Un Egyptien a mis fin à ses jours en se pendant à un panneau publicitaire rouillé, sur la route qui relie le Caire à Alexandrie. Le corps de l’homme de 48 ans a été retrouvé mercredi dernier. La toile s’est enflammée : la misère sociale, et le gouvernement, sont les coupables. Oui, mais la police annonce que ce sont de banals problèmes conjugaux qui ont poussé à bout le chauffeur routier.
Mais Facebook n’en démord pas, l’homme est un symbole de l’Egypte actuelle. Un symbole de désespoir.
Aux dernières nouvelles, il ne supportait pas de ne pas pouvoir élever ses enfants correctement.
Les uns colorient le panneau publicitaire aux couleurs du président-maréchal, Abdel Fattah el Sissi, ironique contre-pied aux gigantesques affiches publicitaires new-yorkaises qui ont accompagné la venue de Sissi aux Etats-Unis pour l’Assemblée générale des Nations Unies. En Egypte, l’espoir a lâché, mais pour le monde extérieur, il s’agit de prétendre que « la paix, la prospérité et la croissance » rayonnent dans « la nouvelle Egypte ».
En fait seuls 10 pour cent, privilégiés, de la population, vivent avec plus de 10 $ par jour, soit avec plus de 236€ par mois.
Pour les autres, activistes à tendance socialiste, on dénonce l’une des manifestations les plus parlantes des inégalités et des castes sociales en Egypte : ces villes nouvelles quasi fortifiées, en bordure de la capitale, où les familles aisées vivent entre elles, loin de la plèbe, de son bruit, de ses odeurs et de sa surpopulation. Le dessin ci-dessous imagine sur le panneau une publicité pour l’une de ces villes ou quartiers aux noms fantasmagoriques « Dreamland », « Katameya Heights », « Porto Cairo » etc.
Haitham Ghoneim, un opposant assez proche de la mouvance des Frères musulmans, aujourd’hui en exil, dénonce lyriquement :
« Il a fait de son corps un symbole déclarant que l’Egypte est « comme un panneau publicitaire qui rouille à l’ombre de l’armée. »
Cet homme n’a jamais vu ou entendu les soirées des [villes balnéaires de la côte méditerranéenne ou de la Mer rouge] comme Marina ou Porto Sokhna. Son portefeuille ne contenait rien qui puisse lui permettre de s’acheter des vêtements aux grands centres commerciaux cairotes de City Stars ou Mall of Arabs, à H&M, ni de quoi s’offrir des cafés dans les chaînes Starbucks ou Beanos. »
L’humeur est sombre, très sombre, chez ceux qui ont cru au soulèvement de 2011. Beaucoup de jeunes activistes jettent l’éponge et se rangent, ou vont respirer un air plus libre à l’étranger, le temps que le jeu politique se déverrouille et qu’ils puissent servir à quelque chose – en mettant ce temps d’exil à profit dans de nouvelles études.
En 2011 le soulèvement était né, enflé, de la vague de colère suscitée l’été d’avant par la mort aux mains des policiers d’un jeune Alexandrin, Khaled Saïd. Le 25 janvier, jour historique de la fête de la police, avait été annoncé comme jour de « révolution » par la page Facebook « nous sommes tous Khaled Saïd ». Aujourd’hui la torture policière continue, les emprisonnements politiques remplissent les prisons par milliers, dans des conditions de détention sordides et sans respect des limites de détention provisoire. Les autorités, elles, nient l’évidence, proclament que les prisons sont « comme des hôtels », et qu’il n’y a pas de prisonniers politiques en Egypte.
Une caricature d’un journal d’opposition en ligne, Mada Masr, joue sur cette corde sensible. Le policier précise au détenu qu’il torture : « Au fait, à tout moment, si tu penses que je viole les droits de l’homme, n’hésite pas à me le dire. »
Pourtant, il serait malhonnête de dire que la direction actuelle des affaires égyptiennes déprime massivement la population. Non, malgré sa brutalité, la répression des Frères musulmans, et même celle des autres opposants, moins nombreux certes, à l’opposé du spectre politique, a l’assentiment (aidé par un matraquage incessant de propagande) d’une très grande partie de la population. Et les grands projets, aussi fumeux soient-ils, du gouvernement Sissi, sont soutenus – les autorités n’ont-elles pas annoncé un enthousiasme populaire phénoménal pour acheter des bons d’investissement auprès des banques gouvernementales afin de participer à la réalisation du doublement du Canal de Suez ?
Conscient du malaise qu’il y a malgré tout auprès d’une grande partie des jeunes – de l’aveu même des analystes politiques égyptiens, ils ont boycotté massivement les élections passées, n’y voyant qu’une mascarade- le président Sissi s’est adressé spécifiquement aux jeunes ce dimanche 28, à l’Université du Caire, . Là, ainsi que dans d’autres universités égyptiennes, ont parfois eu lieu des affrontements meurtriers entre les étudiants et les forces de l’ordre l’année scolaire dernière. Les moins de 30 ans représentent 60% de la population. Sissi a affirmé que « le pays n’avait pas su communiquer convenablement avec la jeunesse » et a promis d’y remédier – ainsi que de s’efforcer d’augmenter le nombre de bourses pour les universités étrangères accordées aux étudiants méritants. Louables déclarations d’intention.
Mais Facebook n’en démord pas, l’homme est un symbole de l’Egypte actuelle. Un symbole de désespoir.
Aux dernières nouvelles, il ne supportait pas de ne pas pouvoir élever ses enfants correctement.
Les uns colorient le panneau publicitaire aux couleurs du président-maréchal, Abdel Fattah el Sissi, ironique contre-pied aux gigantesques affiches publicitaires new-yorkaises qui ont accompagné la venue de Sissi aux Etats-Unis pour l’Assemblée générale des Nations Unies. En Egypte, l’espoir a lâché, mais pour le monde extérieur, il s’agit de prétendre que « la paix, la prospérité et la croissance » rayonnent dans « la nouvelle Egypte ».
En fait seuls 10 pour cent, privilégiés, de la population, vivent avec plus de 10 $ par jour, soit avec plus de 236€ par mois.
Pour les autres, activistes à tendance socialiste, on dénonce l’une des manifestations les plus parlantes des inégalités et des castes sociales en Egypte : ces villes nouvelles quasi fortifiées, en bordure de la capitale, où les familles aisées vivent entre elles, loin de la plèbe, de son bruit, de ses odeurs et de sa surpopulation. Le dessin ci-dessous imagine sur le panneau une publicité pour l’une de ces villes ou quartiers aux noms fantasmagoriques « Dreamland », « Katameya Heights », « Porto Cairo » etc.
Haitham Ghoneim, un opposant assez proche de la mouvance des Frères musulmans, aujourd’hui en exil, dénonce lyriquement :
« Il a fait de son corps un symbole déclarant que l’Egypte est « comme un panneau publicitaire qui rouille à l’ombre de l’armée. »
Cet homme n’a jamais vu ou entendu les soirées des [villes balnéaires de la côte méditerranéenne ou de la Mer rouge] comme Marina ou Porto Sokhna. Son portefeuille ne contenait rien qui puisse lui permettre de s’acheter des vêtements aux grands centres commerciaux cairotes de City Stars ou Mall of Arabs, à H&M, ni de quoi s’offrir des cafés dans les chaînes Starbucks ou Beanos. »
L’humeur est sombre, très sombre, chez ceux qui ont cru au soulèvement de 2011. Beaucoup de jeunes activistes jettent l’éponge et se rangent, ou vont respirer un air plus libre à l’étranger, le temps que le jeu politique se déverrouille et qu’ils puissent servir à quelque chose – en mettant ce temps d’exil à profit dans de nouvelles études.
En 2011 le soulèvement était né, enflé, de la vague de colère suscitée l’été d’avant par la mort aux mains des policiers d’un jeune Alexandrin, Khaled Saïd. Le 25 janvier, jour historique de la fête de la police, avait été annoncé comme jour de « révolution » par la page Facebook « nous sommes tous Khaled Saïd ». Aujourd’hui la torture policière continue, les emprisonnements politiques remplissent les prisons par milliers, dans des conditions de détention sordides et sans respect des limites de détention provisoire. Les autorités, elles, nient l’évidence, proclament que les prisons sont « comme des hôtels », et qu’il n’y a pas de prisonniers politiques en Egypte.
Une caricature d’un journal d’opposition en ligne, Mada Masr, joue sur cette corde sensible. Le policier précise au détenu qu’il torture : « Au fait, à tout moment, si tu penses que je viole les droits de l’homme, n’hésite pas à me le dire. »
Pourtant, il serait malhonnête de dire que la direction actuelle des affaires égyptiennes déprime massivement la population. Non, malgré sa brutalité, la répression des Frères musulmans, et même celle des autres opposants, moins nombreux certes, à l’opposé du spectre politique, a l’assentiment (aidé par un matraquage incessant de propagande) d’une très grande partie de la population. Et les grands projets, aussi fumeux soient-ils, du gouvernement Sissi, sont soutenus – les autorités n’ont-elles pas annoncé un enthousiasme populaire phénoménal pour acheter des bons d’investissement auprès des banques gouvernementales afin de participer à la réalisation du doublement du Canal de Suez ?
Conscient du malaise qu’il y a malgré tout auprès d’une grande partie des jeunes – de l’aveu même des analystes politiques égyptiens, ils ont boycotté massivement les élections passées, n’y voyant qu’une mascarade- le président Sissi s’est adressé spécifiquement aux jeunes ce dimanche 28, à l’Université du Caire, . Là, ainsi que dans d’autres universités égyptiennes, ont parfois eu lieu des affrontements meurtriers entre les étudiants et les forces de l’ordre l’année scolaire dernière. Les moins de 30 ans représentent 60% de la population. Sissi a affirmé que « le pays n’avait pas su communiquer convenablement avec la jeunesse » et a promis d’y remédier – ainsi que de s’efforcer d’augmenter le nombre de bourses pour les universités étrangères accordées aux étudiants méritants. Louables déclarations d’intention.
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