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El Hadji Ibrahima Faye sur l’insécurité au Sahel : « Le Mali, le Niger, le Burkina Faso ne représentent même pas 50 % du PIB de la zone CEDEAO»

La dégradation de la situation sécuritaire au Mali avec son corollaire de morts qui de plus exacerbée par des attaques ciblées fragilisent le cœur du pouvoir malien. Le Sahel incarne actuellement la multitude de défis auxquels est confronté le continent africain. Outre la montée de l'extrémisme violent, la région est aux prises avec la criminalité transnationale. El. Hadji Ibrahima Faye journaliste, géographe, et Analyste géopolitique revient dans cet entretien avec PressAfrik sur "le pronostic vital" de l'Alliance des États du Sahel. A bâtons rompus, le spécialiste aborde également la faiblesse de l'armée malienne face aux Jihadistes, la posture de la CEDEAO entre autres questions.



Monsieur Faye, quel peut être le pronostic vital de l'Alliance des États du Sahel (AES) regroupant le Mali, Niger et Burkina Faso ?
 
Je pense que pour l'alliance des états du Sahel regroupant le Mali, le Niger et le Burkina Faso, on ne peut pas dire qu'il y a un pronostic vital, parce que ces pays-là, viennent de sortir de la CEDEAO. Ils ont mis en place des structures telle que la Confédération des Etats du Sahel et actuellement, ils sont dirigés par des régimes militaires. Si vous voyez Assimi Goïta au Mali, vous avez Ibrahim Traoré au Burkina Faso, vous avez également le Général Abdourahamane Tiani au Niger.
Aujourd'hui, pour parler du pronostic vital, on ne peut pas effectivement se prononcer sur cela. Parce qu'on est en face des régimes militaires qui peuvent être renversés à tout moment. On sait qu’effectivement un jour où un régime civil peut revenir au pouvoir, il peut décider également de voir autrement. C'est-à-dire de sortir de l’AES, mais également de rejoindre la CEDEAO. On ne voit pas que cette  AES est une confédération qui est plutôt tournée vers le volet militaire, une alliance qui a une sorte de G5 Sahel qui a été ressuscité par les trois pays du Sahel pour lutter contre le terrorisme.
 
Je pense parler des pronostics de cette organisation-là, il ne faut pas s'attendre effectivement à une dislocation dans le court terme. Peut-être dans le moyen terme et le long terme, on peut parler peut-être d'une dislocation parce qu'on sait que ces trois pays sont conscients qu’ils ont besoin des pays de la CEDEAO pour se développer. Vous avez trois pays qui sont dans le hinterland, c'est-à-dire si je m'explique, ce sont des pays qui se trouvent effectivement dans des zones qui ne sont pas abordées par l’océan. Ils ont besoin effectivement des pays côtiers pour s'alimenter, mais également pour faire du commerce. Le Mali à besoin du port de Dakar, le Burkina Faso Abidjan, le Niger, il a besoin du port effectivement de Cotonou pour s'alimenter. Aujourd'hui, on a l'impression que cette alliance-là, il est plutôt tourné vers le volet militaire, mais pas le volet économique…. Pour la durée de vie de l'AES, il ne faut pas s'attendre à un court terme, peut-être dans le moins et dans le long terme. Mais je pense que ces pays-là peuvent également rejoindre un jour la CEDEAO, tout en gardant le format effectivement de l'AES, mais qui sera dans un volet plutôt militaire.
 
Pensez-vous que la région du Sahel est à jamais perdue, eu égard la profondeur de la situation ?
 
Je pense que le Sahel n’est pas perdu. Il y a encore des possibilités pour reconquérir du territoire, mais également, il faut savoir que les nébuleuses djihadistes ont connu des expansions plutôt considérables. Au Burkina Faso, l'armée contrôle presque 60 % du territoire. Si vous allez au Mali, on a des efforts qui sont en train d’être fait, mais également au Niger des efforts sont en train d'être fait. On sait tous que ces efforts-là ne suffisent pas.
 
Qu'est -ce qui peut expliquer la faiblesse de l'armée malienne face aux Jihadistes même avec la présence de supplétifs Wagner aux côtés des FAMA (forces armées maliennes)?
 
Malgré la création de l'AES pour combattre le djihadiste, on voit que ces groupes-là, deviennent de plus en plus résilients face aux armées. Avec le retrait de la France, on pansait qu’il y aura de l’accalmie dans la région. Vous avez en face des groupes qui sont organisés qui vivent dans des zones qui sont inaccessibles parfois aux armées. Si nous prenons par exemple la zone du Liptako au Gourma, c'est-à-dire l'espace 3 frontières, qui sont une zone stratégique un nœud vital pour les groupes djihadistes. Les armées du Burkina, du Niger, du Mali ne peuvent pas ratisser même cette zone. Parce que cette zone-là est une zone de la taille de l'Allemagne.
 
Faut -il s'attendre à ce que d'autres États du Sahel rejoignent l'AES ?
 
Il y a des efforts effectivement à faire, mais également ces pays ont besoin d'un soutien que ce soit de la sous-région, notamment de la CEDEAO des pays de la CEDEAO. On a une force de réaction rapide qui a été mise en place, mais jusqu'à présent qui n'a jamais été déployé. On a également des pays occidentaux qui peuvent également être des appuis précieux en renseignement sur ça, mais avec le basculement des pays du Sahel notamment le Mali, le Burkina et le Niger vers Moscou, cela complique la situation. Et cela donne à la place des thèses les plus farfelus qui sont défendues, c'est-à-dire que ce sont les Occidentaux qui soutiennent les terroristes sans effectivement beaucoup de preuves.
 
Je pense qu'effectivement le Sahel n’est pas perdu. Il y a des occasions et des efforts qu'on peut faire pour pouvoir récupérer ces régions, mais à condition de soutenir effectivement les régimes du Mali du Burkina du Niger. Putschiste, qui sont devenu infréquentable, mais également qui bloque la lutte contre le terrorisme.
 
Ousmane Sonko lors d'une récente visite au Mali confiait que jamais le Sénégal ne lâcherait ce pays frère. Est-ce qu’une déclaration pertinente si l'on considère le sentiment de défiance de ce pays à l'égard de la CEDEAO dont fait partie le Sénégal ?
 
Ousmane Sonko, il est dans son rôle. C'est-à-dire que durant sa campagne, il avait un discours plutôt souverainiste plutôt tourné vers le panafricanisme. Il a raison de dire ça, parce que, ce sont ces paroles qui l'engage parce que c'était des promesses de campagne qu’il avait fait et aujourd'hui on voit que vu la réalité sur le terrain, c'est tout autre. La réalité du monde sur le terrain diplomatique, c'est tout autre.
 
Quelle doit être la posture de la CEDEAO pour faire revenir les États de l'AES au sein de l'organisation ?
 
Finalement, le Mali également vos montres vous montrer qu'il va aller jusqu'au bout pour recouvrir à l'ensemble de son territoire. Le Sénégal est traditionnellement au pays effectivement de dialogue. On a vu les anciens présidents, exemples de Macky Sall qui a été mandaté pour négocier sur les céréales avec la Russie de Poutine. Vous avez aujourd'hui Bassirou Diomaye Faye qui a été mandaté par la CEDEAO. Notre rôle et notre posture a toujours été le dialogue. Peut-être ce que dit Ousmane Sonko, ce sont des paroles qui l’engage. On sait qu'il a un penchant très souverainiste, un penchant très panafricaniste, mais ça ne met pas effectivement en danger le Sénégal. Le président Bassirou Diomaye Faye l’a dit, ‘’le Sénégal a réitéré son attachement à la CEDEAO et n'est pas prêt à adhérer à quelconque organisation. Sous régional. Ça veut dire qu'aujourd'hui, ce que le Sénégal peut faire, il le fait. C'est-à-dire promouvoir le dialogue.
 
Bassirou D Faye a fait le tour des capitales africaines sur la question de la CEDEAO. Jusqu'à présent, il a cette posture. Notre pays, effectivement, est un interlocuteur qui parle à toutes les parties. 
 
La question est aussi valable pour les chefs d'Etat de la CEDEAO.

La sixième question, c'est un peu comme la cinquième question. Je dis que des médiations sont en train d'être faits. On a vu Bassirou Diomaye Faye qui a visité ces trois pays-là, mais jusqu'à présent rien. On a vu également Ousmane sonko qui s’est déplacé personnellement à Bamako, mais il y avait peut-être cela a été souligné dans les coulisses, mais qui n'a pas été rendu public. Plusieurs initiatives ont été initiées par les chefs d'État, mais jusqu'à présent, on voit effectivement que les pays trois pays de l'AES sont engagés dans une voie qui est celle de la rupture, de l'indépendance entre guillemets comme ils le disent.

La CEDEAO a ouvert la porte au dialogue effectivement, mais on a vu Abdoulaye Diop, le ministre des Affaires étrangères malien qui a dit catégoriquement que ce pays, ils ne reviendront pas dans la CEDEAO. Et la CEDEAO a usé effectivement de tous les moyens. Il y a également la médiation du président de la République sénégalaise qui n'a pas abouti, qui a été mandaté par la CEDEAO qui devait permettre une sortie de crise, de trouver un terrain d'entente pour que ces pays-là, puissent rejoindre effectivement la CEDEAO. Mais on voit que ces pays-là sont dans leur AES. Ils ont vendu effectivement ce modèle à leur opinion. Pour dire que la CEDEAO ce n’est pas viable, la CEDEAO, c’est un instrument effectivement à la solde de la France. Si ces pays devraient rejoindre la CEDEAO, ils feront face à une opinion plutôt mobilisée face à ça. D'abord, si vous parlez à un burkinabé, il vous dit que la CEDEAO ça ne sert à rien alors qu’on sait que sur le plan économique et commercial, en réalité, la CEDEAO offre des perspectives. Le retour de ces pays-là, ça peut se faire, mais pas dans le court terme. Ce sont des pays qui sont en guerre et également qui instrumentalisent comme ce qu'on appelle le discours populiste et revenir à la CEDEAO, reviendrait effectivement à trahir ceux qui les ont portés au pouvoir notamment les militaires. Aujourd'hui, on a vu que des manifestations qui ont eu lieu à Bamako, au Niger, des manifestations contre la CEDEAO. La Cedea a une image un peu négative auprès de ses opinions et aujourd'hui, les Etats de la CEDEAO ont fait des efforts. Ils ont fait des démarches sous la médiation jusqu'à présent, il y a aucun résultat concret. Il faut savoir dans les prochains mois peut-être dans les prochaines années une porte de négociation plutôt réaliste s’ouvre.
 
Pour ce qui est des frappes de drones au Mali, l’armée malienne est catégorique. Lundi 26 août, elle a affirmé que ses drones avaient visé des « cibles terroristes » et tué « une vingtaine d’individus armés » dans l’opération aérienne qu’elle a conduite, dimanche 25 août, contre la ville de Tinzaouatène (dans le nord du pays). Quelle analyse faite vous de cette situation ?
 
Oui pour la 9e question oui. Tinzaouatène c'est une zone qui est à la frontière algérienne. Dans la révélation, on a vu que ces rebelles font tout effectivement pour défendre cette zone-là considérée comme stratégique, c'est-à-dire à la frontière algérienne. On a vu récemment une frappe de trône dont pour l'armée malienne, a tué effectivement plusieurs djihadistes, mais pour les rebelles Touarègues, c’est une frappe qui a tué des civils. Aujourd’hui toutes les regardes sont tournés vers cette zone de Tinzaouatène. D'autant plus pourquoi, parce qu’auparavant, on a vu que l'armée malienne a perdu plusieurs hommes, du matériel, mais également des milices qui ont été également tués dans une embuscade méticuleusement planifiée par les rebelles. Ça veut dire que cette région-là de Tinzaouatène, le Mali entend lancer un signal au soutien des rebelles notamment l'Algérie. On a vu que l'Algérie a longtemps joué un double jeu sur le terrain. On l'accuse tantôt de soutenir effectivement les rebelles touarègues, mais parfois, on l’accuse d’être un allié des régimes sahéliens. Mais aujourd'hui, je pense que vu la position de Tinzaouatène, l'armée malienne va tenter de faire tout pour montrer qu'il est prêt à défendre sa souveraineté, mais également aujourd'hui cette frappe-là de drone, va montrer aux ennemis, que les maliens sont prêts à défendre leur territoire.
 
Il y a une petite tension diplomatique ces derniers jours avec cette frappe. L'Algérie veut également avec la mort des accords d'Alger, se positionner comme étant un interlocuteur pour les rebelles.


Vendredi 6 Septembre 2024 - 13:54


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