du service de la dette sur des budgets étriqués, aux recettes rabotées par la sous valorisation de nos richesses naturelles et minières.
L’étroitesse budgétaire conduit à arbitrer entre le règlement à bonne date des échéances d’emprunts et la nécessité de couvrir les dépenses sociales essentielles (éducation, santé et protection des populations contre la vie chère).
Cette dette est de plus en plus décriée parce qu’insoutenable pour les économies, ce qui conduit depuis quelques temps les partenaires financiers à prôner la réforme de l’architecture financière internationale actuelle.
Cette idée portée par les institutions de Bretton Woods, est de plus en plus agitée, compte tenu du développement incontrôlé des marchés financiers, dont les états sont devenus les clients, et qui jouent un rôle d’amplification des crises financières systémiques depuis 2008.
La croissance est portée par l’état via la réalisation d’infrastructures et non par le secteur privé ;
L’état s’est complu dans la posture d’un état keynésien initiateur de grands travaux, générateurs de croissance.
Aussi la dette est devenue abyssale (133% du RNB), ce qui milite en faveur des tenants d’un abandon de créances.
Il y a 26 ans, c’était l’initiative PPTE, dispositif global de réduction de la dette des pays pauvres très endettés mis en place par le FMI et la Banque Mondiale.
Aujourd’hui on peut caractériser la situation de « Retour à la case départ », du fait de la charge intolérable du service de la dette sur les budgets nationaux.
Il s’agit du « Rapport Pays » 2024 de la Banque Africaine de Développement (BAD) et de celui de la Banque Mondiale sur la dette.
Ces rapports tranchent d’avec ceux du passé, en ce qu’ils sont éloignés du dithyrambe habituel sur la « robustesse » de la croissance économique d’un Sénégal au seuil de l’émergence économique.
Dette et transformation structurelle font l’objet d’un examen critique, voilant à peine les responsabilités du régime précédent en la matière.
Sur les infrastructures du PSE, la BAD conclut avec sévérité qu’elles n’ont pas permis d’atteindre les objectifs de croissance espérés, encore moins de mettre le pays sur Les rails d’une émergence économique prévue pour 2035.
En voici quelques extraits :
« Sur la période 2014-2023, l’économie du Sénégal a connu un dynamisme sans précèdent, se traduisant par un taux de croissance moyen annuel de 5,3% contre 3.1% entre 2004 et 2013.
Cette performance s’explique par la mise en œuvre d’infrastructures majeures ;
Cependant cette croissance ne semble pas s’opérer dans un processus plus inclusif à travers une amélioration de la productivité.
Le rythme de croissance impulsé par le Plan Sénégal Emergent (PSE) ne semble pas avoir créé des emplois en quantité et en qualité suffisantes pour réduire la pauvreté et les inégalités.
Cette situation montre également que les investissements structurels mis en œuvre n’auraient pas encore atteint le niveau susceptible d’impulser la transformation structurelle du pays.
Le financement de cette croissance soulève des questions de viabilité des finances publiques ;
La construction des infrastructures, à travers le financement extérieur, a entrainé une hausse significative de la dette publique qui est passée de 20 % du PIB en 2008 à 80 % en 2023
Les taux d’intérêt élevés dus à la perception du risque des pays africains et des notations défavorables des agences de notation internationales, ont renchéri le service de la dette qui représente plus de 33% des recettes publiques en 2023 et devient alors l’un des postes les plus importants du budget, réduisant significativement l’espace budgétaire ».
Concernant la situation de l’économie, le rapport poursuit
Ces propos se passent de commentaires.
Là ou le rapport parle de « niveau » insuffisant d’investissements, nous aurions préféré que l‘on dise plutôt « inefficience » dans le choix des investissements.
En effet, pour l’essentiel, ceux-ci n’ont pas impulsé un rythme soutenu de croissance endogène par transformation industrielle, ni généré des retours financiers qui auraient permis l’allègement de l’encours global de la dette.
Les autorités en charge des finances ont préféré, en cas de besoin, la « reprofiler » en usant de la « cavalerie financière ».
Le rapport de la Banque mondiale, quant à lui, est concentré sur la dette.
Celle-ci de par son ampleur, saperait l’efficacité du budget de l’état, avec près du 1/3 des dépenses consacrées au paiement de la dette.
Le rapport sur la dette arrive chronologiquement dans un contexte de contestation par le Premier Ministre Ousmane Sonko, du montant de 15 000 milliards de FCFA annoncé par l’équipe sortante,.
L’institution financière intervenant en dernier ressort, aggrave la note en avançant le chiffre de 24 889 milliards de FCFA, soit un accroissement de 66% par rapport à l’encours initial.
A notre sens, la conséquence la plus dommageable est que cette réévaluation intervient dans le contexte de la mise en œuvre de la 1ère phase (2025-2029) de l’Agenda national de transformation « Sénégal 2050 » dont le financement est estimé à 18 500 milliards de francs CFA.
En effet, ces nouveaux chiffres vont sans doute bouleverser les schémas initiaux de mise en œuvre de ce projet, parce qu’ils auront été élaborés à partir de statistiques erronées, en particulier ceux relatifs à la capacité d’endettement.
La Banque mondiale ajoute que « l’architecture financière internationale actuelle ne serait pas très favorable pour le financement de la transformation structurelle du Sénégal, du fait de la perception du risque sur le marché international des capitaux, des notations défavorables des agences financières internationales ».
Au-delà de la dette, le rapport admet également que les investissements structurels mis en œuvre n’ont pas permis d’atteindre le niveau susceptible d’impulser la transformation structurelle du pays.
A notre sens, il conviendrait sur ce point de parler « d’efficience » au lieu de « niveau de mise en œuvre » ; car il ne s’agit pas de persévérer dans la réalisation d’infrastructures de prestige ruineuses, mais de réorienter les investissements vers des infrastructures économiquement structurantes.
Ce propos sonne comme un désaveu du PSE, dont le financement a multiplié la dette du pays par 8 depuis 2012.
De ces rapports découlent les constats suivants :
La croissance économique générée sur la période n’a pas créé d’emplois significatifs ; le secteur informel demeure le principal pourvoyeur d’emplois du pays (90% des emplois) ;
Cette croissance est erratique, sujette à variations en fonction de la croissance agricole et de la bonne rémunération de nos ressources minières et naturelles (Or non monétaire, titane, zircon, produits de la pêche, phosphates, arachide, tourisme etc.) pour l’essentiel exportées sans transformation ou peu transformées. Faute de valeur ajourée, les revenus d’exportation n’ont pas l’impact financier suffisant pour faire face au service de la dette et à la couverture des besoins essentiels des populations ;
La croissance ne vient pas des entreprises industrielles, mais du secteur des services (banque, assurances, tourisme etc), et faiblement du secteur industriel et agricole.
La croissance n’est pas tirée par le secteur privé local.
Les institutions multilatérales conviennent d’ailleurs que : « L’accès au financement demeure un goulet d’étranglement majeur qui entrave la transformation structurelle », ce qui revient à dire que le secteur privé n’est pas mis dans les conditions de jouer son rôle d’acteur principal de l’émergence économique.
Ceci est une forme de reconnaissance du rôle de secteur privé dans la transformation structurelle ; or le secteur privé local est financièrement réprimé par le système bancaire, en particulier par des banques mues par le profit immédiat, ayant une préférence pour des remplois liquides non risqués, prises en étau entre les normes prudentielles dissuasives de la BCEAO et les lenteurs dans les décisions de justices lorsque des contentieux surviennent.
Cette question qui touche à la politique monétaire et bancaire, est d’ailleurs en contradiction avec la recommandation faite à la BCEAO, de « persister dans le resserrement monétaire » pour la maitrise de l’inflation.
La croissance sous sa forme actuelle, est appauvrissante du fait du poids du service de la dette sur des budgets étriqués, aux recettes rabotées par la sous valorisation de nos richesses naturelles et minières.
L’étroitesse budgétaire conduit à arbitrer entre le règlement à bonne date des échéances d’emprunts et la nécessité de couvrir les dépenses sociales essentielles (éducation, santé et protection des populations contre la vie chère).
Cette dette est de plus en plus décriée parce qu’insoutenable pour les économies, ce qui conduit depuis quelques temps les partenaires financiers à prôner la réforme de l’architecture financière internationale actuelle.
Cette idée portée par les institutions de Bretton Woods, est de plus en plus agitée, compte tenu du développement incontrôlé des marchés financiers, dont les états sont devenus les clients, et qui jouent un rôle d’amplification des crises financières systémiques depuis 2008.
La croissance est portée par l’état via la réalisation d’infrastructures et non par le secteur privé ;
L’état s’est complu dans la posture d’un état keynésien initiateur de grands travaux, générateurs de croissance.
Aussi la dette est devenue abyssale (133% du RNB), ce qui milite en faveur des tenants d’un abandon de créances.
Il y a 26 ans, c’était l’initiative PPTE, dispositif global de réduction de la dette des pays pauvres très endettés mis en place par le FMI et la Banque Mondiale.
Aujourd’hui on peut caractériser la situation de « Retour à la case départ », du fait de la charge intolérable du service de la dette sur les budgets nationaux.
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