Il n’y a jamais eu autant de gilets portant le logo « presse » ensanglantés que depuis le 7 octobre 2023. Et les journalistes qui sont toujours en vie, qui travaillent malgré les coupures d’électricité et d’internet, qui sont souvent déplacés comme Maha Hussaini, sont désormais craints des populations car ils sont devenus de véritables cibles de l’armée israélienne : « Ma simple présence en tant que journaliste fait courir des risques à mon entourage. »
Une décennie s’est écoulée après l’adoption par l’Assemblée générale de l’ONU de la résolution « La sécurité des journalistes et la question de l’impunité », proclamant à la date du 2 novembre* la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes. Cette résolution exhorte les États membres à prendre des mesures précises pour combattre la culture actuelle d’impunité.
Elle condamne, entre autres, toutes les attaques et violences perpétrées contre des journalistes et des travailleurs des médias, exhorte les États membres à faire tout leur possible pour prévenir cette violence, en rendre compte, traduire en justice les auteurs des crimes commis, et veiller à ce que les victimes disposent de recours appropriés.
Un black-out médiatique délibéré
Cependant, depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza, mais aussi en Cisjordanie occupée, en Israël, au Liban, en Syrie, pas moins de 182 journalistes ont été tués. Du jamais vu dans le monde dans un laps de temps si court, treize mois. Le plus lourd tribut est payé par les journalistes palestiniens dans l’enclave assiégée de Gaza où plus de 130 d’entre eux ont été tués, dont au moins 32 dans l’exercice de leurs fonctions. « Au rythme où les journalistes sont tués, le droit à l'information libre et indépendante est en péril », alerte l’ONG Reporters sans frontières.
Dans la bande de Gaza, la présence de journalistes étrangers est interdite par Israël, sauf si ces derniers sont « embarqués » aux côtés de l’armée israélienne. Armée qui contrôle par la suite chaque image et chaque son et qui donne, ou pas, l’autorisation de diffusion. Ainsi depuis plus d’un an, seuls les journalistes palestiniens qui étaient présents lors du déclenchement de la guerre, et qui sont bloqués sur le territoire, peuvent documenter ce qu’il s’y passe. Ils sont présents sur la quasi-totalité de l’enclave pour témoigner du drame qui s’y déroule, qu’ils vivent eux-mêmes, et qui a fait plus de 43 000 morts et plus de 100 000 blessés depuis le 7 octobre 2023.
Pour Israël, un accès aux journalistes internationaux sur le territoire « met en péril les forces en action sur le terrain et la sécurité des soldats », en dévoilant par exemple leur localisation. C'est donc un black-out médiatique international.
Des rédactions détruites volontairement
Pour empêcher l'information de circuler librement, l’armée israélienne vise particulièrement les locaux des rédactions. Dès le 19 octobre 2023, une frappe détruit une rédaction éphémère sous tente abritant des équipes de la BBC, Reuters, Al Jazeera, l'AFP, et des agences de presse locales, à proximité de l'hôpital Nasser de Khan Younès. Le 2 novembre suivant, l’armée israélienne bombarde dans la ville de Gaza les tours abritant plusieurs médias internationaux, dont la célèbre tour Hajji qui abrite les locaux de l’AFP. Le 2 novembre, c'est-à-dire le jour de la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes.
Quelques mois plus tard, début 2024, c’est au tour de la Maison de la presse à Gaza, soutenue financièrement par la Norvège et la Suisse, d’être anéantie. « Lorsqu’il y a une forte probabilité qu’un crime de guerre soit commis, le flux en direct devient évidemment une preuve essentielle », explique Irene Khan, rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression.
Le collectif Forbidden Stories, qui a coordonné une enquête impliquant cinquante journalistes de treize médias internationaux, révèle en juin dans « Gaza Project » que les bombardements israéliens sont délibérés et ciblés, contrairement au discours officiel israélien affirmant que ces locaux ont été classés comme « à ne pas cibler ».
Une décennie s’est écoulée après l’adoption par l’Assemblée générale de l’ONU de la résolution « La sécurité des journalistes et la question de l’impunité », proclamant à la date du 2 novembre* la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes. Cette résolution exhorte les États membres à prendre des mesures précises pour combattre la culture actuelle d’impunité.
Elle condamne, entre autres, toutes les attaques et violences perpétrées contre des journalistes et des travailleurs des médias, exhorte les États membres à faire tout leur possible pour prévenir cette violence, en rendre compte, traduire en justice les auteurs des crimes commis, et veiller à ce que les victimes disposent de recours appropriés.
Un black-out médiatique délibéré
Cependant, depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza, mais aussi en Cisjordanie occupée, en Israël, au Liban, en Syrie, pas moins de 182 journalistes ont été tués. Du jamais vu dans le monde dans un laps de temps si court, treize mois. Le plus lourd tribut est payé par les journalistes palestiniens dans l’enclave assiégée de Gaza où plus de 130 d’entre eux ont été tués, dont au moins 32 dans l’exercice de leurs fonctions. « Au rythme où les journalistes sont tués, le droit à l'information libre et indépendante est en péril », alerte l’ONG Reporters sans frontières.
Dans la bande de Gaza, la présence de journalistes étrangers est interdite par Israël, sauf si ces derniers sont « embarqués » aux côtés de l’armée israélienne. Armée qui contrôle par la suite chaque image et chaque son et qui donne, ou pas, l’autorisation de diffusion. Ainsi depuis plus d’un an, seuls les journalistes palestiniens qui étaient présents lors du déclenchement de la guerre, et qui sont bloqués sur le territoire, peuvent documenter ce qu’il s’y passe. Ils sont présents sur la quasi-totalité de l’enclave pour témoigner du drame qui s’y déroule, qu’ils vivent eux-mêmes, et qui a fait plus de 43 000 morts et plus de 100 000 blessés depuis le 7 octobre 2023.
Pour Israël, un accès aux journalistes internationaux sur le territoire « met en péril les forces en action sur le terrain et la sécurité des soldats », en dévoilant par exemple leur localisation. C'est donc un black-out médiatique international.
Des rédactions détruites volontairement
Pour empêcher l'information de circuler librement, l’armée israélienne vise particulièrement les locaux des rédactions. Dès le 19 octobre 2023, une frappe détruit une rédaction éphémère sous tente abritant des équipes de la BBC, Reuters, Al Jazeera, l'AFP, et des agences de presse locales, à proximité de l'hôpital Nasser de Khan Younès. Le 2 novembre suivant, l’armée israélienne bombarde dans la ville de Gaza les tours abritant plusieurs médias internationaux, dont la célèbre tour Hajji qui abrite les locaux de l’AFP. Le 2 novembre, c'est-à-dire le jour de la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes.
Quelques mois plus tard, début 2024, c’est au tour de la Maison de la presse à Gaza, soutenue financièrement par la Norvège et la Suisse, d’être anéantie. « Lorsqu’il y a une forte probabilité qu’un crime de guerre soit commis, le flux en direct devient évidemment une preuve essentielle », explique Irene Khan, rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression.
Le collectif Forbidden Stories, qui a coordonné une enquête impliquant cinquante journalistes de treize médias internationaux, révèle en juin dans « Gaza Project » que les bombardements israéliens sont délibérés et ciblés, contrairement au discours officiel israélien affirmant que ces locaux ont été classés comme « à ne pas cibler ».
Des journalistes délibérément ciblés
Des bâtiments mais aussi les journalistes. « Parce que nous sommes la voix des victimes, nous sommes délibérement ciblés », observe Maha Hussaini depuis Deir el-Balah. Dans la bande de Gaza, porter un gilet estampillé « Press » et un casque fait courir des risques mortels. Depuis le 7 octobre 2023, dès qu’un journaliste y est tué, RSF enquête. « On essaie de savoir d'abord s'ils sont vraiment journalistes et pour quels médias, explique Jonathan Dagher, responsable du bureau Moyen-Orient de RSF. Puis ce qu'ils faisaient quand ils ont été tués. Après on essaie d'avoir des témoignages sur les crimes, s'il y a eu des témoins, pour essayer de savoir s'ils ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions ou s'ils ont été ciblés. »
L’enquête de Forbidden Stories montre qu’au moins 40 journalistes ou travailleurs des médias ont été tués alors qu’ils se trouvaient à leur domicile, quatorze ont été tués ou blessés ou présument visés alors qu’ils portaient leur veste de presse à Gaza, en Cisjordanie ou dans le sud du Liban, 18 ont été tués ou blessés dans des frappes de drones à Gaza. Quatre ont été tués ou blessés dans des frappes de drones alors qu’ils portaient leur gilet « presse ». Et au moins 40 journalistes travaillant pour des médias affiliés au Hamas ont été tués, selon cette étude.
L’armée israélienne réfute ces accusations et répond au consortium avoir respecté ses règles d’engagement, « conformes au droit israélien et au droit international ». Elle argue régulièrement que s’ils ont été tués, c’est parce qu’ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment ou bien tout simplement qu’ils n’étaient pas journalistes. « Les journalistes à Gaza sont des journalistes, des locaux pour la plupart, qui travaillent pour des chaînes locales et internationales. Ils ont durant plus d'un an fait preuve de professionnalisme. C’est grâce à eux qu'on a accès à ce qui se passe dans la bande de Gaza », insiste le responsable du bureau Moyen-Orient de RSF.
« Certains médias occcidentaux très favorables à Israël remettent en cause notre objectivité, mais nous sommes également des victimes », rappelle Maha Hussaini. Le palmarès de l’édition 2024 du prestigieux prix Bayeux des correspondants de guerre a fait la part belle aux journalistes de la bande de Gaza, dont Rami Abou Jamous qui a remporté trois récompenses pour son « journal de bord » depuis le territoire asphyxié.
Al-Jazeera en ligne de mire
En juillet dernier, l’armée a tout de même ouvertement revendiqué l’assassinat du journaliste d’Al-Jazeera Ismaïl al-Ghoul, 27 ans, se targuant sur X– anciennement Twitter –, d’avoir éliminé « un terroriste » et « un journaliste ».
Depuis plus d’un an, Al-Jazeera diffuse en direct le drame qui se déroule dans la bande de Gaza, 24h/24, grâce à son immense réseau de journalistes présents sur le territoire assiégé. Mais la chaîne internationale qatarienne est dans le viseur des autorités israéliennes depuis bien longtemps et subit de nombreuses menaces et pressions de Tel Aviv. En 2022, une reporter palestino-américaine de la chaïne Shireen Abu Akleh est tuée d’une balle dans la tête par un soldat israélien alors qu’elle couvre une opération militaire à Jénine, en Cisjordanie.
En mai dernier, la chaîne dont le siège est à Doha est interdite en Israël, les autorités estimant qu’elle est « un organe de propagande du Hamas » et qu’elle porte atteinte à la sécurité de l’Etat. Quant à ses bureaux de Ramallah, en Cisjordanie occupée, ils sont fermés manu militari, en direct à la télévision ce 22 septembre, pour 45 jours renouvelables. La fermeture du bureau d’Al-Jazeera « confirme les efforts de l’occupation [par Israël] pour perturber le travail des médias diffusant [des informations sur] des violations de l’occupation contre le peuple palestinien », déclare à l’AFP Mohammed Abou Al-Roub, directeur du bureau des médias du gouvernement de l’Autorité palestinienne.
Aujourd’hui, six de ses journalistes sont nommément menacés par Israël qui les accuse d’être des membres du Hamas et du Jihad islamique, dont Anas al-Sharif, visage bien connu des téléspectateurs de la chaîne. Israël refuse par ailleurs d’évacuer de la bande de Gaza deux autres journalistes d’Al-Jazeera grièvement blessés, dont un est dans le coma depuis plusieurs semaines.
« C'est très dangereux de douter de l'intégrité des journalistes, et encore plus de les accuser de terroristes, des accusations infondées qui en fait ne menacent pas seulement les journalistes qui sont à Gaza, mais les journalistes qui travaillent pour ces chaînes partout. Cette accusation est faite principalement par le côté israélien, celui-là même qui empêche la presse étrangère de rentrer. Mais alors, s'il y a ce souci, pourquoi empêcher la presse étrangère de rentrer dans la bande de Gaza ? Parce que le but est vraiment d'empêcher l'information », décrypte Jonathan Dagher.
Crimes de guerre
Le 8 octobre dernier, une trentaine de sociétés de journalistes majoritairement basées en France ont réclamé « de nouveau l'accès à Gaza, où ils doivent être protégés ». « Nous demandons donc aux autorités israéliennes de préserver la sécurité des journalistes qui tentent actuellement de travailler à Gaza et d’ouvrir ce territoire à la presse internationale pour qu’elle y fasse son métier : informer sans entrave et témoigner de la marche de cette guerre, l’une des plus meurtrières et violentes de ce début du XXIe siècle. »
De son côté, RSF réclame encore et encore l’application du droit international, « et nous demandons plus largement à la communauté internationale, aux gouvernements, de monter la pression sur les autorités israéliennes pour que s’arrête le massacre des journalistes, que ce soit à Gaza ou au Liban. Vraiment, ça doit s'arrêter. C'est déjà trop tard. »
Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a déclaré en mai dernier que les crimes contre les journalistes étaient inclus dans son enquête sur les crimes de guerre à Gaza. « Les journalistes sont protégés par le droit international humanitaire et le Statut de Rome (texte fondateur de la CPI, NDLR) et ne doivent en aucun cas être pris pour cible dans l'exercice de leur importante mission. »
La guerre qui s’étend désormais aux pays voisins fait craindre le pire aux journalistes. Déjà, le 13 octobre 2023, une frappe israélienne près de la frontière avec Israël tuait le vidéaste de l'agence Reuters, Issam Abdallah, blessant six autres reporters. Des enquêtes indépendantes, dont l'un menée par l'AFP, ont conclu à l'utilisation d'un obus de char de 120 mm d'origine israélienne. Plus récemment, des organisations de défense des droits des journalistes au Liban ont comptabilisé la mort de cinq photographes et personnel travaillant pour des plateformes médiatiques locales, dans des frappes israéliennes sur le sud du Liban et la banlieue sud de Beyrouth. Le 25 octobre 2024, Israël a tué trois journalistes au sud du Liban. Le Premier ministre libanais, Najib Mikati, a dénoncé un « crime de guerre » et une attaque « délibérée » visant à « terroriser les médias pour dissimuler les crimes et les destructions ».
« Mettre fin à l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes est l’un des défis les plus importants et les plus complexes de notre époque, affirme l’ONU à l’occasion de cette Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes. Il s’agit d’une nécessité fondamentale pour garantir le plein exercice du droit à la liberté d’expression ainsi que la possibilité pour tous et toutes de participer à un échange d’idées ouvert, libre et dynamique. » La résolution 2222 (2015) appelle au renforcement de la protection des journalistes, de plus en plus victimes d’attaques meurtrières dans les zones de conflit.
Mais depuis sa création en 1948, l'État d'israël a déjà fait fi de 229 résolutions onusiennes, portant sur la colonisation, le statut de Jérusalem ou le retour des réfugiés.
* La date de cette journée internationale a été choisie en mémoire de deux journalistes français de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, assassinés le 2 novembre 2013 au Mali.
Des bâtiments mais aussi les journalistes. « Parce que nous sommes la voix des victimes, nous sommes délibérement ciblés », observe Maha Hussaini depuis Deir el-Balah. Dans la bande de Gaza, porter un gilet estampillé « Press » et un casque fait courir des risques mortels. Depuis le 7 octobre 2023, dès qu’un journaliste y est tué, RSF enquête. « On essaie de savoir d'abord s'ils sont vraiment journalistes et pour quels médias, explique Jonathan Dagher, responsable du bureau Moyen-Orient de RSF. Puis ce qu'ils faisaient quand ils ont été tués. Après on essaie d'avoir des témoignages sur les crimes, s'il y a eu des témoins, pour essayer de savoir s'ils ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions ou s'ils ont été ciblés. »
L’enquête de Forbidden Stories montre qu’au moins 40 journalistes ou travailleurs des médias ont été tués alors qu’ils se trouvaient à leur domicile, quatorze ont été tués ou blessés ou présument visés alors qu’ils portaient leur veste de presse à Gaza, en Cisjordanie ou dans le sud du Liban, 18 ont été tués ou blessés dans des frappes de drones à Gaza. Quatre ont été tués ou blessés dans des frappes de drones alors qu’ils portaient leur gilet « presse ». Et au moins 40 journalistes travaillant pour des médias affiliés au Hamas ont été tués, selon cette étude.
L’armée israélienne réfute ces accusations et répond au consortium avoir respecté ses règles d’engagement, « conformes au droit israélien et au droit international ». Elle argue régulièrement que s’ils ont été tués, c’est parce qu’ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment ou bien tout simplement qu’ils n’étaient pas journalistes. « Les journalistes à Gaza sont des journalistes, des locaux pour la plupart, qui travaillent pour des chaînes locales et internationales. Ils ont durant plus d'un an fait preuve de professionnalisme. C’est grâce à eux qu'on a accès à ce qui se passe dans la bande de Gaza », insiste le responsable du bureau Moyen-Orient de RSF.
« Certains médias occcidentaux très favorables à Israël remettent en cause notre objectivité, mais nous sommes également des victimes », rappelle Maha Hussaini. Le palmarès de l’édition 2024 du prestigieux prix Bayeux des correspondants de guerre a fait la part belle aux journalistes de la bande de Gaza, dont Rami Abou Jamous qui a remporté trois récompenses pour son « journal de bord » depuis le territoire asphyxié.
Al-Jazeera en ligne de mire
En juillet dernier, l’armée a tout de même ouvertement revendiqué l’assassinat du journaliste d’Al-Jazeera Ismaïl al-Ghoul, 27 ans, se targuant sur X– anciennement Twitter –, d’avoir éliminé « un terroriste » et « un journaliste ».
Depuis plus d’un an, Al-Jazeera diffuse en direct le drame qui se déroule dans la bande de Gaza, 24h/24, grâce à son immense réseau de journalistes présents sur le territoire assiégé. Mais la chaîne internationale qatarienne est dans le viseur des autorités israéliennes depuis bien longtemps et subit de nombreuses menaces et pressions de Tel Aviv. En 2022, une reporter palestino-américaine de la chaïne Shireen Abu Akleh est tuée d’une balle dans la tête par un soldat israélien alors qu’elle couvre une opération militaire à Jénine, en Cisjordanie.
En mai dernier, la chaîne dont le siège est à Doha est interdite en Israël, les autorités estimant qu’elle est « un organe de propagande du Hamas » et qu’elle porte atteinte à la sécurité de l’Etat. Quant à ses bureaux de Ramallah, en Cisjordanie occupée, ils sont fermés manu militari, en direct à la télévision ce 22 septembre, pour 45 jours renouvelables. La fermeture du bureau d’Al-Jazeera « confirme les efforts de l’occupation [par Israël] pour perturber le travail des médias diffusant [des informations sur] des violations de l’occupation contre le peuple palestinien », déclare à l’AFP Mohammed Abou Al-Roub, directeur du bureau des médias du gouvernement de l’Autorité palestinienne.
Aujourd’hui, six de ses journalistes sont nommément menacés par Israël qui les accuse d’être des membres du Hamas et du Jihad islamique, dont Anas al-Sharif, visage bien connu des téléspectateurs de la chaîne. Israël refuse par ailleurs d’évacuer de la bande de Gaza deux autres journalistes d’Al-Jazeera grièvement blessés, dont un est dans le coma depuis plusieurs semaines.
« C'est très dangereux de douter de l'intégrité des journalistes, et encore plus de les accuser de terroristes, des accusations infondées qui en fait ne menacent pas seulement les journalistes qui sont à Gaza, mais les journalistes qui travaillent pour ces chaînes partout. Cette accusation est faite principalement par le côté israélien, celui-là même qui empêche la presse étrangère de rentrer. Mais alors, s'il y a ce souci, pourquoi empêcher la presse étrangère de rentrer dans la bande de Gaza ? Parce que le but est vraiment d'empêcher l'information », décrypte Jonathan Dagher.
Crimes de guerre
Le 8 octobre dernier, une trentaine de sociétés de journalistes majoritairement basées en France ont réclamé « de nouveau l'accès à Gaza, où ils doivent être protégés ». « Nous demandons donc aux autorités israéliennes de préserver la sécurité des journalistes qui tentent actuellement de travailler à Gaza et d’ouvrir ce territoire à la presse internationale pour qu’elle y fasse son métier : informer sans entrave et témoigner de la marche de cette guerre, l’une des plus meurtrières et violentes de ce début du XXIe siècle. »
De son côté, RSF réclame encore et encore l’application du droit international, « et nous demandons plus largement à la communauté internationale, aux gouvernements, de monter la pression sur les autorités israéliennes pour que s’arrête le massacre des journalistes, que ce soit à Gaza ou au Liban. Vraiment, ça doit s'arrêter. C'est déjà trop tard. »
Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a déclaré en mai dernier que les crimes contre les journalistes étaient inclus dans son enquête sur les crimes de guerre à Gaza. « Les journalistes sont protégés par le droit international humanitaire et le Statut de Rome (texte fondateur de la CPI, NDLR) et ne doivent en aucun cas être pris pour cible dans l'exercice de leur importante mission. »
La guerre qui s’étend désormais aux pays voisins fait craindre le pire aux journalistes. Déjà, le 13 octobre 2023, une frappe israélienne près de la frontière avec Israël tuait le vidéaste de l'agence Reuters, Issam Abdallah, blessant six autres reporters. Des enquêtes indépendantes, dont l'un menée par l'AFP, ont conclu à l'utilisation d'un obus de char de 120 mm d'origine israélienne. Plus récemment, des organisations de défense des droits des journalistes au Liban ont comptabilisé la mort de cinq photographes et personnel travaillant pour des plateformes médiatiques locales, dans des frappes israéliennes sur le sud du Liban et la banlieue sud de Beyrouth. Le 25 octobre 2024, Israël a tué trois journalistes au sud du Liban. Le Premier ministre libanais, Najib Mikati, a dénoncé un « crime de guerre » et une attaque « délibérée » visant à « terroriser les médias pour dissimuler les crimes et les destructions ».
« Mettre fin à l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes est l’un des défis les plus importants et les plus complexes de notre époque, affirme l’ONU à l’occasion de cette Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes. Il s’agit d’une nécessité fondamentale pour garantir le plein exercice du droit à la liberté d’expression ainsi que la possibilité pour tous et toutes de participer à un échange d’idées ouvert, libre et dynamique. » La résolution 2222 (2015) appelle au renforcement de la protection des journalistes, de plus en plus victimes d’attaques meurtrières dans les zones de conflit.
Mais depuis sa création en 1948, l'État d'israël a déjà fait fi de 229 résolutions onusiennes, portant sur la colonisation, le statut de Jérusalem ou le retour des réfugiés.
* La date de cette journée internationale a été choisie en mémoire de deux journalistes français de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, assassinés le 2 novembre 2013 au Mali.
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