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Chronique: Le malheur des eaux et le bonheur des autres



Le chef de l'Etat, Abdoulaye Wade en tournée dans la banlieue lors des inondations de l'année dernière
Le chef de l'Etat, Abdoulaye Wade en tournée dans la banlieue lors des inondations de l'année dernière
Il y a de ces situations qui se passent de commentaires. Pour passer ses vacances, le Président de la République s’est trouvé un coin de paradis, quelque part en Suisse. Ainsi chaque année, en cette même période, il peut se rendre au bord du Lac Léman pour un repos bien mérité, les pieds dans l’eau. Et si l’on en croit la Une du journal Le Quotidien de ce matin (jeudi 27 août 2009), Me Abdoulaye Wade n’a pas son pareil pour prendre un repos bien mérité. Disons le tout net, il sait comment se payer du bon temps. Après la Suisse, le chef de l’Etat a fait cap sur la France, à Biarritz plus exactement, où, avec toute la délégation qui l’accompagne – même en vacances, il est quand même président – il loge au bien nommé hôtel du Palais. Selon Le Quotidien, les vacances du Président ont déjà coûté 750 millions de francs CFA au Trésor Public. Rien n’est trop beau pour le bonheur de notre cher président.

Ainsi donc, au moment où le chef de l’Etat se sent obliger d’aller jusqu’en Europe, pour pouvoir bien se reposer les pieds dans l’eau, ici à Dakar, dans la banlieue, à Pikine et Guédiawaye – pour faire simple parce qu’il y a bien d’autres zones qui sont touchées – c’est l’eau qui va vers les populations, envahit leurs demeures et transforme leur vie en enfer. Et le pire, c’est qu’un tel drame aurait pu être évité, si seulement les autorités avaient pris toute la mesure de l’ampleur de la situation. Parce que cela fait tout de même des années, que les populations de ces quartiers vivent le même calvaire, tous les ans en cette même période.

Cette année encore, il a fallu plusieurs reportages dans les médias sur le drame que sont en train de vivre les habitants des zones sinistrées pour que le gouvernement daigne réagir, en déclenchant le plan Orsec avec un budget de 2 milliards de francs CFA. Et selon le Premier ministre qui a annoncé la bonne ( ?) nouvelle, tous les moyens seront déployés pour évacuer l’eau des zones inondées. Le Président de la République aurait donné des instructions très fermes. En effet, selon Souleymane Ndéné Ndiaye, de là où il est, c'est-à-dire en vacances entre la Suisse et la France, son patron «suit de très près la situation». Décidément il n’y a que les politiciens pour sortir des énormités comme celle là. Mais enfin, ce n’est pas mal de suivre la situation de très près, même quand on est à des milliers de kilomètres, mais c’est encore mieux quand on est tout près.

Un autre président aurait interrompu ses vacances pour se porter au chevet de sa population en apportant de solutions concrètes. Et non seulement, comme l’envisage le Premier ministre, sillonner la banlieue, pour apporter à ses habitants le soutien et la compassion du gouvernement. Gageons que ce n’est pas vraiment ce dont ont besoin les populations des quartiers sinistrés. Elles veulent juste sortir de l’eau et ne plus avoir à revivre ces inondations. C’est à cela que doivent s’atteler les autorités, qui devraient d’ailleurs revoir leur copie sur les initiatives prises jusque-là face aux inondations. L’évidence, c’est que tout fut un échec patent. Les programmes annoncés, en grande pompe pour mettre fin aux inondations n’ont encore rien changé à la situation dans la banlieue.

A commencer par le Plan Jaxaay, présenté comme la solution miracle et qui, en 2005 avait couté au contribuable sénégalais, au moins 52 milliards de francs CFA et des élections législatives. Aujourd’hui, cinq ans après, on en est à la même situation où le moindre millimètre enregistré en plus, transforme la banlieue dakaroise en no man’s land. Il faudrait bien qu’un jour que quelqu’un fasse les «Contes et décomptes» des réalisations du Plan Jaxaay. Qui apparait de jour en jour comme une grosse arnaque qui a consisté à évacuer des populations de zones inondées pour les recaser dans d’autres zones… inondables. C’est le cas de cité Jaxaay 1 et 2, dont certaines zones n’ont ni eau ni électricité.

Il est clair que le gouvernement n’a pas encore trouvé la bonne solution pour régler définitivement le problème des inondations, et rien ne permet, pour le moment, de penser qu’il en a la capacité, encore moins la volonté. Surtout en ce moment où la quasi-totalité des communes d’arrondissement qui se trouvent dans la banlieue sont entre les mains de l’opposition regroupée dans Benno Siggil Sénégal. Ce qui explique d’ailleurs, cette querelle, qu’Abdoulaye Makhtar Diop avait qualifié de puérile, entre l’Etat et les collectivités locales, pour savoir à qui revenait la responsabilité ou plutôt la lourde tâche de faire face aux inondations. En réalité, la gestion des inondations est sur le point de ne plus être une simple affaire de l’administration, mais de devenir un véritable casse-tête au cœur d’un grand enjeu pour le contrôle politique de la banlieue. Le malheur des populations de ces quartiers est aujourd’hui un fonds de commerce que tous les acteurs politiques cherchent à exploiter.

La preuve : tous les états-majors politiques, de la mouvance présidentielle comme de l’opposition, feront un tour dans les zones inondées, pour apporter leur «soutien et compassion» aux sinistrés et espérer engranger quelques bons points qui pourront toujours servir lors des prochaines échéances électorales. C’est la cynique réalité, les inondations dans la banlieue, c’est du pain béni pour les politiciens. L’adage dit bien que le malheur des uns fait le bonheur des autres. Pendant ce temps, les populations pataugent dans l’eau, priant qu’il s’arrête de pleuvoir. Parce qu’au fond c’est le seul véritable moyen de mettre un terme à ce malheur qui vient des eaux.

Samba Dialimpa BADJI
Rédacteur en Chef
Océan FM
www.oceanfm.sn

Samba Jalimpa Badji

Jeudi 27 Août 2009 - 15:43


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