Le Premier ministre ivoirien Daniel Kablan Duncan, le 21 novembre 2012, à Abidjan. AFP PHOTO / ISSOUF SANOGO
Vous affichez un bon taux de croissance, mais cela ne suffit pas pour résorber le chômage. Comment fait-on pour absorber 400 000 jeunes, chaque année, sur le marché du travail en Côte d’Ivoire ?
Daniel Kablan Duncan : Vous avez raison, nous avons une bonne croissance. C'était 8 % en 2012, cette année nous attendons une croissance autour de 9 %, et l’année prochaine notre ambition est de réaliser un taux de croissance à deux chiffres. La grande ambition du président de la République, c’est de transformer la Côte d’Ivoire en un pays émergent en 2020. Il faut pour cela changer la donne, d’une part en ayant des croissances plus fortes - c’est ce qui est en train de se faire - mais aussi en ayant une croissance plus équilibrée et une distribution de la richesse. En cela, pour les jeunes, il faut une formation plus adaptée. Il faut une adéquation, un plan formation. Nous allons développer davantage les lycées techniques et professionnels et nous allons faire une professionnalisation de la formation de l’université, de manière à ce que vous formiez en fonction des besoins du marché du travail.
L’autre élément important, c’est qu’il faut faire en sorte que l’auto-emploi se développe. Vous avez le secteur dit informel, où des petites et moyennes entreprises correspondent à 80 % des entreprises actuellement en Côte d’Ivoire, mais ne contribuent que pour 18% au produit intérieur brut. On peut faire beaucoup mieux que cela. Un exemple de nombreuses possibilités: le secteur agricole. Il a toujours été le moteur au niveau de la croissance en Côte d’Ivoire. Nous avons un programme 2012-2016 qui va coûter autour de 2 000 milliards de francs CFA. Ce secteur va fournir 2,4 millions d’emplois.
Le 24 septembre, vous avec rencontré le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo. A la sortie de cette rencontre, vous avez dit : « pour la réconciliation, il reste beaucoup de chemin à parcourir. » Quels sont les obstacles sur ce chemin ?
La première rencontre date de janvier 2013. Il y a eu des fortes avancées, mais à un moment donné, il y a eu des blocages. Notamment lorsqu’il s’agissait d’aller aux élections locales. Ils n’ont pas voulu participer à cela, c’était leur droit. Et nous avons convenu de se rencontrer après ces élections. Effectivement, après de longues discussions, on a renoué les contacts avec eux. Mais il y a eu des points de blocage.
Le premier blocage, c’est qu’ils souhaitaient que le président Ouattara aille à La Haye pour rencontrer l’ex-président Laurent Gbagbo. Mais c’était déplacé. D'abord parce qu'il s’agit d’une institution internationale. Par boutade, je leur ai dit : « Mais ils vont se rencontrer où ? Dans le parloir ? Où ? A quel endroit ? »
Deuxième point de divergence, ils ont souhaité qu’il y ait une amnistie générale. Nous avons estimé qu’il y a déjà eu une amnistie générale en Côte d’Ivoire en 1995 après le boycott actif, en 1999 après le coup d’Etat militaire, en 2003, et l’amnistie générale en 2007. Cela n’a pas empêché d'aller vers la catastrophe en 2010 après les élections régionales. Donc les amnisties ne sont pas la solution. Il faut lutter contre l’impunité et les gens, de n’importe quel bord, doivent être jugés. Il faut faire en sorte qu’on règle des problèmes comme le financement des partis politiques et là il y a des avancées. Nous avons proposé qu’il y ait un statut de l’opposition. Nous sommes allés plus loin même que l’opposition, puisque nous avons proposé qu’il y ait un statut de chef d’opposition. Il y a une autre question sur la sécurité de l’organisation des élections de 2015 sur laquelle nous discutons, et nous devons pouvoir arriver à un accord avant le scrutin.
Le FPI continue de demander la libération de Laurent Gbagbo. Vous avez déjà accueilli favorablement la décision de justice du 5 août dernier - la libération de 14 FPI. Est-ce que celle de Laurent Gbagbo ne pourrait pas également apaiser le climat politique ? Quel est votre point de vue personnel ?
Cela ne sert à rien d’avoir un point de vue personnel à partir du moment où vous avez quelqu’un qui est face à une Cour internationale. Il faut laisser la justice suivre son cours. C’est à elle donc de juger et de donner le verdict final.
Ce que dit le FPI, c’est que si vous avez renoncé à transférer Simone Gbagbo à La Haye, il serait logique que Laurent Gbagbo rentre en Côte d’Ivoire...
Mais ce qu’ils n’ont pas expliqué, c’est à quel moment Laurent Gbagbo a été transféré à l’extérieur : il a été transféré au moment où la Côte d’Ivoire n’était pas en mesure de le juger.
Est-ce que ça veut dire que vous ne transférerez pas Charles Blé Goudé (ancien leader des Jeunes patriotes, proche de Gbagbo) à la CPI comme vous n’avez pas transféré Simone Gbagbo ?
Cette question est vraiment à analyser. C’est au cas par cas. Le moment venu, le gouvernement se prononcera.
Vous êtes un vieux militant du PDCI. Henri Konan Bédié a été très confortablement réélu ce week-end, mais face quand même à deux adversaires pugnaces : Alphonse Djédjé Mady et Kouadio Konan Bertin. Est-ce que ce Congrès du PDCI n’a pas montré de graves divisions dans le parti. Est-ce que vous n’êtes pas inquiet ?
Au précédent Congrès, il y a eu déjà deux lourds responsables qui ont contesté la présidence de Henri Konan Bédié. Il y avait le président Fologo et il y avait le ministre Fadika Lamine. Les choses sont parties et le PDCI est toujours en place. Le PDCI, c’est quoi ? C’est le Parti démocratique de Côte d’Ivoire. Démocratique ! Et dans la démocratie, les gens se présentent, quoi de plus démocratique ? Au contraire, on devrait féliciter le PDCI-RDA d’avoir des militants qui contestent. Effectivement, le président Bédié a été élu parce que c’est un homme d’expérience. Nous traversons des turbulences. Il faut des gens qui savent tenir la barre avec le président Alassane Ouattara, pour faire en sorte que ce pays devienne un pays émergent en 2020.
Un candidat PDCI en 2015, ce n’est pas ce que souhaitait le président de la République. Est-ce qu’il n’est pas déçu ? Est-ce que vous-même, vous n’êtes pas déçu ?
Il faut comprendre comment fonctionnent les règles du PDCI-RDA. Dans un premier temps, dans ce Congrès, il s’agit d’élire un président du parti et de former l’ossature du parti. C'est ce qui a été fait. La deuxième chose maintenant, c’est de choisir un candidat éventuel.
Non, Henri Konan Bédié a dit : « il y a aura un candidat ! »
J’ai écouté aussi et permettez-moi de vous dire : dans les règles, c’est une convention qui décide du candidat. La convention ne s'est pas tenue que je sache. Il est indiqué qu’il pourrait y avoir un candidat.
Donc ce n’est pas encore sûr ?
Ce n’est pas encore décidé. La convention décidera [s'il y a] un candidat et qui sera le candidat.
Vous n’y êtes pas favorable ?
Je n’ai pas besoin d’être favorable, la convention décidera en temps opportun. Et c’est cela, la règle du PDCI-RDA. C’est un vieux parti, il date de 1946. C’est le deuxième parti après l’ANC en Afrique.
Source : Rfi.fr
Daniel Kablan Duncan : Vous avez raison, nous avons une bonne croissance. C'était 8 % en 2012, cette année nous attendons une croissance autour de 9 %, et l’année prochaine notre ambition est de réaliser un taux de croissance à deux chiffres. La grande ambition du président de la République, c’est de transformer la Côte d’Ivoire en un pays émergent en 2020. Il faut pour cela changer la donne, d’une part en ayant des croissances plus fortes - c’est ce qui est en train de se faire - mais aussi en ayant une croissance plus équilibrée et une distribution de la richesse. En cela, pour les jeunes, il faut une formation plus adaptée. Il faut une adéquation, un plan formation. Nous allons développer davantage les lycées techniques et professionnels et nous allons faire une professionnalisation de la formation de l’université, de manière à ce que vous formiez en fonction des besoins du marché du travail.
L’autre élément important, c’est qu’il faut faire en sorte que l’auto-emploi se développe. Vous avez le secteur dit informel, où des petites et moyennes entreprises correspondent à 80 % des entreprises actuellement en Côte d’Ivoire, mais ne contribuent que pour 18% au produit intérieur brut. On peut faire beaucoup mieux que cela. Un exemple de nombreuses possibilités: le secteur agricole. Il a toujours été le moteur au niveau de la croissance en Côte d’Ivoire. Nous avons un programme 2012-2016 qui va coûter autour de 2 000 milliards de francs CFA. Ce secteur va fournir 2,4 millions d’emplois.
Le 24 septembre, vous avec rencontré le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo. A la sortie de cette rencontre, vous avez dit : « pour la réconciliation, il reste beaucoup de chemin à parcourir. » Quels sont les obstacles sur ce chemin ?
La première rencontre date de janvier 2013. Il y a eu des fortes avancées, mais à un moment donné, il y a eu des blocages. Notamment lorsqu’il s’agissait d’aller aux élections locales. Ils n’ont pas voulu participer à cela, c’était leur droit. Et nous avons convenu de se rencontrer après ces élections. Effectivement, après de longues discussions, on a renoué les contacts avec eux. Mais il y a eu des points de blocage.
Le premier blocage, c’est qu’ils souhaitaient que le président Ouattara aille à La Haye pour rencontrer l’ex-président Laurent Gbagbo. Mais c’était déplacé. D'abord parce qu'il s’agit d’une institution internationale. Par boutade, je leur ai dit : « Mais ils vont se rencontrer où ? Dans le parloir ? Où ? A quel endroit ? »
Deuxième point de divergence, ils ont souhaité qu’il y ait une amnistie générale. Nous avons estimé qu’il y a déjà eu une amnistie générale en Côte d’Ivoire en 1995 après le boycott actif, en 1999 après le coup d’Etat militaire, en 2003, et l’amnistie générale en 2007. Cela n’a pas empêché d'aller vers la catastrophe en 2010 après les élections régionales. Donc les amnisties ne sont pas la solution. Il faut lutter contre l’impunité et les gens, de n’importe quel bord, doivent être jugés. Il faut faire en sorte qu’on règle des problèmes comme le financement des partis politiques et là il y a des avancées. Nous avons proposé qu’il y ait un statut de l’opposition. Nous sommes allés plus loin même que l’opposition, puisque nous avons proposé qu’il y ait un statut de chef d’opposition. Il y a une autre question sur la sécurité de l’organisation des élections de 2015 sur laquelle nous discutons, et nous devons pouvoir arriver à un accord avant le scrutin.
Le FPI continue de demander la libération de Laurent Gbagbo. Vous avez déjà accueilli favorablement la décision de justice du 5 août dernier - la libération de 14 FPI. Est-ce que celle de Laurent Gbagbo ne pourrait pas également apaiser le climat politique ? Quel est votre point de vue personnel ?
Cela ne sert à rien d’avoir un point de vue personnel à partir du moment où vous avez quelqu’un qui est face à une Cour internationale. Il faut laisser la justice suivre son cours. C’est à elle donc de juger et de donner le verdict final.
Ce que dit le FPI, c’est que si vous avez renoncé à transférer Simone Gbagbo à La Haye, il serait logique que Laurent Gbagbo rentre en Côte d’Ivoire...
Mais ce qu’ils n’ont pas expliqué, c’est à quel moment Laurent Gbagbo a été transféré à l’extérieur : il a été transféré au moment où la Côte d’Ivoire n’était pas en mesure de le juger.
Est-ce que ça veut dire que vous ne transférerez pas Charles Blé Goudé (ancien leader des Jeunes patriotes, proche de Gbagbo) à la CPI comme vous n’avez pas transféré Simone Gbagbo ?
Cette question est vraiment à analyser. C’est au cas par cas. Le moment venu, le gouvernement se prononcera.
Vous êtes un vieux militant du PDCI. Henri Konan Bédié a été très confortablement réélu ce week-end, mais face quand même à deux adversaires pugnaces : Alphonse Djédjé Mady et Kouadio Konan Bertin. Est-ce que ce Congrès du PDCI n’a pas montré de graves divisions dans le parti. Est-ce que vous n’êtes pas inquiet ?
Au précédent Congrès, il y a eu déjà deux lourds responsables qui ont contesté la présidence de Henri Konan Bédié. Il y avait le président Fologo et il y avait le ministre Fadika Lamine. Les choses sont parties et le PDCI est toujours en place. Le PDCI, c’est quoi ? C’est le Parti démocratique de Côte d’Ivoire. Démocratique ! Et dans la démocratie, les gens se présentent, quoi de plus démocratique ? Au contraire, on devrait féliciter le PDCI-RDA d’avoir des militants qui contestent. Effectivement, le président Bédié a été élu parce que c’est un homme d’expérience. Nous traversons des turbulences. Il faut des gens qui savent tenir la barre avec le président Alassane Ouattara, pour faire en sorte que ce pays devienne un pays émergent en 2020.
Un candidat PDCI en 2015, ce n’est pas ce que souhaitait le président de la République. Est-ce qu’il n’est pas déçu ? Est-ce que vous-même, vous n’êtes pas déçu ?
Il faut comprendre comment fonctionnent les règles du PDCI-RDA. Dans un premier temps, dans ce Congrès, il s’agit d’élire un président du parti et de former l’ossature du parti. C'est ce qui a été fait. La deuxième chose maintenant, c’est de choisir un candidat éventuel.
Non, Henri Konan Bédié a dit : « il y a aura un candidat ! »
J’ai écouté aussi et permettez-moi de vous dire : dans les règles, c’est une convention qui décide du candidat. La convention ne s'est pas tenue que je sache. Il est indiqué qu’il pourrait y avoir un candidat.
Donc ce n’est pas encore sûr ?
Ce n’est pas encore décidé. La convention décidera [s'il y a] un candidat et qui sera le candidat.
Vous n’y êtes pas favorable ?
Je n’ai pas besoin d’être favorable, la convention décidera en temps opportun. Et c’est cela, la règle du PDCI-RDA. C’est un vieux parti, il date de 1946. C’est le deuxième parti après l’ANC en Afrique.
Source : Rfi.fr
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