« L’heure est donc venue pour les Africains de faire fonctionner pleinement les cerveaux en acceptant de se frotter aux autres conformément à notre stratégie et à notre tactique. Le Japon et les pays d’Asie nous en donnent l’exemple, et rivalisent aujourd’hui avec les pays de l’Occident dans les sciences les plus compliquées, et les techniques les plus sophistiquées. Il s’agit en quelque sorte de jouer pleinement les règles du jeu et de gagner », dixit le Professeur Abdoulaye Wade.
Le monde s’achemine inéluctablement vers une nouvelle étape de son existence où les forces vampires et prédatrices, comme à l’accoutumée, tentent d’assoir leurs emprises sur les sociétés fragiles et commandées. Les crises et les guerres leur servent de terreau fertile pour asseoir leur nouvelle doctrine.
Jacques Attali dans « Demain qui gouvernera le monde » a largement démontré que l’Afrique n’aura aucun rôle à jouer dans la nouvelle configuration. Ses prédictions ont en filigrane frôlé le rôle puissant de l’Afrique dans l’histoire du monde. A telle enseigne qu’on se pose la question de savoir si l’Afrique a été le berceau des civilisations les plus achevées, des sciences les plus avancées, des formes d’Etats les plus démocratiques.
« Le dérèglement du monde » d’Amin Maalouf suggère que le nouveau monde qu’on veut édifier doit, forcément, reposer sur une identité plus vaste, pour que les civilisations particulaires puissent s’insérer dans une civilisation planétaire où il est impératif que le processus se déroule dans un contexte d’équité, ou tout au moins de respect mutuel et de dignité partagée.
Selon Alain Minc dans « le monde qui vient » perce le secret des puissances occidentales comme un laboratoire où se concoctent les valeurs collectives de demain. Pour lui, posséder des usines qui transmettent le pouvoir et le savoir aux élites de la planète est plus décisif que d’imposer la consommation de produits made in America. C’est à Harvard, à Berkeley, à Satanford où l’on dessine la nouvelle cartographie du monde. Ce changement de paradigmes obéit à des logiques de préservation d’intérêts stratégiques de l’Amérique et de ses alliés du Nord.
La conception Wadienne du développement ne tolère plus une réduction du monde à une oligarchie dictant ses lois au reste du monde sans prendre acte de leurs propres réalités. L’Afrique ne doit plus rester sur le banc des remplaçants, elle ne doit non plus être figurante d’une scène théâtrale, mais elle a son mot à dire, elle est actrice et dynamique. Le Président Wade met en place les conditions de possibilité d’une Afrique qui choisit, qui participe et non d’une Afrique molle qui subit les ordres et les caprices de l’Occident. Dès lors, les bases d’une Afrique active et debout sont jetées.
Il y’a nuance entre assister l’Afrique et coopérer avec elle. Contrairement à l’assistanat que nous considérons comme un poison mortel pour nos économies mais aussi à l’opposé du nouveau concept de nouvel ordre mondial qui n’a de sens que dans une sphère purement théorique, la franche coopération que nous réclamons, requiert quatre idées qui forgent son socle : créer une croissance plus équilibrée entre pays riches et pays pauvres, arrêter la politique fondamentaliste de l’économie (orthodoxie économique), Stopper le chantage de la dette et ses sanctions économiques, supprimer le modèle imposé par les pays développés. C’est dans ce sillage qu’il faut cerner et incorporer la nouvelle conception qu’a, toujours prônée, Me Wade.
L’Afrique est le dernier continent à développer. Si donc ce foyer s’allume à son tour et s’intensifie, entretenu par son important potentiel de matières premières et d’énergie, à long terme la science suivra. Toute la question est de préparer dès maintenant les structures et les hommes pour l’accueillir, l’acclimater la domestiquer et la mettre au service de notre développement. C’est pour cette raison que dans sa double planification, le Professeur Abdoulaye Wade préconise l’articulation des plans régionaux avec un plan au sommet qui couvre la totalité de l’espace économique. Il démontre l’idée selon laquelle, le développement optimal d’une économie passe par « des options structurelles » de la même façon que la solidité d’un édifice dépend des fondations de l’armature. Ainsi, l’Afrique doit opter, avant tout pour l’édification d’un vaste système d’infrastructures continentales. Cette thèse, exposée dans « Un Destin pour l’Afrique », a érodé toutes les conceptions classiques d’obédience étrangère. Son originalité repose sur un postulat qui transcende les clivages et prône la convergence des pluralités. De ce fait, il peut être considérer comme le précurseur de l’intelligence territoriale en Afrique. Cette cohérente de développement entérinera le passage de la décentralisation à la provincialisation.
Dans le plan, OMEGA, épine dorsale du NEPAD, le Professeur Wade avait identifié les secteurs productifs (agriculture, élevage, pêche, industrie, énergie, tourisme, technologie de l’information et de la communication) et les secteurs irrigants (les infrastructures, les transports, l’éducation, la santé et l’environnement).
La réalisation d’infrastructures transcontinentales, régionales et sous régionales devrait accélérer l’intégration économique et politique du continent. Les résultats obtenus, en 12 ans de pratique d’un libéralisme social, prouvent à suffisance que les théories économiques du professeur Abdoulaye Wade s’inscrivent dans une action globale plus intégrée à l’échelle continentale.
La continentalisation du Sahara, la grande muraille verte, les corridors, les grandes transformations agricoles, la révolution du Numérique, les grands chantiers culturels à l’image des sept merveilles de Dakar, les grands ports africains, les autoroutes continentales, les grands pôles économiques, les nouvelles villes, les zones économiques spécialisées (ZES), les infrastructures hydrauliques, les infrastructures électriques, les infrastructures aéroportuaires, les grandes universités sont omniprésents dans la conception du développement de Wade.
Pour asseoir cette logique de rupture, il fait de la ressource humaine de qualité un pivot incontournable du développement économique et social. Les premières actions prioritaires sont la formation d’une élite décomplexée de la case des tout-petits aux cadres de l’administration. L’éducation devra, pour quelques années, assurer la gigantesque tâche de doter le pays de cadres capables de charpenter la nouvelle donne consécutive à l’évolution rapide du monde. Il convient de souligner que sous le magistère du Président Wade, 40% du budget était consacré à l’éducation.
En effet, chaque fois que l’Afrique sous la poussée de ses cadres techniques préparait un programme de solutions aux crises, qui généralement touchait les conditions structurelles du modèle d’accumulation, les bailleurs de fonds, le FMI et la Banque Mondiale en tête ont eu à proposer des contres solutions. C’est dans ce sillage qu’il faut comprendre le torpillage du plan de Lagos de 1980 par le rapport Berg de 1981. L’abandon de la Grande Offensive Agricole pour la Nourriture en Abondance (GOANA) par le pouvoir actuel pour la Nouvelle Alliance pour la Sécurité Alimentaire et la nutrition (NASAN) des pays Du Nord prouve à suffisance que notre développement est toujours freiné par les désidératas et les croques en jambes des élites occidentales.
Le Président Wade avait constaté que les potentialités agricoles de l’Afrique pourraient en faire le grenier du monde, avec ses 700 millions hectares de terres arables, soit cinq fois plus que les terres cultivées ou cultivables aux USA. Bien gérées, les vastes terres fertiles africaines pourraient faire vivre trois fois le milliard deux cents millions d’habitants qu’aujourd’hui.
Mais, l’irruption des projets ou plans dits émergents (Sénégal émergent, Gabon émergent, Guinée émergent, Cameroun émergent…) est une aubaine pour les multinationales étrangères qui raflent la quasi-totalité des marchés, privant ainsi les pays africains de réelles chances d’industrialisation. Ces nouvelles trouvailles peuvent être qualifiées de bergeries où le loup occidental opère en toute quiétude avec la complicité d’une élite politique corrompue et éloignée des rivages du patriotisme.
Avec la crise du Covid 19, les autorités sénégalaises commencent à arguer l’idée selon laquelle, il faut repenser le PSE. Agissant ainsi, ils démontrent à quel point les plans et programmes dictés par les dominants ne résistent à aucun séisme. Les fanfaronnades de beaux taux de croissance s’estompent et laissent la place à une main tendue autour de l’annulation de la dette. Les mendiants du développement, assis sur une mine d’or, savent maintenant que le développement n’est pas une évidence mathématique transférable d’un continent à un autre, d’un pays à un autre. Chaque contrée génère les mécanismes de son propre développement en se basant sur ses propres réalités.
L’accaparement des maigres ressources du pays par les multinationales étrangères aura comme résultat : dépeupler les campagnes, agglomérer la population dans des espaces sans aires, affaiblir l’esprit comme le corps, sacrifier toute la jeunesse du continent.
Cette politique de préférence des milliards de l’étranger à la jeunesse déstructure l’élan économique et politique de nos sociétés. Elle altère toute notre capacité de résistance face aux crises cycliques.
D’où la pertinence et l’actualité du contenu du Manifeste des 200 de 1973 ; Démocratie et développement, lame de fond de la perspective wadienne du redressement de l’Afrique. Ces axes stratégiques étaient articulés autour de quatre points :
- Une politique résolument africaine ;
- Une démocratie véritable ;
- Une véritable politique nationale de développement économique et social ;
- Une politique d’indépendance nationale.
Dans « Les fondements économiques et culturels d’un Etat fédéral d’Afrique Noire », Cheikh Anta Diop démontrait que l’Afrique est le réservoir du monde en matières premières et énergétiques. Les richesses de son sol et de son sous-sol en font le continent le plus outillé pour se hisser au rang de puissance mondiale incontournable. Malheureusement ces aubaines sont sources de pillage par les puissances occidentales, aidées par une élite locale irresponsable et corrompue.
C’est à la jeunesse qu’il incombe la lourde tâche de défendre le continent contre les velléités incessantes et démesurées des gourous du développement. Si elle n’y arrive pas, elle apparaitra dans l’histoire de l’évolution de notre peuple comme la génération de démarcation qui n’aura pas été capable d’assurer la survie culturelle nationale, celle qui par sa cécité politique et intellectuelle aura commis la faute fatale à notre avenir national : elle aura été à ses yeux la génération indigne par excellence, celle qui n’aura pas été à la hauteur des circonstances. Cette détermination de l’éminent Cheikh Anta Diop est toujours d’actualité.
Les lieux pourvoyeurs d’élites sont infestés de pilleurs et d’hommes inconscients du potentiel économique du continent. Cette génération ratée et déconnectée de la trajectoire du progrès réel refuse, toujours, de s’adosser aux valeurs et pronostics des pères fondateurs du panafricanisme. Coupée de ses racines et ballottée entre deux mondes, l’Afrique dépourvue de stratégies propres et communes, est le terreau fertile aux expérimentations prédatrices d’un monde féroce. Son économie est gangrénée par des fossoyeurs qui capturent toute la solidarité. Ils ont fini par transformer l’Etat et ses institutions en de véritables instruments de rente.
Les élites africaines se sont autoproclamées comme les principales détentrices des ressources économiques produites. En s’en accaparant, elles privent au continent toute autonomie financière et le relègue à un rôle de mendiant du développement économique et social.
Le nouvel ordre mondial, dit de progrès et de développement, porté comme étendard par des gourous qui ont toujours échoué se heurtera forcément à des réalités structurelles constitutives de la géopolitique africaine.
Ce nouveau modèle ou fiction imposé de force par l’Occident opportuniste et décadent, opère comme une pomme aspirante de nos ressources économiques.
Les élites faibles sont peu soucieuses de voir leur continent montré du doigt comme le symbole de l’inefficacité, de l’échec, de la pauvreté, de la barbarie humaine, pourvu que leurs intérêts stratégiques pécuniaires restent intacts. Boumba (L. P) estime que les autorités parasitaires, paralytiques, immobiles et démissionnaires consomment les fruits du progrès avec une voracité malsaine.
L’alternative africaine humaniste qui, comme un ouragan, rejette et démantèle les pièges et les arcanes de la dépendance a été fatale aux dignes fils du continent :
Modibo keita éliminé, Sylvanus Olympio assassiné, Mamadou Dia emprisonné, Cheik Anta confiné à l’université, Abdoulaye Wade évincé, Lumbumba assassiné, Ahmet Cheikhou Touré combattu, Kwamé Nkrouma évincé, Mouammar EL Kadhafi évincé…
La plupart de ces hommes forts ont comme point commun ceci : la promotion de la souveraineté monétaire dans leur pays. Ce qui leur a valu le courroux de l’Occident. Le Président Wade, lui milite pour une monnaie continentale dénommée AFRICOR.
Pour remettre l’Afrique sur les rails du progrès où les talons d’Achille seront fortifiés en roues de fer, où la souveraineté économique nationale retrouvée, où le continent compte sur ses propres fils et propres ressources revenons à la perspective wadienne comme alternative.
Dr Malick Dieng
Directeur Général de l’Institut Libéral de formation supérieure
Secrétaire National à la formation et à l’idéologie.
Conseiller Spécial Africa-WIC
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